Annoncé à l'occasion des 25 ans de la série, le remake d'Atelier Marie est enfin arrivé sous nos latitudes. Une œuvre forcément très éloignée de ce que l'on connaît dans les épisodes récents constitués par la trilogie Ryza. Atelier Marie Remake: The Alchemist of Salburg est néanmoins une occasion unique de redécouvrir un jeu qui n'avait jusqu'ici pas franchi les frontières japonaises.
Une jeune fille, généralement apprentie alchimiste et pas très douée en la matière, doit devenir meilleure et apprendre à créer tout un tas de bidules dans son chaudron magique. C'est plus ou moins le pitch des dizaines de titres de la série Atelier, démarrée en 1997 par Gust. La série a été plus ou moins complexe, plus ou moins épique, a enchaîné les triomphes et les catastrophes, mais elle a fini à force de persévérance et d'évolution par arriver dans la liste des JRPG qui comptent. Néanmoins, une part importante de cette histoire restait jusqu'ici réservée à un public japanophone, puisque nombre d'épisodes n'avaient pas bénéficié ne serait-ce que d'une traduction en anglais. C'est en partie le cas d'Atelier Marie, celui par qui tout a commencé. De manière insolite, c'est par un manga (terriblement obscur), adaptant la suite de ce jeu que les Français ont pu découvrir les aventures de Marlone, il y a fort longtemps. Et voici donc qu'enfin, en 2023, Atelier Marie Remake: The Alchemist of Salburg nous permet de redécouvrir les racines lointaines de la série... via une adaptation terriblement minimaliste, probablement trop sage, mais ayant le mérite de la cohérence.
Master 2 alchimie option aventure
Retour en 1997, donc, les gros pixels en moins. Ici, pas question de sauver le monde ou d'aller détruire des cristaux en se transformant en Godzilla, le seul enjeu dans Atelier Marie, c'est de réussir à passer son diplôme. On y incarne Marlone, une étudiante incompétente recalée à l'académie de magie locale. On lui offre une sorte de repêchage au long cours sous forme de cinq longues années de travaux pratiques à gérer un atelier d'alchimie. À compter de ce moment, c'est à vous de voir : vous pouvez suivre très précisément la liste des tâches fournies par votre prof principale, ou choisir d'arriver à vos fins autrement, en augmentant votre réputation, en accomplissant des quêtes annexes ou en partant à l'aventure.
Jeu vidéo autant que prototype de ce que deviendra la série par la suite, Atelier Marie n'a pas un scénario très développé, et prend plutôt la forme d'une sorte de bac à sable socio-économique. Vous pouvez aller ramasser des objets dans la nature, accomplir des quêtes, faire monter vos liens sociaux avec les aventuriers de passage, aller tabasser des monstres, passer du temps à étudier. Tout cela à peu près librement au fil des jours et des saisons. Ces dernières passent d'ailleurs assez vite : chaque action ou presque fait défiler le compteur de jours. Au début, c'est un peu vertigineux, et puis l'on comprend rapidement qu'il est de toute façon impossible de remplir l'intégralité des objectifs en une seule partie. Atelier Marie est un jeu qui vous pousse assez vite à vous fixer des priorités, car il est improbable que vous arriviez dans le même laps de temps à réussir vos examens, forger une pierre philosophale, tuer un dragon et obtenir un rang d'amitié maximale avec tous les PNJ. Grandir, c'est aussi choisir.
Ceci dit, il faut tout de même signaler qu'à ce mode chronométré classique, qui a progressivement été abandonné par la série de Gust, l'éditeur a ajouté un mode « illimité » optionnel. Ce dernier vous permet de ne pas directement passer votre examen final à la fin de la cinquième année et vous laisse donc le temps de terminer l'intégralité du contenu du jeu avant de voir le générique de fin. Ce qui rend beaucoup plus simple l'obtention des sept fins différentes, qui nécessitaient jusqu'ici quasiment autant de runs différentes pour être débloquées. Une bonne occasion de signaler qu'Atelier Marie est un jeu étrangement bref, dont une partie vous occupera une petite dizaine d'heures. On est loin des 50 ou 60h devenues le standard pour un Atelier moderne, mais Gust n'a (presque) fait aucun remplissage dans ce remaster.
Prendre la grosse tête
Outre ce mode illimité, Atelier Marie Remake : The Alchemist of Salburg se permet d'ailleurs deux uniques ajouts majeurs. Le moins heureux est clairement le passage de la 2D à la 3D, tous les modèles et tous les personnages écopant de grosses têtes de Funkopop évoluant dans des décors grossiers, criards et peu lisibles. C'est assez hideux, et heureusement largement compensé par les superbes nouveaux artworks proposés lors des dialogues entre les différents personnages. Fort heureusement, ces modèles grossiers se laissent vite oublier, puisque Atelier Marie est surtout un jeu dans lequel vous allez avoir le nez sur des jauges, des compteurs et des livres de comptes. C'est à peine un RPG, mais c'est incontestablement un jeu de gestion.
De gestion d'agenda, d'abord, vu que votre principale activité sera de savoir comment diviser votre temps entre combat, exploration et production de biens, avec un dilemme inévitable : tout prend du temps, et le temps est la seule ressource qui va vous manquer de manière constante. Les premières heures de jeu peuvent avoir un aspect un peu décourageant. Il y a des dizaines d'objets potentiels à créer, des zones lointaines qui prennent un bon mois à explorer, et le moindre objet d'amélioration de l'équipe semble hors de prix. Il y a fort à parier qu'à la fin de la première année, vous n'aurez pas encore accompli quoi que ce soit de significatif.
Mais Atelier Marie a l'intelligence d'étaler la montée en puissance de votre petite entreprise à mesure que vous accomplissez ses objectifs intermédiaires, fort bien mis en valeur dans un menu annexe listant tout ce que vous pouvez accomplir dans le jeu. On vous donne d'abord la possibilité de vendre certains objets, puis d'automatiser certaines tâches ou encore de réduire le coût de recrutement des mercenaires. Et plus vous accomplissez certaines tâches (comme la fusion d'objets) et moins tout vous prendra de temps. Une fois surmonté ce moment de panique liminaire, on se rend compte qu'on peut assez facilement décider de la manière de faire prospérer son petit commerce de manière efficace.
Tout est light sauf le prix
Cependant, si Atelier Marie Remake : The Alchemist of Salburg est encore en 2023 un petit simulateur économique efficace, il faut tout de même signaler à nouveau qu'il ne s'agit pas ici à proprement parler d'un jeu de rôle : les combats sont réduits à leur plus simple expression, les zones à « explorer » ne font que quelques écrans de quelques mètres de large, l'équipement des personnages se résume à changer un ou deux objets dans leur inventaire... Le décor du JRPG au tour par tour est vaguement là, mais c'est davantage un petit passe-temps supplémentaire qu'autre chose.
En conséquence, je serais assez prudent avant de vous recommander ce nouvel Atelier Marie : les modifications effectuées par rapport à l'original étant essentiellement cosmétiques, l'expérience proposée est avant tout celle consistant à rejouer à un court jeu de gestion vieux de près de 30 ans. L'aventure ne comprend aucune de ses (nombreuses) suites scénaristiques et spin-off (Atelier Lilie, Atelier Elie...), ni aucune de ses versions alternatives sur console portable, par exemple. Sur la version standard du jeu, il n'est même pas possible de lancer le jeu d'origine, pourtant émulé dans les versions deluxe. Pas non plus grand-chose en matière d'artworks, de contenu bonus ou de storyboards : juste des modèles 3D, la possibilité de choisir les musiques d'origine, et ce fameux mode illimité. Et, cerise sur le gâteau, pas de traduction des textes en français. Et il faut bien dire que c'est peut-être un peu léger pour un remake à 60€.
Atelier Marie Remake : The Alchemist of Salburg a été testé sur Nintendo Switch via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PC ainsi que sur PlayStation 4 et 5.
Il est difficile de reprocher à Gust de vouloir capitaliser sur son propre patrimoine, quand tant de sociétés japonaises se contentent de le laisser moisir à la cave. Il est enfin possible de découvrir ou de redécouvrir un jeu important dans l'Histoire du JRPG, dans un remake certes imparfait, certes pas très ambitieux, mais a minima fonctionnel et honorable. Cependant, la série Atelier nous a habitués depuis quelques années à une forme de retour à l'excellence, et on ne peut s'empêcher de penser que Atelier Marie Remake : The Alchemist of Salburg aurait pu, et aurait même dû être un peu plus que cela.
Les + | Les - |
- Enfin, il est possible de découvrir les origines de la série | - Les modèles 3D façon funkopop, c'est compliqué |
- Remake généreux, à défaut d'être beau | - Combats complètement anecdotiques |
- Des mécaniques simples, mais efficaces | - L'économie du jeu est parfois déséquilibrée |
- Très bon système d'objectifs et de quêtes annexes | - Peut-être vendu un peu cher pour ce que c'est |
- Le mode "illimité" | |
- Le système de fins multiples |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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