Aujourd’hui dans Partie Rapide, Zali vous parle du jeu d’aventure Rain of Reflections : Chapter 1 et Seastrom aborde dans la douleur Aeternoblade II, jeu thaïlandais tout plein d’ambition et tout aussi plein de problèmes.
Rain of Reflections : Chapter 1
Il est des jeux qui donnent envie de faire un tiers de critique. Pas que le Rain of Reflections des Suédois de Lionbite Games soit un jeu particulièrement honteux : mais peut-on tout à fait se contenter d’un « Chapitre 1 » peu inspiré, si ce n’est par des plus grands que lui, qui laisse le joueur sur le bord du chemin à peine son tutoriel achevé ?
Pas du tout les Fils de l’Homme avec une Fausse Moustache
Dans un futur plein de Néons et de Dictature, l’Humanité est devenue stérile, et le dernier enfant né de manière naturelle est retenu en captivité par le méchant gouvernement. Vous, une intellectuelle, décidez d’aller le délivrer et de désobéir à votre maman (ce qu’il ne faut pas faire dans la vraie vie, mais dans la vraie vie votre maman n’est pas ministre de la méchante méchanceté gouvernementale).
Ça sonne comme du déjà-vu ? Et pour cause : Rain of Reflections, c’est un peu de Blade Runner, une pincée de The Handmaid’s Tale, beaucoup de Fils de l’Homme et un léger nappage de « non mais en vrai les rues de Corruscant dans Star Wars Episode 2 c’était pas si mal ». Tout ceci n’est pas déplaisant, mais espérons que pour les éventuels futurs chapitres 2 et 3, les scénaristes de la chose trouveront d’autres touches sur leur clavier que « CTRL » « C » et « V ».
X-com, heu non je veux dire Telltale, non, attendez… Le Rubik’s Cube ?
La fausse bonne idée de Rain of Reflections, c’est son envie de mettre plein de genres assez différents dans un blender et de regarder ce qui en sort sans trop avoir regardé les dosages avant, ni vérifié que le cassoulet au roquefort se mariait bien avec le flan aux huîtres. Le titre alterne ainsi entre trois gameplays différents et qui peinent à s’imbriquer les uns dans les autres. Des phases de point and click, d’abord, avec interrogatoires et choix de dialogues qui peuvent avoir diverses conséquences sur le déroulé de l’intrigue. Des phases de hacking ensuite qui, comme le vrai hacking authentique du FBI de la NSA, consiste à envoyer des bouboules dans des troutrous et à faire correspondre des polygones sur des formes (tu m’étonnes que ça embauche à donf, l’informatique). Des phases de Tactical RPG, enfin, très lourdement inspirées de X-Com, et misant pour l’essentiel sur l’infiltration.
La vraie bonne idée, en revanche, réside dans ces confrontations, qui, plutôt que de miser sur la violence et les gunfights, mettent au centre du jeu une mécanique de moral. En gros, plus vous attirez l’attention et plus vous ratez vos actions, plus votre moral baisse. S’il tombe à zéro, vous vous rendez à vos poursuivants. En revanche, réussir à poser un piège, détourner l’attention ennemie ou hacker une porte, par exemple, vous motivera et vous donnera de meilleures opportunités. Une bonne façon de transformer la non-violence en une mécanique de conflit vidéoludique assez inspirée, là où un Tides of Numenera échouait par exemple dans les grandes largeurs. S’il reste possible de tuer tous vos adversaires tel un Néron Cyberpunk, Rain of Reflections est pensé pour que vous puissiez si vous le souhaitez ne jamais tuer personne dans toute la durée du jeu.
Hélas, il faut à peine le temps de commencer à apprécier les possibilités offertes par ces confrontations pour que Rain of Reflections baisse le rideau en vous donnant rendez-vous pour un futur épisode 2. Ce n’est sans doute pas la chose la plus élégante que j’aurais écrite pour ce site, mais j’en ressors avec une sensation assez désagréable de coïtus interruptus, ayant même cru que la fin de chapitre était une sorte de blague, ou d’introduction au cœur de l’épisode à proprement parler. Que nenni, c’était fini. Dommage, mais vu les quelques bonnes idées qui surnagent quand même là-dedans, je lui redonnerai sa chance si la suite paraît un jour.
Rain of Reflections : Chapter 1 a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
L’expérience proposée par Rain of Reflections : Chapter 1 est d’une concision qui confine à l’absurde. 3H, dont au moins une à résoudre des puzzles idiots et répétitifs. Si de jolies choses affleurent tout de même dans cette minuscule expérience, on ne peut que déplorer un jeu beaucoup trop court pour qu’on rende un verdict plus pertinent que « c’est bien cher pour ce que c’est ».
AeternoBlade II
En 2014, Corecell lançait en catimini AeternoBlade sur 3DS et Vita. Se dessinait alors un jeu d’action plateforme dont la recette souhaitée, à base de manipulations temporelles, rappelait Prince of Persia ou Braid, le côté bourrin en sus. Le résultat n’a pu s’attirer les bonnes grâces que de quelques joueurs et joueuses, certainement en manque de sucre. Motivé, le studio thaïlandais n’a pas voulu s’arrêter là et revient, cinq ans et un financement participatif loupé plus tard mais quand même accompagné de l’éditeur PQube, avec AeternoBlade II. Nous n’avions pas touché au premier épisode, c’est donc avec confiance que nous avons lancé cette suite, ragaillardi par un trailer laissant entrevoir un développement avec peu de moyens mais des idées de gameplay. Quelle ne fût pas notre surprise quand, après une heure de jeu, se révélait à nous l’indicible vérité : c’était pas bien.
Chrono Trigger Warning
Au sein d’un monde encastré avec une finesse relative (châteaux grisâtres, chevaliers ringards et bestiaire peu inspiré compris) dans la medieval fantasy, Freyja se la coule douce après avoir sauvé son village et le monde. Sauf que ses actions ont déréglé la fragile machinerie de l’espace-temps blabla… On n’épiloguera pas, sauf à dire qu’elle rencontre deux mectons aussi impliqués dans leur mission rébarbative qu’ils n’ont de personnalité, ce qui nous permet, chanceux que nous sommes, de les incarner aux côtés de la jeune guerrière.
Très rapidement, le côté cheap de la narration est rehaussé par une volonté de mise en scène dynamique singeant les productions mieux fournies côté porte-monnaie. Les animations raidasses et les tristes décors se montrent ainsi sous leur plus beau jour mais il faut noter le rôle dévastateur qu’a le sound design sur la crédibilité d’AeternoBlade II. Rarement nous a été donnée l’occasion d’entendre un doublage (anglais) autant à côté de la plaque et des bruitages si mal trouvés, mal mixés. L’enrobage n’aurait pourtant pas plus d’importance que ça si, d’abord, les séquences narratives et/ou animées n’étaient si présentes dans l’espoir de donner du rythme à la progression (c’est loupé, hein), et surtout si les propositions de gameplay habitaient les ambitions affichées par le titre.
AeternoBlême
C’est que le manque de moyens donne l’impression de vouloir être compensé par un tas d’idées moyennes voire nulles et platement exécutées. Ajouter deux personnages au style de combat vaguement différent de celui de l’héroïne ne change rien à la mollesse généralisée des affrontements. Que ce soit contre les monstres lambdas, dotés d’un trop plein de vie fatigant et manquant d’une synergie qui dynamiserait les rencontres, ou contre les boss qui héritent de séquences souvent interminables et d’un comportement lymphatique. Ça tape fort, sans doute, dans un réflexe softwarien douteux, pour nous donner l’illusion d’un sentiment épique, mais rien de tout ça à l’horizon. Et ce n’est pas l’intégration de la 3D, foire à la caméra dans les murs, qui changerait quelque chose à cette sensation à la fois de fouillis et de lourdeur du système de combat. Tendant, va savoir comment, vers le muso, le bourrin prend vite le pas sur l’enchaînement de combos et n’a même pas le mérite du défouloir agréable, vu la rigidité des personnages. Petite touche de sel supplémentaire directement sur la langue ? Des QTE s’invitent à la fête, parce que pourquoi pas.
Des idées intéressantes se décèlent pourtant autour de la thématique du temps, en combat ou pendant les phases d’exploration : certains ennemis qui anticipent les coups sont à contrer en remontant le temps, on peut se téléporter en sauvegardant un emplacement précédent ou stopper le temps une fois un ennemi envoyé en l’air et ainsi s’en servir comme appui. Mais ces utilisations sont trop répétées ou survolées pour convaincre (notamment dans les Enigmata, ces pièces permettant de récupérer des améliorations pour personnaliser ses sets de combat) et, comme on a pu le lire à propos d’AeternoBlade premier du nom, les heures de début de jeu sont excessivement poussives, au point de nous fatiguer avant même d’avoir exploité le potentiel des pouvoirs. Restent des instants, lors d’une utilisation de la profondeur durant une phase de plateforme ou bien cette capacité qui permet d’enregistrer quelques secondes de mouvement avant de retourner dans le passé et de combattre aux côtés de sa survivance issue de la timeline précédente, où l’on aperçoit ce qu’aurait pu donner une version réussie du jeu. Dans une autre dimension, peut-être.
AeternoBlade II a été testé sur PS4 Pro via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu a planté une fois, ce qui était une première sur notre console, mais des patchs arrivent en cascade depuis la sortie du jeu.
Une vraie sensation de gâchis apparaît au sortir d’AeternoBlade II, qui tente beaucoup de choses mais en réussit peu. Le grand échec du jeu reste son incapacité à élaborer des mécaniques moteur qui masqueraient la faiblesse de son univers. On sent que les développeurs font tout pour faire plaisir au joueur mais la sauce ne prend pas. La faute à un sérieux manque de moyens et plus certainement encore à un manque de réalisme quant aux possibilités techniques du studio, qui ne perdrait pas à concevoir son prochain projet sur des bases moins ambitieuses. Si le jeu est à déconseiller, son making of, une fois dégraissé des atours promotionnels, fait ressortir certains questionnements qu’on aimerait voir creusés : que signifie produire un jeu vidéo en Thaïlande à l’heure actuelle et quelles sont les attentes du public local que tente de conquérir, de tout son cœur, l’équipe de Corecell ?
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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