Jeu qui se veut investi sur certaines problématiques sociales, Best Day Ever s’est doté d’une DA bien sympathique et d’un gameplay efficace. Et la meilleure nouvelle, c’est que l’aspect moral n’est pas juste un argument marketing mais est parfaitement intégré à la proposition. Voyons un peu tout ça !
Best Day Ever et ReRolled
Avant de parler du jeu, faisons une petite présentation des gens à l’origine de ReRolled Studio. Ce studio lyonnais est co-fondé par Kevin Jolicart et Pierre-Cédric Thomart. Le premier est spécialisé en game design, le second en programmation. Forts de leurs expériences respectives et communes, ils ont décidé de se lancer dans l’aventure de création de jeux selon leurs propres termes. Best Day Ever n’est toutefois pas leur premier jeu : ils en ont lancé plusieurs, dont le dernier, Game Kingdom, semble avoir des retours plutôt positifs. Ils ont complété leur équipe avec d’autres personnes spécialisées et ont même reçu le soutien du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) pour ce qui est du financement. Vous pouvez retrouver tout ça directement sur leur site.
Maintenant, Best Day Ever, c’est quoi ? Sur Steam, l’équipe donne la description suivante : « un jeu narratif dans lequel vous incarnerez quatre personnages. Votre objectif ? Gérer leur quotidien et les aider à surmonter leurs difficultés pour créer la plus belle des journées”. Le titre de ReRolled Studio réussi à enrober des dialogues qui portent sur des thématiques sociales sérieuses grâce, souvent, à un ton humoristique mêlant jeux de mots et références à la pop culture (entre autres). Concrètement, chaque personnage possède sa propre personnalité, son cercle d’amis et de connaissances, et ses objectifs personnels. On a ainsi une manager, un basketteur, une étudiante et un politicien (on verra plus tard qu’ils ont tous un petit nom bien précis). Ces derniers évolueront selon les différents événements bouleversant leur vie de tous les jours, des changements qui impacteront la gestion de certaines statistiques autant que l’intrigue principale.
Gestion simple et efficace
La première chose qui marque en arrivant sur Best Day Ever, c’est le travail autour de l’interface. Rien que le menu, plus que fortement inspiré d’une page Twitter, nous met à l’aise tout en ajoutant une touche parodique bienvenue. Un accueil qui nous amène vers une des quatre histoires, mais qui permettra aussi de suivre le fil de « tweets » liés à chaque personnages, et qui changera au fur et à mesure que les intrigues avancent. J’ai par exemple commencé par Emma Nadjeur la… manager (j’avais prévenu), mais on peut parfaitement décider d’aller d’abord vers Jordan Neal le basketteur, Jenny l’étudiante ou Paul Hitik le politicien.
Une fois ce choix effectué, on profite là encore d’une interface intuitive et facile à prendre en main. Je ne sais pas si c’est grâce à l’expérience acquise par le studio sur les jeux mobiles mais, en quelques minutes à peine, on comprend chaque élément qui s’affiche et son but. C’est le cas du déroulement des journées selon les actions que l’on effectue (des tranches de 3h par action, avec une journée qui débute à 9h du matin) mais aussi des statistiques à gérer. Ces dernières seront à suivre avec attention si on veut atteindre les objectifs qui s’affichent également sur l’interface. À cela s’ajoute un téléphone portable qui sert de menu séparé en quatre catégories : les appels, les messages, l’agenda et l’inventaire. Il ne sera pas possible d’envoyer directement des messages, mais vous pourrez appeler n’importe quel numéro de votre répertoire (pas sûr que cela réponde, cependant, tout le monde n’a pas le même emploi du temps). L’agenda est pratique quand un rendez-vous se planifie hors des objectifs de bases, et dans l’inventaire vous pouvez retrouver items achetés ou récupérés.
Ce système de base est vraiment efficace, d’autant qu’il possède une mise en forme commune à tous les personnages. Mais cela ne veut pas dire qu’il est identique pour chacun d’eux. En effet, si la jauge d’énergie et la somme d’argent possédée sont présentes pour tous, on note des différences notables liées au quotidien de chacun. Ainsi, Jordan Neal (Michael Jordan et Shaquille O’Neal, j’ai la réf) possède la fameuse barre d’énergie et, en plus, des barres de « physique » et de moral. Jenny l’étudiante, quant à elle, en plus de la statistique d’énergie, a à en gérer une de connaissances et une de stress. Dans les faits, cela se perd et se gagne de la même façon, au gré des choix et actions effectuées, mais rajoute une touche de personnalisation sympathique et cohérente avec les personnages.
Chaque partie étant assez courte (entre 1h et 1h30 pour chacun des héros), la répétitivité de certaines actions ne devient jamais réellement rébarbative. D’autant que c’est à chaque fois dans l’intérêt de faire progresser l’intrigue et atteindre ses objectifs. À cela s’adjoint un menu secondaire lié à l’objectif principal. CROK CHO pour Emma, Boite de réception pour Paul, Fiches de révision pour Jenny et Tournoi des Universités pour Jordan. Ces menus sont importants car ils vont être un peu le cœur de votre objectif principal à long terme. Celui-là même qui sera affecté en premier par les aléas des événements liés à vos relations avec les personnages secondaires et traversés par les fameuses thématiques sérieuses qui font la force du jeu.
Progressisme frais
Une des forces principales de Best Day Ever, c’est de réussir à aborder des sujets sociétaux complexes dans un jeu accessible. Mais quelles sont donc ces problématiques ? Emma Nadjeur fait face à un sexisme qui entame forcément sa motivation et ses capacités à faire son job tout en gardant une vie sociale. On a là une excellente mise en avant du lien intrinsèque entre pressions professionnelle et personnelle. Jordan Neal est un excellent athlète mais il cache à ses coéquipiers son homosexualité. Cette fois, c’est le sujet de l’homophobie et plus spécifiquement celle dans le sport qui est pointée du doigt. D’autant que son compagnon est vite affecté par le fait que Jordan refuse d’officialiser leur relation auprès de ses coéquipiers.
On pourrait parler aussi de Jenny, l’étudiante timide et stressée, qui devient malgré elle la cible d’une jeune fille populaire. Sauf que cette dernière agit ainsi parce qu’elle cherche à compenser son insécurité et son enfance mouvementée. Le harcèlement scolaire est donc abordé essentiellement du côté de la victime mais aussi, vers la fin, du côté de celle qui harcèle. Enfin, Paul Hitik est peut-être le personnage le plus intéressant. Politicien, il cherche à obtenir le poste de maire de la ville. Voulant régler certaines injustices, il nous mettra face à ce que la quête du pouvoir peut signifier pour quelqu’un qui se veut intègre. Sur quoi doit-il axer sa campagne ? Faut-il sacrifier ses idéaux pour assurer sa victoire ?
Leurs histoires les amèneront à se croiser et cela va officiellement lier tout cela à une même intrigue globale. On a là un vrai progressisme rafraîchissant. Trop de sociétés profitent de ces thématiques essentielles pour laver leur image (le fameux green washing pour l’écologie, ou, encore plus actuel, le pink washing pour ce qui est des droits des LGBTQ+) et des studios de jeux finissent fatalement par suivre ce même chemin, un progressisme de façade. Or ça n’est pas le cas pour Best Day Ever. Les thématiques sont bien intégrées dans le jeu pour que le message s’imprègne, tout en faisant passer un moment vidéoludique agréable. On aura envie de relancer le jeu pour aller aider de nouveau ces personnages et chercher la « meilleure des journées » (et les succès qui vont avec, on va pas se mentir). D’autant que le jeu propose de quoi visualiser l’arborescence des choix et éviter de relancer un peu « pour rien ».
Best Day Ever a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est attendu plus tard sur Switch.
Bonne surprise que ce Best Day Ever. Son interface 2D épurée, son humour et sa DA mignonne cachent un petit jeu narratif de gestion aux thématiques fortes. Qu’il aborde l’homophobie, le harcèlement scolaire, le sexisme, les magouilles politiques et quelques autres, le jeu tape toujours juste. Son format, focalisé à chaque fois sur un personnage, permet en plus de profiter agréablement de sessions de jeu courtes si on le souhaite. Au point qu’on voudrait que d’autres viennent faire leur apparition ! On peut à la limite regretter des choix parfois trop superficiels et quelques rares incohérences par rapport à des décisions prises. Mais c’est bien les seules ombres au tableau. Une excellente création indépendante et française, le tout pour à peu près 12€.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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