En 1982, quelques années avant la catastrophe de Tchernobyl, le chanteur Castelhemis ironisait sur le côté infaillible de la sécurité nucléaire dans sa chanson Les Centrales, dont le message était en gros "Hé ben si ça pète, on sera bien avec nos beaux discours". Savait-il qu'en 1957, deux énormes catastrophes nucléaires se sont produites dans une indifférence relative ? La première au fin fond de l'Oural soviétique et la seconde à Windscale, dans le nord de l'Angleterre. Atomfall, FPS d'enquête et d'exploration signé par le vénérable studio Rebellion (Sniper Elite), imagine ce qui se serait passé si cette seconde calamité s'était vraiment, mais alors vraiment, très très mal finie.
Il faut d'abord signaler qu'au fil de ses présentations, démos et previews, Atomfall a eu toutes les peines du monde à faire comprendre son concept pourtant assez simple. Soit c'est de la maladresse, soit c'est du marketing malhonnête, mais non, ce jeu n'est ni Fallout, ni Far Cry, ni STALKER. Bien que semblant dans un premier temps être un jeu de tir avec moult bagarres, craft, collecte d'ingrédients et autres réjouissances, il s'agit avant tout d'un jeu de détective. Une dimension qui saute aux yeux au bout de quelques minutes, quand on réalise qu'on a assez rarement besoin de sortir ses pétoires au cours de l'aventure, si on est un minimum discret et diplomate. Rangez donc les AK-47 et les bombes collantes artisanales et sortez votre casquette de Sherlock irradiée et votre pipe pleine d'iode, parce que ce que vous allez devoir faire ici, c'est démêler, avec force observation et ténacité, les multiples fils d'un vaste puzzle. Quitte à parfois trouver la couche de shooter mollasson étalée par-dessus et ressurgissant de temps à autre un peu superflue et un peu ratée.
Hé mec, t'as pas centrale ?
Le postulat de départ est simple, et même assez classique, mais super efficace. Quelques années après une catastrophe nucléaire ayant ravagé le nord de l'Angleterre, vous vous réveillez dans la zone de quarantaine. Amnésique, bien sûr. Un type mourant vous dit qu'il faut absolument que vous vous rendiez "à l'échangeur" avant de vous laisser vous perdre dans la nature charmante et irradiée des cottages et des sous-bois britanniques du début des sixties. Qu'est-ce que l'échangeur ? Qui êtes-vous ? Où aller ? Que faire ? Pourquoi des cabines téléphoniques nous passent des coups de fil cryptiques en nous commandant d'éliminer un certain "Obéron" ? Mystère mystérieux qu'il vous faudra donc résoudre au fil d'une aventure étalée sur dix à vingt heures selon votre envie de retourner les quatre petites mini-maps du jeu dans leurs moindres recoins louches.
Au tout début, on est forcément un peu paumé. Même si le monde n'est pas bien grand, on se retrouve face à une map vide en pleine cambrousse, où les PNJ sont rares et où les indices sont maigres. Mais on se retrouve bien vite en possession de ce qui va structurer une bonne partie de l'intrigue : un carnet dans lequel sont automatiquement notées et agencées vos pistes d'enquête. Un marchand aurait ouvert une boutique au nord d'après une note griffonnée par terre ? Hop, une piste notée dans le registre et sur la carte. Un type mentionne l'existence d'un voleur dans le camp militaire un peu plus loin ? Hop, votre quête pour retrouver une batterie nucléaire se retrouve automatiquement mise à jour avec cette nouvelle voie à suivre. Une conversation de bar dans un village en quarantaine mentionne une engueulade entre deux personnages au sujet d'une broutille ? Là aussi, une petite piste à suivre, ça ne fait jamais de mal.

La beauté de l'intrigue d'Atomfall, c'est que ce système de pistes va vous permettre d'arriver dans les nombreux endroits où l'on veut vous faire aller de nombreuses manières différentes. Vous pouvez par exemple tomber sur une scène de crime par pur hasard, ou parce qu'on vous a demandé de chercher la personne disparue, ou parce que vous avez déjà eu maille à partir avec l'un ou l'autre des suspects. Ou même encore parce que vous suiviez une autre piste, dont le meurtre en question était une des étapes. Le tout est assez bien organisé et lisible, et donne l'impression d'une grande liberté dans les différentes étapes de la mission principale. Le scénario réagit d'ailleurs assez bien aux imprévus et s'adapte à merveille aux situations où vous vous retrouvez, par exemple à un endroit où l'intrigue est supposée vous emmener beaucoup plus tard. Intrigue qui consiste d'ailleurs avant tout à progresser à l'intérieur du fameux échangeur, une structure industrielle et militaire secrète dans laquelle vous allez passer pas mal de votre temps.
Neutron, ni trop peu
Il y a de nombreuses manières d'arriver pour la première fois dans ce fameux donjon abandonné, qui comporte des entrées un peu partout dans les différentes régions du jeu. Votre première visite sera frustrante : de l'électricité nulle part, des monstres et des robots tueurs invincibles, des pièges et des portes solidement verrouillées. Sauf qu'il apparait assez vite que de nombreuses enquêtes à résoudre dans les environs de la structure vont vous permettre de progresser dans le complexe. À chaque retour à l'échangeur, de plus en plus simple à mesure que vous y débloquez des accès et des raccourcis, vous allez pouvoir ouvrir une aile, une salle, réactiver un générateur, etc. Et ce jusqu'à atteindre votre objectif final, situé dans les tréfonds du lieu.

Ce que cela induit de très amusant, c'est qu'il y a donc toujours quelque chose à faire dans Atomfall, puisque presque toutes les quêtes en font avancer d'autres, qui finissent par faire progresser l'intrigue générale. On se surprend parfois à complètement foirer quelque chose (mettons une infiltration subtile qui se transforme en fusillade grotesque et chaotique) et à voir l'échec d'une quête se transformer en ouverture d'autres possibilités. Une approche de la narration renforcée par le fait que Rebellion a une science du level design digne d'un studio habitué à faire des jeux de snipers : il y a des planques, des caches et des recoins dans tous les sens, systématiquement truffés de petits indices sur les prochaines étapes à aborder. Même si vous êtes bloqués et à court d'indices, il y a toujours quelque chose à dénicher dans un coffre, sur une table ou dans un véhicule abandonné qui va relancer votre enquête.
La densité notable des quelques maps proposées compense donc largement le fait que le jeu ne soit pas un immense open world très ambitieux : les environnements proposés sont très riches, toujours surprenants, et misent énormément sur votre curiosité. Pour tout vous dire, Atomfall est un des meilleurs jeux d'enquête et d'exploration qu'il m'ait été donné de faire depuis un bon moment. En particulier par sa manière très souple de vous faire résoudre certaines situations par une multitude d'approches différentes selon votre style de jeu. Vous pouvez tout à fait parcourir le jeu comme une brute sanguinaire obtenant tout par la bagarre ou comme un détective gentleman préférant en toute chose la négociation et la finesse. Cela vient, cependant, avec quelques compromis un peu difficiles à oublier. Notamment le fait qu'on est tout de même parfois obligé de sortir les couteaux, et que c'est systématiquement un moment pénible.
Atomik circus

Autant Atomfall brille quand il s'agit de vous faire explorer la Cumbrie post-atomique, autant la petite couche de FPS bourrin qui se greffe parfois par-dessus peine ainsi à convaincre. Dans certaines portions du jeu, les combats comme les armes sont extrêmement rares, transformant chaque confrontation en événement assez spécial : il faut économiser les balles et les pansements, ruser, voire esquiver les confrontations au maximum. C'est un vrai plaisir de voir passer une patrouille de dingos surarmés et d'arriver à les contourner en toute discrétion pour piquer leurs affaires dans leur base. Surtout en sachant que l'aventure ne propose quasiment aucun bénéfice à se battre : les compétences se débloquent via des objets à dénicher à droite à gauche ou en résolvant des quêtes, et jamais en dégommant des troupeaux de punks. En revanche, il arrive que l'aventure se transforme à de rares moments en galerie de tir au pigeon, et ce n'est jamais très amusant.
Il faut dire que le gros point faible d'Atomfall, c'est un système de combat à la fois très simpliste et très mou. La plupart des adversaires ont le QI d'une huitre morte, se contentant d'avancer vers vous à couvert en faisant beaucoup de bruit. Passé les premières heures où on galère un peu, on finit par dénicher des recettes de mines et d'explosifs qu'on peut balancer à gogo sur des troupes adverses à la fois stupides et nombreuses. D'autant plus que le jeu est extrêmement généreux en matériaux à looter pour créer les dispositifs en question. Cela devient même assez ridicule quand on débloque certaines armes comme l'arc, surpuissant à un point presque comique. Et, trop souvent, dans telle ou telle mission, on peut difficilement éviter de passer vingt à trente minutes à dessouder des hordes de crétins alors que c'est clairement le moment de gameplay le plus médiocre de l'aventure.

De la même manière, j'aurais aimé que le comportement des PNJ soit légèrement plus cohérent. Si les personnages principaux et les donneurs de quête ont un tempérament en général assez compréhensible (parler d'abord, éventuellement se bagarrer ensuite si ça ne se passe pas bien), les autres ont une attitude généralement assez incohérente. Ils vous crient parfois de vous éloigner en vous menaçant alors qu'ils ont déjà commencé à vous tirer dessus. Ou alors, au contraire, patrouillent placidement devant vous en train de fouiller les poches d'un cadavre de leur escouade en vous saluant poliment. Tantôt, ils sont capables de vous sniper de l'autre bout de la map et de rameuter des renforts par dizaines, tantôt, ils cessent de vous poursuivre parce que vous vous êtes cachés derrière un muret de quelques centimètres de haut, alors même que vous venez de faire sonner l'alarme d'un site ultra-sécurisé.
Bref, tout ce qui a trait à la cohérence de la faune, de la flore et des habitants n'a pas bénéficié du même niveau de finition que la partie purement liée à l'enquête et à l'exploration. Cela ne gâche pas un jeu appelé à devenir un classique du genre, mais c'est tout de même regrettable.



Le jeu est EXTRÊMEMENT britannique.
Atomfall a été testé sur PlayStation 5 via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4, PC, Xbox One et Xbox Series.
Aventure en monde semi-ouvert très intelligente et misant énormément sur votre capacité à jouer au détective dans un monde bizarre et dangereux, Atomfall est une très belle surprise. Arrivant à ne jamais se perdre dans sa nuée de quêtes interconnectées, il propose un petit univers classique, mais cohérent, inséré dans une proposition de gameplay assez loin du FPS de craft/survie bas du front qu'il paraissait être. Et comme c'est un jeu de petits malins, j'ai assez hâte de voir ce qu'en fera la scène du speedrun, puisqu'il s'agit de cette catégorie de jeux dont une partie peut être bouclée en quelques dizaines de minutes si on sait exactement quoi faire et dans quel ordre. Ce dont je suis personnellement incapable, occupé à prendre le thé en réfléchissant au prochain crime à résoudre sur mon balcon effondré, en regardant des mutants chasser des druides dans les sous-bois au soleil couchant. La belle vie, en somme.
Les + | Les - |
- La direction artistique simple mais efficace | - Les combats sont pénibles |
- Un jeu d'enquête passionnant, avec un univers bien ficelé | - L'IA des PNJ laisse à désirer |
- Beaucoup de manières de résoudre les quêtes et les conflits | - Quelques bugs et erreurs de scripts |
- Des maps piles à la bonne taille, avec un level design très créatif | |
- Prendre le thé redonne l'intégralité de la barre de vie |

zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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