Pour bien des joueurs, Dark Souls a marqué un tournant dans l’histoire du RPG. Précédé d’une réputation de jeu extrêmement rude, au propos macabre et au challenge parfois insurmontable, il a engendré nombre de suites et de clones, au point de devenir un style à part entière, souvent imité, rarement égalé. Avec Dark Souls Remastered, Bandai Namco livre, et je serai intraitable sur le sujet, le retour sur une aubade magnifique à la gymnastique matinale et aux imprimés solaires sur les armures.
C’est comme Dark Souls. C’est la renaissance du jeu vidéo japonais. Ce n’est pas difficile : c’est exigeant. Le lore est inscrit dans la description des objets. Le level design est brillant en cela que tout est interconnecté. Ce n’est pas un action RPG : c’est un jeu de danse. Voilà, tout est dit, Dark Souls est un jeu qui porte le stigma de tout ce qu’on a répété en boucle sur lui depuis avant même sa naissance. Depuis Demon Souls, voilà bientôt dix ans. Depuis lors, la série a muté, s’est réinventée, et chaque jeu a été une évolution douce mais profonde de la proposition précédente, jusqu’à un Dark Souls III synthétisant l’ensemble dans une joyeuse cacophonie macabre. Il était donc logique de conclure le tout par une ressortie en version ripolinée du premier épisode, qui n’avait jamais eu de portage digne de ce nom, et dont la version PC avait toujours été décriée comme moche et injouable. Toujours édité par Bandai Namco et développé par les équipes polonaises de QLOC, même si l’information n’a jamais vraiment été révélée au grand public, Dark Souls Remastered débarque donc sous nos latitudes. Loué soit le Soleil !
Tel qu’il aurait dû être
Dépiauter chaque micro aspect technique de ce Dark Souls Remastered ne m’intéresse en vérité pas beaucoup. Je n’ai jamais approché les jeux de chez FromSoftware comme des expériences techniques. Bien sûr, c’est beau, et il y a sans doute assez de FPS pour les cuistres qui en souhaitent toujours davantage. La profondeur de champ est bien là, la version PC n’a plus besoin de se parer du fameux bricolage Dsfix pour fonctionner correctement, etc etc. Le gros son sera très joli sur votre barre audio que vous n’aviez pas encore en 2011. Les développeurs ont fait tout ce qu’il fallait.
Ils n’ont cependant pas réussi à masquer que vous avez là entre les mains un jeu développé il y a sept ans, et qui ne faisait même pas cracher ses tripes à votre PS3. Au regard de ses suites, et de Bloodborne, Dark Souls Remastered est moche. Non pas que cela soit très important, mais attendez vous à un petit temps d’adaptation oculaire si c’est votre premier FromSoftware ou si vos souvenirs ont été un peu altérés par les superbes ambiances morbides de Dark Souls 3. Dark Souls Remastered est un jeu de 2011 avec une fausse moustache. Une très jolie fausse moustache, mais tout de même.
Mais peu importe. Évacuons la question technique dont je viens de bâcler la thèse et l’antithèse : Dark Souls Remastered est tout simplement Dark Souls tel qu’il aurait dû être. Parfaitement fluide, tournant parfaitement sur n’importe quel support, avec une caméra adaptée à ce que vous faites, et sans crash intempestifs. C’est très bien, bravo aux développeurs. Tout ceci ne doit pas nous faire oublier le vrai sujet de Dark Souls, qu’il nous appartient de redécouvrir en ce pluvieux mois de mai (dans le Loir-et-Cher en tout cas) : Dark Souls est un jeu qui parle du Soleil.
Hey, Mister Sunshine !
Au cours de vos sinistres pérégrinations dans les terres désolées, le soleil pâle et froid qui peine à percer les épaisses couches de nuage au dessus du Sanctuaire de Lige-Feu ou d’Annor Londo n’est que rarement votre ami. Synonyme d’espace découvert, d’éloignement du prochain sanctuaire ou de zone présentant peu de chances de fuite, le voyageur arpentant les terres du premier Dark Souls apprendra à ne pas beaucoup aimer la lumière naturelle.
C’est sans compter sur ce bon vieux Solaire d’Astora. Plus que Lautrec, Siegmeyer ou Frampt, davantage encore que les terrifiants Sen et Artorias, chacun associé à un souvenir de ma découverte du jeu en 2013 dans sa calamiteuse version PC, c’est Solaire qu’il m’a été doux de revoir. Ah, ce bon vieux Solaire. La première fois que le joueur a l’immense plaisir de le rencontrer, c’est peu après une rude rencontre contre un minotaure sur un pan de mur en ruines. Le joueur, blessé, hébété par ce premier pic de difficulté, entouré de squelettes et de rats farcis de poison, arrive à proximité du sanctuaire des morts vivants, gardé par un dragon contre lequel, croyez-moi, vous ne pouvez rien à ce moment de l’intrigue.
Et Solaire est là. En train de regarder le ciel pâle, engoncé dans son armure imprimé solaire, vous accueillant avec chaleur et rire. Vous proposant spontanément son aide, en échange d’une simple conversation. Là où la plupart des autres PNJ du jeu, à l’exception des rares commerçants, ne souhaitent rien d’autre que se moquer de vous, vous nuire ou profiter de votre naïveté. Plus tard, le chevalier, apparaissant dans un improbable mouvement de gymnastique solaire, se proposera de voler à votre secours lors de certains des combats les plus violents de toute la trilogie, vous distribuant des médailles quand il jugera que vous vous êtes bien battu.
La lueur d’espoir
Dark Souls 2 surprenait par son aspect presque trop vivant, avec son hub en forme de village maritime baigné par le soleil et peuplé de près d’une demi douzaine de quidams dont presque aucun n’était fou. Il vous présentait aussi des forêts verdoyantes, peuplées de créatures hostiles mais bien vivantes, une ville de pirates fantômes, et des cités immaculées presque intactes. Dark Souls 3 optait pour une contrée entièrement morte, mais un hub central plutôt chaleureux, et des PNJ nombreux et plus bavards. Dark Souls, et à fortiori Dark Souls Remastered, ne présentait pas autant de moments de quasi normalité.
Avec des sanctuaires plus rares, des PNJ désespérés (le premier que vous rencontrez meurt immédiatement), et un bestiaire plus effroyable que dans ses suites, Dark Souls est un jeu qui cherche à vous désespérer. Chaque étape est un peu trop loin, chaque passage de niveau un peu trop dur à atteindre. Plusieurs fois, j’ai abandonné le premier Dark Souls face à ces moments où le prochain obstacle semblait simplement infranchissable. La gargouille du toit, capable de vous écraser à la seconde où vous entrez dans l’arène. Les ruines de la Nouvelle Londo, avec ses spectres quasi immortels tant que vous n’avez pas compris « le truc » qu’on ne vous expliquera jamais vraiment. Les lanceurs de javelot de la cathédrale. Si Dark Souls a gagné avec les années sa réputation de jeu extrêmement ardu, c’est que là où on attendrait une pause et une récompense de la plupart des titres du même genre (à commencer par les autres jeux de la série), Dark Souls récompense chaque étape franchie par une épreuve bonus qui est là pour vous faire échouer jusqu’à ce qu’à force d’acharnement, vos mains, vos yeux et votre cerveau finissent par se coordonner dans un instant magique où « ça passe ».
Mais au milieu de toute cette sinistrose, Solaire est là, à intervalles réguliers. Loué soit le soleil ! La véritable quête de Dark Souls Remastered, c’est celle qui consiste à sauver le malheureux Solaire de la folie qui le guette. Car on s’en souvient peu, mais plus que n’importe quel autre jeu de la série, Dark Souls vous jugera sur vos actions. Sans jamais vous expliquer la voie à suivre, le jeu de FromSoftware aura une manière bien à lui d’interpréter votre capacité à bien agir au bon moment. Avez vous bien parlé à tout le monde ? Avez vous explosé dans l’ordre souhaité par la logique de votre quête ? Êtes-vous tout à fait certain de ne rien avoir oublié avant de partir dans la seconde partie de l’intrigue ? Votre passage dans ce monde, et dans ses multiples réalités, votre déambulation de carcasse investie d’un lourd fardeau, aura une influence déterminante sur bien des protagonistes du jeu. Mais Solaire est spécial.
Solaire d’Astora, amoureux du Soleil, fidèle compagnon, trop pur pour ce monde. Ce sont vos actions qui, en filigrane, l’empêcheront ou non de sombrer dans les affres de la folie. Alors, écoutez moi. Si vous aimez la lumière du jour, si seulement vous voulez aider dans sa quête un amoureux de la vie dans un monde rempli de mort, si vous avez un cœur, alors ruez vous sur Dark Souls Remastered. Montez jusqu’à la chapelle des morts-vivants pour y faire sonner la première cloche. Et pactisez avec Solaire sur le balcon. Et sauvez-le.
D’Izalith la Perdue au sanctuaire de Lige-Feu, du bassin de Noiresouche au Monde peint d’Ariamis, Dark Souls Remastered vous emmène, dans la meilleure version possible, dans un voyage parfaitement et admirablement sinistre. Toujours aussi exigeant et intransigeant qu’à l’époque et malgré un gameplay largement vieilli par les jeux suivants de la série, Dark Souls était et reste encore un RPG à l’ambiance et à l’intrigue remarquable. Si j’en suis à nouveau ressorti marqué par l’étrange et bouleversante histoire du pauvre Solaire d’Astora, il est certain que chaque joueur qui aura le plaisir de s’essayer ou de se réessayer à cet épisode à l’occasion de cette version définitive se construira lui aussi ses souvenirs impérissables.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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