Aussi étonnant que cela puisse paraître, je suis bien content que Activision et FromSoftware ne nous aient pas fait parvenir de clé pour critiquer Sekiro : Shadows Die Twice dans nos colonnes. Pour la simple et bonne raison que, l’ayant acheté par mes propres moyens, je n’ai pas eu à rusher Sekiro. J’ai pu y jouer pendant un bon mois, presque trois heures par jour, sans avoir aucun délai pour le finir. J’en ai apprécié chaque minute.
Loin de moi l’idée de me mettre dans la peau du snob insupportable en train de rabâcher à des gens que je ne connais pas sur Twitter que les Souls-like sont des jeux « pas difficiles, mais exigeants ». Car oui, les jeux « à la Dark Souls » SONT difficiles. Ils sont faits pour. Ils sont simplement moins difficiles que ce que prétendent beaucoup de gens, particulièrement ceux qui n’ont pas pris le temps de se pencher sur la question. Chaque jeu de FromSoftware attend du joueur qu’il comprenne quelque chose. Un game design, un pattern de combat, le fonctionnement d’un système d’esquive ou de rush, etc. Davantage que des jeux d’actions demandant moult réflexes et capacité à bourriner des combinaisons de touches, ce sous-genre de l’Action-RPG me semble surtout constituer des puzzle-games fort bien déguisés.
Sekiro : Shadows Die Twice se paye le luxe de l’enrobage le plus beau jamais vu dans un jeu du genre. L’univers brumeux du domaine Ashina où se déroule l’intrigue est une leçon de design et d’élégance comme on en voit peu, se consumant petit à petit alors que l’intrigue avance et que le soleil se couche. Jusqu’à la tragédie finale sous la lune, dans un champ dégagé et balayé par les vents qui en rappellera un autre. Les mouvements des personnages, le design audacieux des boss, jusqu’aux dialogues minimalistes mais acérés, tout installe un décor sublime.
Mais Sekiro, c’est surtout un formidable générateur de confrontations épiques qui se déroule en deux temps. Le premier, c’est celui consacré à désapprendre les réflexes acquis dans les Dark Souls et autres Bloodborne : très vite, très, très vite, dès les premiers boss secondaires, Sekiro vous y inculque une leçon d’humilité : les roulades, sauts de puces et autres coups dans le dos ne vous serviront à rien. Ici, tout n’est que parade et contre-parade. Chorégraphie et Chanbara.
Petit à petit, alors que le moindre boss semble a priori un mur impossible qui vous étale en quelques secondes, la vérité se révèle à vos yeux : vous savez parer son premier coup. Puis le second. Puis effectuer le Contre Mikiri qui retournera ses coups à l’envoyeur. Puis utiliser les attaques électriques d’un adversaire contre sa propre armure métallique. Vous apprenez à danser. Et vous triomphez des épreuves, une à une.
J’ai passé trois semaines sur le même boss. Un singe, qui lui aussi die twice. Sekiro ayant un monde semi-ouvert, j’avais d’autres choses à faire, et je ne me suis jamais retrouvé absolument bloqué et frustré de buter contre ce fichu primate, mais je devais pourtant finir par l’abattre pour pouvoir avancer. Rien à faire, je n’y arrivais pas. C’est un des seuls moments où j’ai eu besoin de l’aide des internautes, qui m’ont renvoyé à mon incapacité à bien observer ce qui se passait à l’écran, à bien utiliser mon environnement. Et ça a fini par passer, d’un chouilla, presque sur un malentendu.
Beaucoup, beaucoup plus tard dans le jeu, Sekiro a l’intelligence de vous confronter à une version beaucoup plus difficile du même combat : dans un espace extrêmement restreint, avec deux singes à terrasser au lieu d’un seul. Avec le même nombre de points de vie, les mêmes coups. J’ai passé cette épreuve en cinq minutes, et je ne suis pas le seul : tous mes amis ayant touché à Sekiro ont éprouvé une expérience similaire. C’est la manière dont les auteurs du jeu ont choisi de dire au joueur : tu es devenu meilleur. Maintenant, tu sais danser.
Et personne à ma connaissance, dans aucun jeu d’action du genre, n’avait souligné cela avec autant de brio. Croyez-le ou non, mais Sekiro : Shadow Die Twice est le meilleur jeu d’action de la décennie, tout simplement.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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