Sorti en 2018, Tower of Time était l'incarnation parfaite du rampeur de cachot, qu'on appelle aussi dungeon crawler de l'autre côté de l'eau. Une tour à explorer, des combats à gogo, il n'en fallait pas plus pour satisfaire les amateurs de tactique. Cinq ans plus tard, le développeur polonais Event Horizon livre une sorte de suite avec Dark Envoy. Saura-t-elle transcender le stade de démo technique ?
Abrégeons le suspense : oui… et non. Oui, car Dark Envoy est bien une version plus-plus de Tower of Time. Certes, au lieu d'une unique tour, l'action va être étalée sur une carte, mais ce n'est qu'une différence syntaxique : on y explore toujours toutes sortes de ruines, de cachots, de souterrains, on y affronte des milliers de mobs, parfois un petit boss pour faire bonne figure. C'est l'application pépère du bon vieux triptyque en forme de portes, de monstres, et évidemment de trésors.
On a dit fantasy, pas fantaisie
Avec toute l'expérience et le loot, nos personnages vont pouvoir monter en deux temps, d'une part à travers un panneau de compétences, d'autre part un inventaire où l'on va passer son temps à comparer les stats d'une épée magique (code couleur vert, comme il se doit) à une masse légendaire (violette) pour savoir laquelle fait le plus de dégâts. Il y a bien sûr des marchands, de l'artisanat, des enchantements à coller par-dessus. Ça va ? Pas trop perdu·e·s ?
Dans ce cas, enchaînons avec le contexte, lui aussi sans surprise. C'est la guerre, comme d'habitude, entre l'Empire (qui aime le métal et l'architecture industrielle) et la Ligue dirigée par les Elfes (aux yeux sans pupilles, qui adorent les arbres et les trucs courbes), mais peut-être la réelle menace vient-elle des Hybrides (catégorie trucs organiques dégueux). Objectivement, la géopolitique de ces terres dévastées est plutôt incompréhensible... et pas spécialement passionnante, si on s'y attarde. Nos héros, Malakai et Kaela, naviguent — littéralement, grâce à leur bateau qui vole — dans cet univers high fantasy vaguement steampunk en poussant la blagounette façon blockbuster.
Mais dites donc, un véhicule aérien, c'est très pratique pour se promener et explorer toute la carte, non ? Pas si vite : Dark Envoy n'a pas du tout envie que l'on s'éparpille. Il faut sortir d'un long tutoriel pour que le jeu autorise timidement DEUX quêtes simultanées. Lorsqu'un nouveau lieu devient disponible, il ne peut être visité... qu'une seule et unique fois, villes exceptées. Toute sortie du donjon est définitive, n'oubliez pas de passer au vestiaire. En échange, la carte ajoute quelques donjons aléatoires en bonus, juste pour le plaisir de tabasser des bestioles et ouvrir des coffres.
Un poing pour toi
Le but d'Event Horizon n'était donc pas de faire un monde ouvert, et on ne peut pas le lui reprocher, car c'est un exercice périlleux. Chacun ses compétences, et celle du studio est clairement la bagarre. Là, effectivement, on sent une certaine maîtrise. Les combats se déroulent en temps réel, non pausable, mais ralentissable. Et autant être clair, vous allez passer la plupart de la baston en slow-motion tant il se passe de choses à l'écran. Ça explose, ça brûle, ça fonce, ça fait des roulades et ça tabasse du mob par paquets de douze. Le moteur fonctionne franchement bien : il est par exemple très confortable de pouvoir dessiner au sol une courbe pour lancer un mur de flammes, tandis que quelques indicateurs permettent de vérifier par la même occasion si le personnage est à portée ou s'il va devoir se déplacer au préalable. Quasiment chaque capacité offensive ayant une zone d'action, il faut garder un œil constant sur les aptitudes de mobilité pour fuir ladite zone lorsqu'un ennemi prépare son coup ou celles capables d'interrompre ledit ennemi. Tout en surveillant ses arrières, puisque les renforts peuvent surgir de partout…
Car ceux qui ont testé Tower of Time se souviennent peut-être du curieux mélange que formaient ces combats où l'on affrontait régulièrement des hordes de monstres venus des bords de la carte. Ce qui donnait même la sensation d'inverser la situation, l'envahisseur (du donjon) devenant tout d'un coup le défenseur (de sa vie) — on pouvait quasiment parler de tower defense. S'il y a un atome d'originalité dans l'Event Horizon Universe, c'est bien celui-là ; on retrouve cette mécanique dans Dark Envoy, à ceci près que les monstres apparaissent maintenant spontanément au milieu du champ de bataille. Ce qui remplit rapidement l'espace d'informations, mais reste étonnamment lisible en permanence. On ne sait jamais combien d'ennemis on va affronter avant de se lancer dans la mêlée : il faut à chaque fois s'attendre à ce que plusieurs vagues viennent s'empaler sur votre épée... ou pas.
À la fin de l'Envoy, je touche
Ce système rend un peu délicat le choix de la difficulté : après quelques échauffourées qui se passent sans problème, on serait tenté de remonter le niveau d'un cran. Oui, mais il suffit que les renforts soient un peu plus nombreux et le wipe est vite arrivé. Et puis, soyons honnêtes : il y a tellement de trash mobs qu'il faut pouvoir tailler relativement rapidement dans la masse pour avancer dans le donjon.
De toute façon, la progression n'est pas extrêmement bien calibrée. Assez rapidement, on acquiert plus de compétences que l'on a de slots. Quant à l'inventaire, le saut qualitatif d'un niveau d'objet à l'autre est énorme, ce qui fait que l'on peut passer de rudes combats à une charmante promenade pour peu que l'on ait looté la bonne pétoire dans un coffre entre-temps.
Vu qu'il consiste principalement en un continuum d'escarmouches, Dark Envoy peut s'avérer longuet si l'on cherche absolument à "finir le jeu". Heureusement, le scénario est suffisamment mince pour qu'on ne sente pas trop obligé d'aller jusque-là. Ce qui fait finalement douter de son intérêt tout court : certes, Dark Envoy est techniquement bien plus abouti que Tower of Time. Mais vu que la narration est clairement au second plan, on se demande s'il n'aurait pas mieux valu se contenter de replonger dans un bon vieux méga-donjon...
Dark Envoy a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur Xbox One et PS4.
Toujours un peu léger sur l'enrobage, Dark Envoy se concentre sur ce qu'il sait faire : la bagarre. Si vous cherchez un jeu d'action relativement bourrin sans prise de tête, une narration qui se déroule toute seule, où l'on enchaîne des combats pour tuer des centaines de bonhommes en mousse, il saura vous satisfaire. Ne lui demandez juste pas d'être Baldur's Gate 4.
Les + | Les - |
- Tactique techniquement impeccable | - Durée aléatoire des combats |
- Environnement sympathique | - Assez répétitif |
- Équilibrage parfois curieux |
glau
Se perd dans des mondes ouverts, dans les rouages de sa propre usine ou dans le fracas des chars, mais trouve toujours un petit chemin de fer pour rentrer.
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