Deuxième jeu produit par Shueisha Games à nous parvenir, Arcana of Paradise -The Tower- s'aventure dans un mélange de deck building avec des affrontements en temps réel, de RPG et de gestion légère. Pas tout à fait au point, mais assez charmant.
En février 2022, l’éditeur japonais Shueisha, un des géants du secteur (c’est lui qui possède le Shonen Jump et ses dérivés), annonce, en parallèle de la création d’un studio de développement en son sein, une initiative de soutien à une poignée de projets de studios indépendants sous l’appellation Game Creators Camp. Un an plus tard, les premiers jeux issus de cette promo voient le jour. Porté par un développeur solo, Oni – Road to be the mightiest Oni, aventure en 3D dans un univers en cel shading, a vu sa réception plombée par des errements techniques et s’est vite enfoncé dans l’anonymat. En attendant des nouvelles de Soulvars et Captain Velvet Meteor, prévus d’ici la fin d’année, au tour d’Arcana of Paradise de se manifester, avec une proposition bien différente, surfant sur le deck building, l’une des coqueluches de ces derniers temps.
Pour soutenir la sortie, Shueisha Games met l’accent sur deux noms qu’on aura pu croiser auparavant. Tout droit venu de l’écurie de la maison, Masaoki Shindo s’est occupé du chara design. C’est sa série Ruri Dragon qui l’a révélé, mais la production étant en pause depuis le chapitre 6 (un seul tome est paru en France), l’aura du créateur manquera peut-être de souffle pour mobiliser une communauté au mieux naissante. Ne profitant pas de beaucoup plus de résonance auprès du grand public, Tom/Tomo Ikeda présente un CV tout de même plus fourni qui a le mérite de naviguer entre les productions de deux personnalités du milieu, Suda 51 (il était directeur de production sur Lollipop Chainsaw) et Yoshiro Kimura (Ikeda a travaillé sur Rule of Rose et contribué à la naissance d’Onion Games et ses jeux chelous). Des connaissances qui ont sorti des titres au caractère marqué, donc, ce qui laisse espérer un certain potentiel pour ceux de Tasto Alpha, le studio fondé par Ikeda dont Arcana of Paradise marque la première sortie majeure.
La communauté de la tartine
Le monde de ces enfants se résume au haut de cette tour. Depuis combien de temps sont-ils là ? Aucune idée. D’où viennent-ils ? Qui sait. Existe-t-il quelque chose à part ici et maintenant, au-dessus des nuages et vue sur rien ? Cela, en revanche, vaut le coup de se poser la question. Car l’intérieur de la tour est accessible, bien que potentiellement dangereux, et mène sans fin apparente vers les étages inférieurs. Alors que faire, sinon attendre que le destin se manifeste et décide de donner à ces jeunes gens assez de détermination pour s’engager dans les escaliers, armes en main. Un jour, cela finit par arriver. La communauté qui vivait là va, au fil des expéditions et des autres enfants trouvés sur le chemin, se muer en un groupe dont la quête du Paradis qui s’étendrait au pied de la tour sera l’unique moteur.
De cette petite communauté, nous serons l’inspiration. Comme de précédents titres lorgnant vers le jeu de rôle (Valkyrie Profile ou un autre exemple qu’on ne tardera pas à citer), la participation du joueur ou de la joueuse est intégrée dans la diégèse comme celle d’une entité nébuleuse qui guidera les actions et le devenir des personnages entre le camp et les expéditions. De ce choix de point de vue et d’éléments de narration mettant en scène des enfants isolés engagés dans un pur mouvement, celui de la descente, découle une ambiance mélancolique stimulante. Le pitch, moins un scénario qu’une impulsion pour enclencher ce processus, laisse beaucoup d’air à son univers et compte surtout sur l’atmosphère qu’il tente, plutôt avec succès au départ, de construire et sur son gameplay pour porter l’expérience de jeu. Il ne faut ainsi pas attendre de longues discussions entre personnages, mais plutôt des échanges élusifs qui vaudront pour toutes les discussions qui auront lieu hors champ. Les tons passés et poussiéreux de la direction artistique, concentrée sur un nombre de décors extrêmement restreints qui changent a minima selon les séquences, et les personnages, à l’allure générale presque esquissée et aux portraits expressifs de Shindo, participent à cette allure de conte immémorial. Au même titre, la bande-son de Jun Fukuda, collaborateur de longue date de Grasshoper Manufacture, emprunte aux mélodies de fin du monde de NieR, notamment dans le thème qui accompagne la préparation au camp. Au passage, préférez opter pour la version anglaise, ce qui vous évitera les approximations d’une traduction française pas exceptionnelle. Une humeur générale assez plaisante, en somme, qui rencontre pourtant quelques frictions avec le système de jeu.
Milliers de pains pour du pain de mie
L’objectif est donc de descendre le plus profondément et découvrir ce que cachent les étages de la tour jusqu’à sa base. La particularité d’Arcana of Paradise est de soumettre le deck building à des combats en temps réel, dans l’esprit de ce que faisait Baten Kaitos (la fameuse référence teasée plus tôt). Il faudra compter sur la chance des tirages pour affronter au mieux les adversaires, avec la possibilité de changer de main aussi souvent que voulu. Chaque personnage dispose de ses propres cartes de départ, en fonction d’une des trois classes à laquelle il appartient : épéiste, mage ou devin. Les enfants partent en expédition en binôme, il faut donc gérer avec un deck différent selon avec qui l’on choisit de partir. Les épéistes peuvent faire plus de dégâts selon le nombre d’attaques qu’ils enchaînent, les mages sont plus lents à attaquer, mais chargent des sorts qui deviennent plus puissants ou s’annulent selon la suite lancée, et les devins ont la possibilité de lier des mouvements qui paralysent l’ennemi.
Le timing d’utilisation des cartes importe également beaucoup. Lancés au bon moment, les boucliers peuvent protéger contre une attaque et étourdir l’ennemi, qui prendra plus de dégâts pendant un certain temps. De même, un sort aquatique lancé alors qu’une attaque de feu adverse se prépare l’annulera. Dernière donnée à prendre en compte, le sens dans lequel les cartes sont tirées a de l’influence sur la manière dont on peut les utiliser ou non. Une fois retournée, une plante qui permettrait de se soigner empoisonnera nos personnages. On prend assez vite le pli, d’autant que les cartes, qu’on récupère une à une après chaque affrontement, sont, au départ, assez peu nombreuses. Cela joue malheureusement dans l’impression de répétitivité qui accompagne les premières heures de jeu. Chaque descente permet d’engranger de l’expérience, laquelle débloque régulièrement de nouvelles cartes dans le deck général, mais il faut encore et toujours repasser par les mêmes étages et affronter des ennemis similaires.
Plus globalement, on sent un déséquilibre dans la structure même d’Arcana of Paradise, qui tente de négocier de la rejouabilité tout en voulant l’associer à une progression narrative et à une dimension survie. Cette dernière, bien qu’ajoutant une menace planante à la progression, est sans doute de trop et pensée pour rembourrer la profondeur de jeu, qu’on préfèrerait moins tourné vers la gestion de son stock de quignons de pain que vers ses personnages. Il faut quand même avouer que l’ambiance générale, assez mystérieuse, et le système de cartes en temps réel, bien pensé et agréable à manier, donnent envie de retourner auprès de la petite bande, au moins pour un temps, ce qui permet au jeu de se révéler sur la longueur.
Arcana of Paradise -The Tower- a été sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur Switch.
Chouette alternative au deck building au tour par tour mâtiné d’une couche de RPG, Arcana of Paradise s’embrouille quelque peu dans sa proposition à force de chercher à nourrir sa structure roguelite. Passé le temps d’apprentissage, les premières heures sont assez répétitives et on aurait préféré que tout avance un peu plus vite, quitte à laisser de côté la dimension survie et gestion de ressource. Malgré cela, le charme apporté par l’ambiance et le système de combat fonctionne et pourrait convaincre les plus patients de s’accrocher, leur permettant de révéler sur le temps long un peu plus de ce que le jeu a à offrir.
Les + | Les - |
- Les affrontements de cartes en temps réel, toujours cool comme principe | - Le mélange de toutes ses composantes a un peu de mal à prendre |
- L'ambiance RPG mélancolique | - Les premières heures sont répétitives et le jeu met du temps à se déployer |
- Un système de combat astucieux | - L'aspect survie dispensable |
- Assez détente pour qu'on ait envie d'y revenir par petites touches |
Seastrom
C'est la Loire qui coule dans les veines de Seastrom, mélangée aux subtilités de la vaporwave. Possibilité de l'amadouer en lui parlant indés et D&D (Dreyer et Digimon).
follow me :
Articles similaires
Miniatures - La poésie du souvenir
nov. 20, 2024
Rogue Flight - Monte dans le robot, Zali !
nov. 16, 2024
Great God Grove - Queer et élastique
nov. 11, 2024