L’écoute d’une musique appropriée, comme celle-ci par exemple, est fortement recommandée pour la lecture de cette critique.
Je venais de finir mon deuxième verre d’Orangina de whisky quand Fanny, notre rédactrice en chef, a frappé à la porte de mon bureau. J’ai tout de suite pensé qu’elle allait un jour causer ma perte. Déjà parce que je n’ai pas de bureau du coup je n’avais aucune idée de ce que je faisais ici, mais aussi parce qu’elle avait un exemplaire du jeu Blacksad à la main.
Elle m’a demandé si je connaissais un peu l’univers de la BD. J’ai menti et expliqué que j’avais déjà lu tous les tomes (un mensonge qui n’en était plus un le soir-même). Elle voulait que je m’occupe du test mais les quelques infos que j’avais eues sur le jeu, notamment un report de dernière minute, ne donnaient vraiment pas envie d’accepter cette affaire. Mais j’en avais plus qu’assez de prendre en photo des maris volages sur le vif. Et puis après tout, le jeu de Pendulo Studio pouvait être une bonne surprise…
Une enquête ronrondement menée
J’avais donc fait mes recherches avant de me lancer dans l’affaire. Blacksad, bande-dessinée espagnole commencée en 2000 et comptant 5 albums, une réussite commerciale comme critique. Des histoires qui plongent le lecteur aux Etats-Unis lors des années 50 mais avec la particularité d’avoir comme personnages des animaux anthropomorphisés et notamment son personnage principal, un chat noir détective privé qui donne son nom à la BD. Ce dernier se retrouve le plus souvent mêlé dans des affaires qui le dépasse mais dont il finit toujours par s’en sortir, rarement en un seul morceau, physiquement comme émotionnellement parlant. Je ne pourrais qu’inviter quiconque voudrait se lancer dans la lecture de ces histoires à le faire, mais sachez que connaître ces histoires n’est pas un impératif pour jouer au jeu, ce dernier étant indépendant de la BD, à quelques références près.
Mais il était temps pour moi de commencer mon enquête, une sombre histoire dans le monde de la boxe avec le propriétaire d’un gymnase, qui avait décidé de se pendre au-dessus de son ring, et son poulain (enfin c’est un chien en vrai mais vous avez compris) qui avait disparu 2 semaines avant un match important où beaucoup d’argent était en jeu. A moi de comprendre pourquoi le premier avait supposément mis fin à ses jours et où était passé le second.
Je ne peux vous raconter toute mon enquête dans les détails, je ne suis pas ce genre de détective. Ce que je peux vous dire en revanche c’est que j’ai été très agréablement surpris par l’histoire proposée par Blacksad. Rebondissements, fausses pistes, alliances suivies de trahisons et coups de théâtre étaient au programme de la dizaine d’heures qu’il m’a fallu pour résoudre cette affaire. Le jeu a réussi à me faire ressentir de la haine envers certains personnages (et un en particulier que j’insulte encore intérieurement à chaque fois que j’écrase les cigarettes que je ne fume pas) et une réelle compassion pour d’autres. Personne n’est tout noir ou tout blanc dans le monde de Blacksad et chacun a ses motivations ou son but à atteindre, y compris vous.
Telltale est pris qui croyait prendre
Mais parlons plutôt de comment j’ai résolu cette affaire. J’ai cherché, encore et encore, partout où ma truffe et mes pattes pouvaient m’amener. Et ce ne fut pas facile, ça je peux vous le dire. Je ne sais pas si c’est à cause d’une consommation excessive d’alcool de ma part mais qu’il était difficile de se déplacer pendant l’enquête, j’avais l’impression d’être un tank comme à l’époque de mes premières enquêtes en 3D.
Pas d’objets à récupérer et combiner cette fois-ci avant de tout tester un peu partout en espérant trouver la bonne solution. Simplement des éléments à noter dans mon carnet, parfois des preuves, parfois de simples intuitions que je pouvais ensuite combiner dans mon esprit pour en déduire de nouveaux éléments pour mon enquête, de quoi poser de nouvelles questions aux différents suspects ou me donner envie de visiter de nouveaux lieux. Une vraie méthode de travail différente de d’habitude et plutôt agréable.
Autre ajout que seul Blacksad pouvait me permettre d’avoir : une vue, une ouïe et surtout un odorat plus développés. De quoi, à certains moments, déchiffrer plus facilement un mot griffonné à l’autre bout de la pièce, entendre les battements de cœur d’une suspecte, ou encore sentir une l’odeur spécifique d’un produit qui n’a rien à faire sur une scène de crime.
Le reste de mon temps ? Je l’ai passé à discuter avec les suspects pour glaner des informations. Mais ce fut aussi l’occasion de répondre à leurs questions d’une manière devenue classique ces dernières années : dans un temps limité et avec plusieurs réponses possibles pouvant avoir différentes conséquences. Pas de Clémentine pour se souvenir de mes propos et mes gestes ici mais d’autres personnages que j’ai pu me mettre dans la poche ou au contraire à dos, de quoi me faciliter comme me compliquer la vie tout au long de mon enquête. Mais je suis un vieux loup de mer, les routes peuvent différer quelque peu en fonction de mes choix mais elles mènent toutes plus ou moins au même verre de whisky… même si chaque enquête qu’on me propose depuis plusieurs années continue à essayer de me faire croire le contraire.
Et qui dit enquête avec choix et conséquences dit aussi séquences avec des actions à réaliser au bon moment, sous peine de mort, ou pire, de devoir relancer la scène pour avoir le dénouement souhaité, même s’il faut se retaper 10 minutes de dialogue pour cela. Cela dit, je ne sais pas si mes sens de chat étaient plus aiguisés que d’habitude mais je n’ai pas raté grand-chose donc pas d’inquiétude à avoir pour les détectives en herbe.
La patte Blacksad
Il me reste encore quelques petites choses à retenir de cette enquête. Tout d’abord l’ambiance. Qu’on est bien dans l’Amérique des années 50 à se ballader en imperméable tout en écoutant des musiques rappelant les belles heures passées lors de mes enquêtes dans le monde des morts ou encore dans le Los Angeles de l’après-guerre. Et ce même si mon enquête fut parsemées de moments où parfois la musique et parfois les voix disparaissaient pendant quelques instants. Des voix, notamment en français, vraiment réussies, surtout celle de Blacksad, et ça tombe bien parce qu’on l’entend beaucoup.
Visuellement, je n’irai pas jusqu’à dire que les décors de l’affaire ont été réalisés au même moment où elle est censée se dérouler mais disons que Pendulo Studio n’a pas emprunté que les systèmes de jeu des productions Telltale. Quant aux personnages, si certains sont soignés, d’autres n’auraient pas dû être modélisés après une soirée arrosée dans un club de jazz.
Pour finir, je dirai qu’au-delà de cette enquête réussie, la possibilité de créer la personnalité de son « Blacksad » selon ses choix fonctionne. J’ai aimé être ce détective un peu trop honnête pour son propre bien, essayant de tenir ses promesses et n’hésitant pas à donner une deuxième chance à celles et ceux ne le méritant sans doute pas (sauf un, une nouvelle fois, qui a réussi à me faire sortir de mon personnage et qui méritait juste un passage à tabac jusqu’à la fin de ses jours). Alors oui, cela n’avait sans doute pas réellement d’importance, j’aurai pu aussi être un sale type qui ne pensait qu’à l’argent sans se soucier des victimes et peut être ai-je été influencé par le héros de la BD mais peu importe, le temps d’une enquête j’étais sacrément classe.
Blacksad a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Je n’y croyais pas en démarrant l’enquête et pourtant Blacksad fonctionne et bien que s’appuyant fortement sur des bases déjà connues de tous, arrive à avoir son originalité. Les amateurs de la BD pourront prendre plaisir à découvrir une nouvelle enquête dans les Etats-Unis des années 50 remplis d’animaux aux problèmes très humains et les autres pourront avoir une belle porte d’entrée à cet univers. Peut-être le meilleur jeu de Telltale de ce genre depuis The Wolf Among Us.
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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