Cette fois-ci dans Partie Rapide, Kalkulmatriciel vous parle de Lake, où il sera question de trouver les bonnes adresses et un sens à sa vie, et Zali de Salio, un platformer minimaliste hardcore.
Lake
Lake est le dernier né du studio Gamious et le dernier poulain de l’éditeur Whitethorn Digital. Dans une mise en scène simple et épurée, on partagera le quotidien de factrice de Meredith pendant quelques semaines, juste le temps de savoir ce qu’elle va faire de sa vie.
Take Me Home, Country Roads
J’ai menti, Meredith n’est pas vraiment factrice. Elle est en réalité une programmeuse de talent, diplômée du MIT et à deux doigts du burn out. Après avoir bouclé un projet important alors que son boss et ses collègues faisaient la fiesta autour d’une piscine, elle s’accorde enfin des vacances bien méritées dans sa ville natale de « Providence Oaks », perdue dans un petit coin de l’Oregon. Ces quelques semaines, Meredith ne va pas les passer à rien faire, elle va remplacer son père au service des Postes, l’occasion de croiser des têtes qu’elle n’a pas vues depuis des années.
Si j’ai un doute sur l’efficacité de congés lorsqu’ils comportent quand même une activité salariée, je dois admettre que l’idée de faire de notre protagoniste une factrice intérimaire est des plus malignes pour nous faire battre la campagne. Meredith n’est pas revenue à Providence Oaks depuis une vingtaine d’années et elle a gardé ses souvenirs de jeune adulte partant pour l’université.
En ça, le titre de Gamious sonne particulièrement juste. La sensation de revenir dans un endroit connu mais complètement différent, que ce soit pour échapper à un patron qui ne connait pas les limites ou pour renouer des liens trop longtemps négligés avec la famille, parlera sans doute aux joueur.ses approchant la trentaine qui arpenteront les routes de Lake. Un coup de vieux va forcément nous arriver en pleine poire quand Meredith rencontre la nouvelle génération d’ados du coin, un peu paumée mais pleine d’espoir pour le futur, et notre cœur va se serrer lors des retrouvailles fortuites de la factrice avec sa meilleure amie du lycée, Kay. D’ailleurs, Lake va très intelligemment nous rappeler que la réussite dans la vie ne rime pas forcément avec la réussite professionnelle : Kay n’a pas quitté Providence Oaks, elle s’est casée avec le quarterback du lycée et elle est très heureuse comme ça.
Beaucoup de petites pépites de la vie quotidienne seront disséminées çà et là au fil des jours que Meredith passera dans sa ville natale, de l’activisme écolo balbutiant à la gestion du deuil, mais pour cela il nous faudra livrer courriers et colis par monts et par vaux.
Y’a pas marqué la Poste !
On ne va pas tourner autour du pot, Lake est beau mais techniquement assez faible et va se concentrer sur l’essentiel. On se retrouvera régulièrement à traverser certaines textures et le pilote automatique de notre belle camionnette fera souvient des siennes, me rappelant mes plus belles parties de GTA (saviez-vous qu’une camionnette de facteur n’est pas faite pour le hors-piste ?). Dans ses limitations techniques, le jeu privilégiera le hors-champ lors de mises en scène complexes pour éviter les cinématiques ambitieuses mais désastreuses et c’est tout à son honneur.
Dans son gameplay, Lake a aussi su faire simple. On passera le plus clair du temps sur les routes de Providence Oaks à faire des allers-retours jusqu’aux boites aux lettres des habitants pour livrer le courrier. Et si cette routine nous permet de croiser de vieilles connaissances de Meredith, elle est aussi bien fastidieuse étant donné qu’on tombera la plupart du temps sur des boites silencieuses et des portes fermées. Même si cette routine peut être voulue de la part des équipes de Gamious pour refléter la lenteur que l’on peut ressentir en vivant dans une petite ville (tous.tes les lecteur.ices venant de la campagne sauront de quoi je parle), force est de constater qu’elle ajoute un côté rébarbatif en jeu qui pourrait en décourager plus d’un.e.
Un bouton pour mettre le courrier dans la bonne boite aux lettres et les colis devant la bonne porte, quelques options de dialogues (qu’on aimerait parfois un peu moins binaires), et une fourgonnette comme on n’en fait plus rendent Lake particulièrement accessible aux néophytes et joueur.ses cherchant juste un jeu pour se détendre. La narration des vacances de Meredith est maitrisée de bout en bout et sera l’excuse idéale pour lever le pied pendant quelques heures.
Lake a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Xbox One, Series X et S.
A mon sens, Lake a su retranscrire très fidèlement ce sentiment de décalage que l’on ressent lorsqu’on revient dans notre petite ville natale, une fois adulte. Si le titre de Gamious pèche parfois par une technique et un gameplay assez faibles, on passe tout de même une très bonne dizaine d’heures à parcourir les routes de Providence Oaks et à découvrir les tracas de ses habitants.
Salio
Créé par Kajetan Andrzejak, un développeur indépendant, pendant ses études, sorti dans un relatif anonymat courant 2019 et redécouvert par hasard au fond de mon backlog Steam il y a quelques jours, Salio se décrit comme un « plaformer minimaliste super difficile », ce qui ne saurait mieux le dépeindre. Vous y incarnez une petite bouboule dans des décors en 1-bit dont vous devez vous échapper, en mourant énormément, le jeu devenant brutalement difficile dès le second ou troisième tableau.
Pixel mort
Au moins, Salio ne ment pas à celui ou celle qui dépensera 4€ pour en faire l’acquisition : on est là pour en chier. Si les premières épreuves restent à peu près abordables (il y est souvent question de traverser des plates-formes qui glissent en calibrant un saut au pixel près), le jeu devient très vite particulièrement retors. En vous mettant des plates-formes mobiles ou friables sous les pattes, par exemple, ou en vous forçant à retraverser deux fois un niveau sans mourir pour atteindre la sortie.
Les premières minutes passées sur le jeu sont par ailleurs un peu décourageantes : on y meurt tout simplement toutes les deux secondes, sans bien comprendre comment fonctionne l’inertie très bizarre du jeu, le personnage que l’on contrôle étant à la fois assez rigide et animé par une tendance à glisser sur les surfaces ou à flotter en l’air assez étrange. On a tantôt l’impression de contrôler un boulet de plomb, tantôt un palet de curling. Et puis, petit à petit, on s’y fait.
Un beau Salio
Le petit coup de génie de Salio, qui change tout une fois qu’on l’a bien en main, c’est que contrairement à la plupart des autres expériences de platformer hardcore du genre, il n’est pas possible de contrôler ni la hauteur de saut du personnage, ni la force mise dans le bond. Dans Salio, vous faites toujours exactement le même saut et vous n’avez que le contrôle de la direction de ce dernier. Vous comprenez aussi que le saut peut être déclenché une fois à n’importe quel moment de la chute, ce qui vous permet de moduler votre hauteur, et d’atteindre des zones étroites sans vous encastrer dans les plafonds.
Bref, Salio vous encourage à penser un peu à l’envers des autres jeux du genre en vous poussant davantage à contrôler vos chutes et vos rebonds que la précision de vos sauts. Une fois ceci bien en tête, le jeu passe de « limite impossible » à « extrêmement ardu », un équilibre pas si simple à trouver mais que Salio atteint de justesse. En y ajoutant sa direction artistique minimaliste plutôt efficace et ses quelques effets sonores agréablement travaillés, on tient là une des petites pépites méconnues du genre qu’il est toujours possible de redécouvrir à bas prix, le jeu étant désormais régulièrement soldé à moins de 2€ sur Steam.
Salio a été testé sur PC via une clé acquise par nos soins.
La radicalité dans les jeux vidéo, ça me plait en général pas mal. Mais Salio joue dangereusement avec la fine frontière entre « difficile » et « carrément injouable », sans néanmoins jamais tomber tout à fait du mauvais côté de la tartine. Pour une poignée d’euros, vous pourrez ainsi avoir le plaisir de rager devant une expérience volontairement extrême mais juste, en admirant le travail d’épure et de minimalisme ayant façonné le jeu. Pas inoubliable, et certainement pas un jeu qui plaira à tout le monde, mais une découverte intéressante dans le monde dense et cruel des platformers extrêmes.
Kalkulmatriciel
Cc c Kalkul. J'adore parler à tous les PNJ, mettre des mandales et saboter les coop.
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