Cette fois-ci dans Partie Rapide, Seastrom tranche, prie, aime doucement Minoria, le nouveau jeu d’action du studio créateur de Momodora, et Zali regarde des dioramas modérément interactifs dans Cloud Gardens.
Minoria
Bombservice et son grand manitou de créateur, le mystérieux rdein, sont à l’origine de Momodora, une série de jeux qu’on pourrait qualifier de confidentielle, si elle ne rassemblait pas une communauté de fidèles un peu plus présente et impliquée à chaque nouvelle itération. Les quatre épisodes de Momodora ont évolué en même temps que leur géniteur : un univers fantastique à la sensibilité moe (cast presque intégralement féminin, personnages mignons) en 2D, lorgnant toujours un peu plus vers l’action ; à la Castlevania dans un premier temps, avec l’ouverture de la progression, puis à la Souls (notamment l’arrivée des roulades). Minoria, qui sort ces jours-ci sur consoles, un peu plus d’un an après être paru sur PC, s’éloigne de l’univers de la série phare du studio tout en gardant l’intégralité de ses ingrédients. Différent mais pareil, en quelque sorte.
Hérétique et Ramezia
L’Office sacré, une organisation religieuse toute-puissante, mène sa loi, chassant avec frénésie les hérétiques qui se dresseraient contre les principes qu’elle enseigne. Les sorcières, ennemies jurées de l’Église, sont pourchassées et détruites. Un jour, la cadette des deux princesses siégeant à Ramezia embrasse la voie de la sorcellerie et plonge la cité dans le chaos. Certains racontent qu’elle serait sur le point d’accomplir un rite interdit qui signerait la fin du monde (en gros). La mutique Sœur Semilla, accompagnée de Sœur Fran, arrivent quelques jours après un bataillon chargé de reprendre le contrôle de la ville. Elles constatent que leurs consœurs ont été massacrées et sont désormais seules à pouvoir mettre un terme au maléfice qui grossit dans l’ombre.
Pour y arriver, Semilla, la seule à combattre, va devoir trancher, et sec. Le système de combat reprend les bases du dernier épisode en date de Momodora, Reverie Under The Moonlight. La panoplie de coups y est réduite à sa simple expression, un combo de deux ou trois coups, selon les armes, qui s’enchaînent plus ou moins rapidement et une attaque dans les airs. Il n’est pas possible, à l’inverse de Symphony of the Night par exemple, de frapper lorsqu’on est accroupi, mais on peut compter sur une roulade pour tenter de passer au-travers d’une attaque ennemie, puis de le prendre à revers. Le contre est peut-être la nouvelle mécanique centrale de Minoria. Elle permet, déclenchée au bon moment, de parer une attaque et, si celle-ci n’est pas trop puissante, de taillader l’opposant en tous sens, grignotant par là même quelques frames d’invincibilité en plus de remplir la jauge d’étourdissement du malheureux, ce qui l’immobilisera un instant une fois remplie. Il faut bien cela pour se protéger des assauts très violents dont on est la cible : trois coups encaissés suffisent à nous tuer et les nôtres n’interrompent pas les adversaires. Cela devient un problème lorsque les effets s’accumulent à l’écran, noyant l’alerte visuelle d’une attaque ennemie dans la masse. On se surprend régulièrement à râler devant une nouvelle mort sortie de nulle part.
S’ajoute au corps-à-corps la possibilité d’utiliser des encens, des objets à équiper aux effets actifs et passifs (respectivement 3 et 2 maximum), qui nous permettront de lancer des sorts offensifs ou de soin. Toute la batterie de sorts qu’on pourra acheter à la boutique permet de varier un peu les possibilités, mais la plupart fonctionnent avant tout comme des munitions, dont certaines sont plus adaptées à certains types d’ennemis, que dans l’optique de faire des combos. Rechargés à chaque point de sauvegarde, les sorts seront généralement déversés sur la tête des boss qui se dresseront sur notre route, après de fastidieux allers-retours dans les menus pour les changer à la volée. Vifs, les combats ne sont pas aidés par un mapping des touches pas forcément pratique, qu’il est heureusement possible d’adapter à nos envies, mais ils ont surtout tendance à se répéter sur la longueur pourtant pas excessive (7h environ) du titre. Minoria se pratique à petites doses.
Castlevanyaaa
On observe surtout un problème de rythme dans l’arrivée des nouvelles options de combat et de déplacement, le double-saut et le dash. Le deuxième se débloque à moins d’une heure du boss final, ce qui a un impact direct sur l’exploration de Ramezia, plus tiède qu’autre chose, malgré la présence de secrets. On arpente cependant les couloirs et rues désertes de la cité avec curiosité, au vu de la direction artistique prise avec Minoria. Certes, la parallaxe n’est pas la plus élégante qui soit, mais les aplats de couleur font leur effet et conviennent parfaitement à la mélancolie et au macabre ambiants, que vient souligner une bien jolie OST, flirtant avec le fantastique angoissant. Dommage que ce portage souffre de régulières chutes de framerate, venant entacher nos patrouilles sanglantes. Sanglantes, mais pas dénuées de questionnements.
C’est que les jeux de Bombservice jouissent, malgré leur taille modeste, d’une attention au lore notable, et en particulier d’un character design que célèbrent encore les fans. Et c’est le cas dans le casting de Minoria, qui arrive en peu de tirades à donner du caractère à ses personnages. Certes, des démones aux poitrines absurdes, on en trouve encore, mais au moins on n’a plus à s’acharner dessus en combat. On comprend vite où le scénario veut nous emmener, le traditionnel renversement des valeurs, mais il est assez étrange de voir l’essentiel du lore et l’établissement de la morale de l’histoire passer par l’obtention de collectibles. L’intention est là, mais les modèles du genre sont encore un cran au-dessus.
Minoria a été testé sur PS4 Pro via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur PC, One et Switch.
On ne sait pas si c’est la touche de l’auteur qui mène la danse ou si le studio se sent dans le besoin de satisfaire un public habitué à sa recette, mais la variation constante d’une même idée de jeu, façonnée par les envies et les influences de son créateur, est assez plaisante à observer. Minoria se distingue avant tout de la multitude des jeux d’action en 2D par son univers maîtrisé, là où il pèche dans l’équilibre de sa progression, impactant à la fois la rythmique des combats et de l’exploration. Le new game + est encouragé, avec l’ouverture d’un mini-donjon optionnel et les possibilités données de personnaliser son expérience de jeu, vers une difficulté demandant une connaissance des combats et des patterns. Mais il ne nous aura pas assez motivé pour que l’on s’y plonge avec déraison.
Cloud Gardens
« Cloud Gardens est un projet expérimental », nous avertit d’emblée la fiche Steam du jeu de Noio. Je me méfie toujours un peu de ce genre d’assertions, qui fleurent souvent bon le prétexte artistique à livrer un produit obscur au gameplay pas forcément bien convaincant. Dans le cas de Cloud Gardens (vous avez désormais la chanson de Jairo dans la tête), on ne peut pas dire que le projet respire la suffisance ou la prétention. Au contraire, cet early access montre un projet plutôt modeste, qui se résume en gros à : mettre des objets moches dans des endroits moches, afin qu’ils se recouvrent de plantes et deviennent jolis.
Des petits poèmes dans ma plantation
Le développement de Cloud Gardens n’étant pas encore terminé, vous n’aurez pas accès à l’ensemble des dioramas que proposera le jeu lors de sa « vraie » sortie dans quelque temps, mais vous aurez déjà de quoi faire, l’essentiel du concept étant déjà implanté et parfaitement fonctionnel.
En gros, chaque tableau figure un endroit moche à l’architecture industrielle et brutaliste, ou une ruine quelconque (parking, gare, décharge, serre…). Vous commencez avec une ou plusieurs graines, à poser un peu où vous voulez. Certaines graines génèrent des plantes grimpantes, d’autres des plantes rampantes, ou juste des arbustes, et ainsi de suite, les plantes se débloquant au fil des niveaux. Puis le jeu vous donne des objets, en général du mobilier urbain ou des trucs bons pour la casse. Et quand vous placez un objet, les plantes les plus proches poussent, dans la direction que leur permet le décor. Une fois que le décor est recouvert de verdure comme en bas de chez vous après le confinement, eh bien : c’est joli et vous avez gagné. Vous pouvez passer à la suite, et même vous amuser dans un sandbox regroupant les objets déjà utilisés.
Il y a bien quelques variations et quelques subtilités (récolter des bourgeons pour générer de nouvelles pousses, etc.), mais vraiment, l’essentiel est là : vous recouvrez des dioramas urbains de plantes. Une certaine poésie relaxante se dégage de tout ça, surtout si, comme moi, vous aimez voir les friches urbaines mangées par des feuillages sauvages, particulièrement dans les zones abandonnées par les services municipaux. J’ai ainsi longtemps travaillé près d’un carré de verdure sauvage que la mairie refusait d’entretenir, arguant que le propriétaire était l’agglomération, ces derniers renvoyant la balle vers une SCI copropriétaire du terrain : un vrai dépotoir mélangeant hautes herbes, arbustes et divers déchets typiques des sociétés pré-effondrement. J’aimais bien ce carré d’herbe.
Bon ben oui c’est des dioramas
Le « problème » si tant est que ça en soit un, c’est que je me trouve un peu dans l’incapacité de raconter quoi que ce soit d’autre sur Cloud Gardens : sa prise en main simplissime (un clic de souris sert à tout faire ou presque) en fait un excellent soft de présentation du concept de jeu vidéo non-violent, ou une excellente approche pour un public complètement étranger au média vidéoludique. Mais à part ça, je peine un peu à trouver que dire d’autre sur ce jeu. Vous cliquez, ça pousse, c’est joli, la musique donne envie de faire la sieste, et vous recommencez. Vivement les nouveaux niveaux, j’ai hâte de recommencer à fleurir de nouveaux endroits moches.
Je note tout de même que je ne sais pas si ce jeu a été conçu avec un souci thérapeutique. D’après son auteur, Thomas van den Berg, il s’agit surtout d’une admiration pour les plantes dans les jeux vidéo (une raison bien suffisante à créer un jeu vidéo où on admire des plantes). En ce qui me concerne, ça m’a guéri de vivre dans une maisonnette qui a un énorme problème de régulation de la température : le premier étage est le seul où je peux mettre des plantes, mais c’est aussi un étage où j’ai le choix entre créer des courants d’air ou MOURIR DE CHAUD. Des conditions qui ne rendent pas la vie végétale en pot très facile : tout crève sauf les cactus. Au moins dans Cloud Gardens, mes plantes survivent.
Cloud Gardens a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Des dioramas interactifs peuvent-ils avoir un accès anticipé ? Voici encore une question que nous ne nous étions jamais posée avant 2020. Pas tout à fait un jeu vidéo au sens où on l’entend souvent, pas tout à fait une installation artistique ni un simulateur de jardinage, Cloud Gardens me semble surtout avoir un joli avenir en tant que dispositif de médiation culturelle pour expliquer le concept d’interaction ou de gameplay non violent dans des ateliers en médiathèque, en centre social ou en maison de retraite, ce qui est tout sauf péjoratif. Et sinon si vous aimez jeter des saletés dans tous les sens et voir pousser des trucs, c’est relaxant.
Seastrom
C'est la Loire qui coule dans les veines de Seastrom, mélangée aux subtilités de la vaporwave. Possibilité de l'amadouer en lui parlant indés et D&D (Dreyer et Digimon).
follow me :
Articles similaires
Le backlog de TPP : plancton, démons et apocalypse
nov. 07, 2024
Le backlog musical : un crabe, des robots et du pesto
oct. 20, 2024
Le backlog de TPP : licornes, tapis roulants, disparition
oct. 05, 2024