Annoncé il y a des années, le successeur spirituel indé de Ghosts’n Goblins a accusé plus d’un an de retard sur son calendrier initial. Avec sa promesse de mélanger metroidvania et jeu d’arcade à l’ancienne à scrolling horizontal, Battle Princess Madelyn par Casual Bit Games est enfin disponible.
C’est un jeu qu’on attendait presque plus. Initialement prévu pour début 2018, et ayant donné très peu de nouvelles depuis le début de son Kickstarter triomphant en 2017, Battle Princess Madelyn était un projet très ambitieux, souhaitant se poser en successeur de Maldita Castilla, clone indé du vénérable Ghosts’n Goblins de Capcom, qui avait fait sensation en 2012. La volonté d’ajouter des éléments de scénario et d’exploration non linéaire à la formule « platformer hardcore à scrolling horizontal » n’était pas gagnée d’avance, et nécessitait un jeu à la fois immense et un équilibrage parfait pour fonctionner correctement. Malgré une évidente volonté de bien faire, on est assez loin du compte.
L’héritage digéré des platformers arcade
Battle Princess Madelyn a beau troquer le caleçon du chevalier Arthur pour la robe de chambre de Madelyn la princesse guerrière, il n’en reste pas moins que, formellement, le titre de Casual Bit Games tient de la copie graphique quasi-conforme à l’univers des premiers épisodes de la série Ghosts’n Goblins (période 1985-1991) : un héros qui se déplace en courant à grandes enjambées dans des décors effrayants, qui projette des lances dans tous les sens à des nuées d’ennemis tout droit sortis d’un train fantôme. Squelettes, zombies, slimes, fantômes, gargouilles et compagnie, le tout servi par une bande-son vaguement inquiétante, et ponctué par des combats contre des boss gigantesques avec des patterns simples, mais difficiles à maîtriser. A quelques micro fioritures près, le gameplay est très exactement le même. Si on a eu la chance de toucher à l’un de ces excellents jeux à l’époque, on retrouve immédiatement la sensation d’alors. C’est très efficace, malgré la grande rigidité et le côté impitoyable de l’expérience qui ne pardonne pas la moindre erreur au joueur.
Peu de jeux donnent à ce point l’impression d’avoir été conçus il y a trente ans et oubliés dans un carton depuis. Loin de l’immense majorité des platformers à gros pixels de ces dix dernières années, Battle Princess Madelyn n’entend pas vraiment proposer un emballage nostalgique et un gameplay modernisé, mais bien vous proposer une expérience arcade très, très similaire à des jeux sortis il y a plus de trente ans. Cela ne plaira pas à tout le monde. Cependant, les titres de Capcom étaient si carrés et si en avance sur leur temps que pour peu que le joueur s’acharne un peu, il maîtrisera rapidement les commandes un peu âpres du jeu et passera un excellent moment à parcourir les décors (nombreux et superbes) de l’aventure. Mais si Battle Princess Madelyn n’était arrivé avec comme seule proposition que d’être un reskin de jeux vieux de trois décennies, cela aurait pu paraître un peu court.
Un Open World sans queue ni tête
Outre un petit chien fantôme flottant autour de l’héroïne et qui sert de jauge de magie, la vraie grosse innovation de Battle Princess Madelyn est sa volonté de proposer une aventure moins linéaire que les jeux auxquels il entend rendre hommage. Divisé en une dizaine de zones immenses, elles-mêmes divisées entre une partie « extérieure » et un donjon, le jeu vous donne une grande liberté d’aller et venir dans les différentes zones, avec assez peu d’indications sur ce que vous devez faire, où vous devez aller, et comment vous devez progresser là-dedans. A priori rien de grave, de nombreux jeux du même genre parviennent à dire beaucoup avec une narration minimaliste (Super Metroid, Teslagrad, ou encore Axiom Verge). Le problème, c’est que des indications minimalistes s’accompagnent assez mal d’un monde ouvert illisible.
Dans Battle Princess Madelyn, on vous donne des quêtes, mais pas de journal de quête. On vous dit « saute dans ce trou », mais l’héroïne ne peut pas regarder vers le bas. On vous donne des objets, et on ne vous explique pas à quoi ils servent. En permanence. Tout le temps. On vous donne des téléporteurs, rares, mais pas de carte du monde. Des pans entiers du gameplay du jeu (à commencer par ceux qui permettent d’améliorer armes et armures) peuvent même échapper au joueur pas assez vigilant. Conscients du problème, les développeurs ont ajouté via un patch peu après la sortie un certain nombre de petites modifications qui viennent un peu corriger le tout comme des pancartes et des indications à l’écran pour orienter le joueur, mais le level design reste toujours aussi confus.
En voulant miser sur des environnements immenses, Battle Princess Madelyn parvient surtout à créer des zones peu lisibles et assez vides, dans lesquelles on a toutes les chances de trouver la mort régulièrement après une chute de cinq ou six secondes dans l’inconnu. On se perd, on arrive dans des culs de sac, on trouve des passages secrets qui ne mènent pas à grand chose, comme si les développeurs avaient préféré la quantité à l’efficacité. Un mode « arcade », plus classique et moins ouvert, vient compenser ce mode story où l’on passe son temps à se perdre et à ne savoir trop que faire, mais sa difficulté mal dosée en rebutera plus d’un.
Un jeu qui peine à se constituer sa propre mythologie
Ces difficultés constantes du joueur face à un gameplay pas assez bien ficelé pour faire oublier ses défauts se feraient rapidement marginales si Battle Princess Madelyn avait une proposition plus forte. Beau, mais pas époustouflant, varié mais pas surprenant, le jeu ne parvient jamais à proposer un aspect qui sorte un tant soit peu de la norme. Battle Princess Madelyn sort après deux années gavées jusqu’à la gueule de metroidvania : Chasm, Timespinners, Monster Boy, Guacamelee 2, Hollow Knight, Dead Cells, La Mulana 2, Sundered, Iconoclasts, Salt and Sanctuary, Rainworld, The Messenger, Dandara et j’en passe. Dans cette liste, bien que Battle Princess Madelyn ne démérite pas en terme de graphismes, d’ambiance ou de qualités ludiques, il est peut-être l’un des jeux qui porte la proposition la plus faible : c’est « juste » un Super Ghouls’n Ghosts un peu plus ouvert, avec une guerrière à la place d’Arthur. Certes, c’est déjà quelque chose. Mais la concurrence est très, trop rude.
En réalité, Battle Princess Madelyn est un jeu qui se fait presque un devoir de ne rien proposer qui s’écarte trop de son modèle, qu’il décalque avec une application admirable, mais qui ne donne pas envie de pousser l’expérience très loin. A aucun moment ses développeurs ne semblent s’être posé la question de ce qui resterait de ce jeu. Il n’y a pas vraiment de scène marquante, pas réellement d’aspect de gameplay ou de donjon dont on se souviendra dans cinq ans, ou de personnage assez charismatique pour qu’on s’y attache. La petite Madelyn du jeu a beau, à ce qu’il semble, avoir été imaginée par une vraie petite fille de sept ans, le jeu ne parvient pas à dégager une identité assez forte pour qu’on en retienne grand-chose. Un classicisme qui ne se double hélas pas d’une grande excellence dans son exécution. Trop sages, trop attachés à ne jamais dévier des pas de Ghost’n Goblins et Wonder Boy 3, les auteurs de Battle Princess Madelyn m’ont malheureusement déçu, car il y a dans ce jeu énormément de potentiel qui restera, hélas, inexploité.
Jeu testé sur Switch via une clé envoyée par l’éditeur.
Bien que les patchs de sortie aient corrigé énormément de problèmes et beaucoup amélioré l’expérience de jeu, Battle Princess Madelyn reste un jeu qui a du mal à se trouver une place dans les différents styles qu’il tente d’imiter et qui part dans trop de directions à la fois. La faute à un level design trop grand et trop vide, à un système de quêtes très frustrant et un peu gauche, et à des aberrations dans le système de sauvegarde. Il n’en reste pas moins que le jeu de Casual Bit est beau, agréable à prendre en main et souvent fun à jouer.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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