Des jolies voitures dans des jolis décors ? Des dérapages propres à faire tomber dans les pommes de satisfaction les tarés de l’ordre que nous sommes ? Un simulateur de Michèle Mouton sous les cerisiers en fleur ? Oui, art of rally, c’est pour nous, tout à fait merci. Il semblait, tout du moins.
Sorti en 2015, Absolute Drift avait semble-t-il fait sensation, avec ses quasi-puzzles à résoudre en temps réel à bord d’un bolide sur savonnette. Depuis, le studio Funselektor s’est attelé à un projet moins abstrait, un hommage autant qu’une célébration, loin du réalisme visuel des simulations trustant le marché mais pas moins scrupuleux pour autant. Avec art of rally, il faut savoir à bord de quoi on embarque.
Michèle m’étonne
Vous savez comment c’est, parfois. On a beau se dire qu’il faut se méfier des trailers, si le jeu flatte la sensibilité, difficile de résister à l’appel, aussi lointain son univers se trouve-t-il du vôtre. Avec art of rally, ça n’a pas été exactement ça. Il y a certes eu mésentente sur ce que serait le jeu au final mais on y a bien trouvé ce qu’on avait entraperçu dans sa bande-annonce : des voitures, déjà, une direction artistique éblouissante, ensuite, mais surtout une sensation de maîtrise menant droit à la plénitude. On n’avait par contre pas prévu d’être à ce point incapable de l’atteindre. Alors que retenir d’art of rally d’un point de vue de profane, de pilote franchement nul qui, pour une fois, a vraiment eu son permis dans un paquet de lessive ?
Eh bien d’abord qu’on ne nous avait pas menti, le jeu se démarque en effet par une patte graphique impressionnante. Tout en pastels, elle ne lésine pour autant pas sur les détails, bien qu’on ait dû réduire le tout pour cause de bécane un peu juste. On se laisse encore plus impressionner par les jeux de lumière qui influencent l’ambiance générale des courses, mais surtout la lecture du tracé, dont la vue en plongée compense l’absence du flot d’infos du copilote – même si les montées se découvrent régulièrement une fois les quatre roues en l’air. Des quelques images impressionnantes qu’on est allé chercher pour l’occasion, les courses nocturnes étaient les plus dangereuses – on a retenu le nom du Col de Turini –, les pilotes bourlinguant sur des pistes de trois mètres de large avec une visibilité réduite. On a, de notre côté, plutôt apprécié la conduite au petit matin et les nombreux panoramas que se permet de mettre en scène le studio Funselektor, au son d’une électro tout droit sortie des années 1980. Parfois un peu bourrine (il suffit alors de couper le son et de mettre sa propre BO), elle illustre toutefois la volonté qu’on sent se dessiner derrière le projet : art of rally entend célébrer la légende de ce sport automobile dangereux, dont la popularité s’est réduite avec l’encadrement plus strict apparu suite à plusieurs accidents graves.
L’art de râler (nous)
Pour ce faire, le mode carrière, tout autant un mode histoire, se découpe en six groupes de cinq courses, chacun attribué à une catégorie de véhicules répondant à une réglementation technique définie. On suit les progrès de conceptions historiques des engins, réinterprétés pour l’occasion sous pseudo – l’Alpine se retrouve très tôt disponible sous le nom de « la montaine ». Plus on avance dans les décennies, en partance des années 1960, plus les voitures vont se professionnaliser et gagner des chevaux – et des roues motrices, merci l’Audi Quattro. Et c’est à peu près là que notre expertise s’arrête. En jeu, les automobiles ont des comportements différents, qu’il s’agisse de vitesse ou de freinage, et prendre la main sur chacune demande un (long) moment de rodage. Bien sûr, on aura sa chouchoute, qui répondra sûrement plus à un souci d’adhérence que de vitesse, les autos n’étant pas adaptées à tous les circuits. On serait bien incapable de dire si ces critères correspondent effectivement aux véritables caractéristiques des modèles choisis. Ce qui est sûr, c’est que c’est drôlement pas simple à réussir, un dérapage contrôlé.
On a, il faut l’avouer, beaucoup fini dans le décor. Le décompte des tête-à-queue s’est arrêté au bout de la première spéciale (comme on appelle les courses, en rallye), le secteur de l’entretien des routes nous déteste à force de devoir replanter tous ces poteaux de bois à flanc de montagne, les frais de réparation auraient dû exploser lorsque notre bolide a fini, tout à l’heure, dans le lac qui borde la route qu’on était censé suivre. Que voulez-vous ? On est une bille en conduite de précision, autant l’accepter. Ce qui rend l’affaire un peu plus frustrante, c’est qu’au-delà des modes destinés aux débutants permettant de franchir les étapes du mode carrière, l’absence de tutoriel ou d’exercices de pilotage paraît éloigner la possibilité même d’apprendre les bases de cette conduite si particulière. Est-ce qu’on utilise les freins, le frein à main ou les deux ? À quel moment ? Dans quelle direction braque-t-on le volant pour aborder un virage étendu ? Tout un tas de questions qui devront trouver réponse sur le tas, à force de pratique, quitte à décourager les pilotes en herbe. Alors, l’idéal de trajectoire s’éloigne et la satisfaction qui va avec aussi. Les modes contre la montre, rallye personnalisé et course en ligne nous resteront étrangers, au contraire de la très chouette exploration libre. Lâché sur un bout de circuit d’entraînement où se battent quelques dizaines de plots prêts à être renversés, on nous invite à flâner autant que voulu sur les pistes (et en dehors, ouf) des cinq lieux retenus pour l’occasion, à savoir la Finlande, le Japon, la Sardaigne, la Norvège et l’Allemagne. À condition de trouver, à l’ancienne, les lettres R.A.L.L.Y dispersées sur la carte pour débloquer les mondes suivants. Tout se mérite, dans art of rally.
art of rally a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
On a vu un idéal à atteindre, on s’est crashé en tentant de le décrocher. art of rally, c’est d’abord une imagerie, celle du dérapage contrôlé et de la précision des courbes à la recherche du meilleur temps, au ralenti si possible. Comme le montre le soin apporté au mode photo, il s’agit de mettre en scène une légende, un fantasme en soi, le fixer en image et dans les classements. Évidemment, pour atteindre ce stade, il faut savoir déraper avec soin, et là tout se complique. Ces choix sans concession ni tutoriels rebuteront peut-être une frange plus amatrice de sensations typées arcade, à laquelle semblait coller cette esthétique stylisée, à moins qu’ils ne les motivent à s’impliquer suffisamment dans cette école du chrono millimétré, de la gomme brûlée et des élégantes marques laissées sur le bitume. Le pari sera gagné, et nous regarderons cela depuis la foule de badauds, à bonne distance du danger.
Seastrom
C'est la Loire qui coule dans les veines de Seastrom, mélangée aux subtilités de la vaporwave. Possibilité de l'amadouer en lui parlant indés et D&D (Dreyer et Digimon).
follow me :
Articles similaires
Miniatures - La poésie du souvenir
nov. 20, 2024
Rogue Flight - Monte dans le robot, Zali !
nov. 16, 2024
Great God Grove - Queer et élastique
nov. 11, 2024