Trois ans après une sortie discrète sur l'Apple Arcade, ATONE: Heart of the Elder Tree débarque sur toutes les autres plateformes. Avec sa dégaine de puzzle game mâtiné de RPG aux combats basés sur des jeux de rythme et avec ses décors de mythologie nordique dessinés à la main, la dernière production de Wildboy Studios a de quoi capter l'attention.
ATONE est-il encore un jeu qui entend se démarquer du lot par sa capacité à mélanger des genres a priori antithétiques ? Eh bien, écoutez, oui, il semble que ça soit la lame de fond actuelle des tendances vidéoludiques. Parce qu'après tout, quoi de plus audacieux qu'un mélange entre Zelda, Guitar Hero et la page des énigmes pour petits futés dans un vieux Science & Vie Junior oublié dans le grenier ? Je ne suis pas (complètement) ironique, dans la mesure où la magie opère pendant une ou deux heures, sur les six qu'il vous faudra pour boucler l'aventure. Mais assez vite, ATONE: Heart of the Elder Tree abandonne une grosse partie de ses idées pour se recentrer sur une flopée de charades, de devinettes et autres problèmes un peu nuls qui cassent le rythme et espacent dramatiquement le rythme des combats.
Ragnarock and roll
Dans ses premières séquences, ATONE: Heart of the Elder Tree nous en met en effet plein les mirettes. Voici que l'on nous présente de superbes décors et cinématiques peints à la main, nous brossant le tableau mi-fantasy mi-SF psychédélique d'un monde de mythologie nordique progressivement abandonné par les Dieux. Alors que le surnaturel est encore présent dans chaque pierre et dans chaque buisson et que les différents peuples luttent pour leur survie, la présence protectrice des héros d'Asgard s'éloigne, laissant les mortels de plus en plus vulnérables.
C'est dans ce contexte sinistre que le clan des Atori, jadis protégés d'Odin, va subir un terrible génocide, et voir les survivants rongés par un mal les transformant petit à petit en guerriers fous furieux et meurtriers. Nous prenons bien vite le contrôle d'Estra, qui va partir dans une longue quête sur la terre des Dieux pour venger son père et tenter de trouver un remède à ce mal. L'occasion de se promener dans tout un tas de décors de plus en plus étranges, peuplés de démons, de demi-dieux malveillants, d'ermites poseurs d'énigmes : l'aventure, en somme.
Le voyage d'Estra (et de l'horrible grenouille parlante qui l'accompagne) va se dérouler de manière assez cyclique : la jeune fille arrive dans un nouveau coin étrange, va rencontrer ses habitants, faire quelques "choix moraux" sous forme de dialogues un peu inconséquents, en apprendre davantage sur la mythologie locale, et trouver un moyen de progresser plus loin. Souvent en déverrouillant des portes, des ruines ou des coffres. En pratique, les obstacles seront matérialisés de deux manières : par des énigmes à résoudre, et des combats à surmonter quand la voie pacifique n'est plus une solution. Principale originalité d'ATONE: Heart of the Elder Tree : ces derniers prennent la forme d'un jeu de rythme à la Guitar Hero.
Davantage puzzle de boîte de céréales que God of War the Musical
Les combats sont incontestablement la grande réussite d'ATONE. Ils se déroulent toujours un peu selon le même modèle : durant la durée d'une piste musicale (signée par l'excellent Luminist), Estra et son adversaire vont attaquer tour à tour. Votre rôle sera d'entrer des commandes sur deux (quatre en difficulté maximale) lignes rythmiques au bon moment, exactement comme dans un rythm game classique. Si vous avez raté peu ou pas du tout de notes de musique, vous blessez l'adversaire, et dans le cas contraire, c'est vous qui prenez un coup. L'objectif est de finir le duel avec encore de la vie en stock.
La musique étant parfaitement synchrone avec le combat et les commandes répondant au doigt et à l'œil, ces affrontements sont un plaisir et un moment d'intensité visuelle et narrative bienvenue. Si j'ai particulièrement apprécié la possibilité de choisir le mode de difficulté, que l'on peut d'ailleurs supprimer complètement pour faire de ces combats un simple moment narratif, il faut tout de même que je souligne que leur intérêt baisse paradoxalement si vous faites le choix d'explorer le jeu à fond comme on vous incite à le faire.
En effet, plus vous accomplissez de quêtes annexes et plus vous fouillez les recoins de la map, plus Estra va dénicher de points de vie et d'objets permettant de lui donner davantage de marge d'erreur. En mode normal, la difficulté peut rapidement devenir anecdotique puisque vous pouvez devenir un immense sac de points de vie à peu de frais, vous rendant presque invulnérable pendant les deux ou trois minutes que dure un affrontement. Et ce même si vous faites absolument n'importe quoi avec le sens du rythme défaillant qui caractérise votre serviteur.
Mais pas la peine de trop chipoter non plus sur ces petits tracas d'équilibrage : le vrai, immense, évident problème d'ATONE: Heart of the Elder Tree, c'est que ces combats rythmiques sont extrêmement rares et espacés, dans un jeu pourtant assez bref. Vous pensiez venir pour un jeu de combats en rythme ? Que nenni. Ce que l'on vous propose de faire ici c'est : résoudre-des-énigmes. Tous les deux mètres. Quasiment à chaque dialogue, chaque porte, chaque embranchement. Et pas des énigmes épiques, originales ou même diégétiquement reliées à l'intrigue. Non, ici c'est parti pour un immense défilé de tangrams, d'additions, de soustractions, de cubes à aligner en suivant un schéma et autres trucs tout droit surgis d'un vieil épisode d'Adibou.
Six à huit heures, donc, dont une bonne moitié ne sera consacrée ni à explorer, ni à vous battre, ni à en apprendre plus sur le lore pourtant intéressant de l'univers. Non : vous allez passer votre temps à rencontrer des vieux croûtons et autres marchands perdus qui vont vous demander de calculer l'âge du capitaine en fonction du nombre de triangles dessinés dans le sable et des phases de la lune, le tout avec une traduction française souvent approximative, et une approche assez punitive. Certaines énigmes ne vous laissent ainsi pas le moindre droit à l'erreur, vous privant parfois définitivement de bonus ou d'objets importants. Quelle étrange proposition qu'insérer un puzzle game ni fait ni à faire au milieu d'un jeu narratif et musical ! Pour que cela fonctionne, il aurait fallu que la partie réflexion soit beaucoup plus légère, ou beaucoup plus aboutie. En l'état, elle se contente d'être là, étouffant tout le reste du jeu en hachant le rythme avec la même violence qu'Estra les rares fois où ATONE: Heart of the Elder Tree lui laisse l'opportunité de fracasser le crâne de ses ennemis.
ATONE: Heart of the Elder Tree a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5, sur Nintendo Switch et sur les consoles Xbox.
Il suffit hélas d'un tout petit rien pour gâcher un bien beau tableau. Et ATONE: Heart of the Elder Tree ne passe pas loin d'être un coup de cœur, tant sa direction artistique, sa musique lancinante et l'énergie de ses combats m'ont paru rafraîchissantes. Seulement voilà : loin d'être le RPG musical promis, ATONE est un puzzle game particulièrement peu inspiré, qui semble ne rien avoir retenu des innombrables propositions du genre parues ces dernières années. Je vous recommande tout de même d'y jeter un œil, ne serait-ce que pour admirer les cinématiques animées vraiment époustouflantes qui donnent un souffle épique à l'aventure, mais allez-y en sachant que vous allez bouffer du puzzle un peu nul jusqu'à l'écœurement.
Les + | Les - |
- Direction artistique superbe | - Les énigmes sont beaucoup trop nombreuses et manquent d'intérêt |
- Bande-son qui fait mouche | - Trop peu d'affrontements, et trop espacés |
- Excellent système de combat | - Difficulté parfois mal équilibrée |
- Scénario qui se laisse suivre | - Traduction en français un poil bancale |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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