Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali vous parle du rogue-like automatisé Despot’s Game et Seastrom de The Last Friend, un tower defense qui a du chien – petit, le chien.
Despot’s Game
Le jeu vidéo a-t-il une essence ? Et, s’il en a une, est-elle quelque chose comme « envoyer des ptibonzhoms trucider des trucs et se faire trucider en retour » ? Pas sûr que les gens de Konfa Games se soient beaucoup posé la question avant de pondre Despot’s Game, situé dans le même univers que Despotism 3k, leur précédente production. Un univers où les humains, réduits en joyeux esclavage par des machines tyranniques, servent de matière première ou de divertissement. En l’occurrence, il sera question d’envoyer des pelletées d’entre eux à l’assaut d’un labyrinthe mortel, armés de bretzels, frigos et autres ballons de football.
Robot vs Frigos
Concrètement, Despot’s Game vous propose de prendre le contrôle d’un groupe de petits bonshommes vaguement spécialisés : un épéiste, un bouclier, un archer et un « nouveau » qui ne sait rien faire, sachant que d’autres classes s’ajoutent au fil des parties. Propulsés dans un dédale infernal, ce groupe ne pourra compter que sur l’équipement et les améliorations ramassés après chaque salle, s’ils survivent au combat qui y est programmé. Le rôle du joueur dans ces batailles entièrement automatisées est assez restreint : on place les unités au début du combat, et on choisit les améliorations possibles à la fin de ce dernier. De temps à autre un événement aléatoire nous pousse à faire un choix, mais le reste du temps, ce sont vos larbins qui font tout le travail.
Alors que les premières parties laissent entrevoir quelque chose de très automatisé et de très mécanique, on se rend cependant vite compte que ce mélange entre Faster Than Light et Endless Dungeon est beaucoup plus subtil que prévu. D’une part parce que le contenu et les salles, classes, objets et ennemis sont assez variés pour ne pas lasser. D’autre part parce qu’au bout d’une ou deux tentatives ratées d’exploration, on réalise à quel point chaque décision pèse lourd dans le destin de votre troupe de grouillots : ils peuvent être balayés en quelques secondes à la suite d’une décision malheureuse ou d’une optimisation ratée.
L’essentiel de votre job en tant que leader dans Despot’s Game va consister à dépenser avec sagesse l’argent gagné dans chaque salle, et à trouver un équilibre entre recrutement de soldats, achat d’équipement pour les spécialiser, gestion du stock de nourriture et achat de « mutations », qui sont autant de capacités spéciales ou de bonus passifs bénéficiant à tout ou une partie de l’équipe. À cela s’ajoute une gestion du risque qui s’affine au fil des parties : souhaitez-vous faire un raid sur une salle bonus, au risque de vous faire embusquer par plus fort que vous, ou foncer à l’étage du dessous même si vous sentez que vous manquez encore d’expérience ?
Le synerjeu de la mort
L’autre élément qui fait de Despot’s Game un jeu à part, c’est sa gestion très particulière des synergies de classes et d’objets. Dans les premières tentatives, on est très tenté de ne pas spécialiser son équipe, et de dispatcher les compétences pour obtenir une troupe complémentaire via les nombreuses classes disponibles dans le jeu : épéiste, saltimbanque, cultiste, nerd, bagarreur, lancier, etc. On se rend très vite compte que cette approche à la Fire Emblem est assez vaine, puisque le jeu nous incite au contraire très fortement à spécialiser l’escouade.
La logique est la suivante : plus vous avez de troupiers de la même classe dans votre équipe, plus ladite classe gagne en puissance. Un cultiste seul envoie mollement des malédictions aux robots adverses. Trois cultistes invoquent une divinité ineffable et tentaculaire au début du combat. Idem pour les soigneurs : un brancardier seul ne peut guère vous soigner, mais un brancardier, un médecin et un spécialiste du défibrillateur peuvent invoquer un puissant cercle de soin vous remettant de la vie en continu. Et plus on ajoute de gens à la classe, plus elle est efficace.
Tout le jeu vous demande ainsi de réfléchir en termes de synergie, et très rapidement on déniche des combinaisons qui vous permettent de rouler sur les adversaires qui ont deux, trois, cinq niveaux de plus. On regrettera cependant un équilibrage un poil hasardeux de la difficulté et quelques effets de synergie entre objets, classes et mutations parfois un peu obscurs ou manquant de précision, la faute à un nombre de classes peut-être un poil trop grand dès le début du jeu, rendant l’apprentissage assez chaotique. La courbe de progression en est en conséquence un peu hachée, rendant Despot’s Game parfois un peu décourageant. Le manque de variété des environnements pourra par ailleurs lasser les moins acharnés.
Despot’s Game a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Despot’s Game ne brille pas par son originalité, mais il prend une formule éprouvée (le rogue-like à base de donjons sordides) et y apporte sa propre patte, entre automatisation astucieuse des combats et recherche de synergies pour constituer une équipe invincible. Une très agréable surprise.
The Last Friend
Nouveau venu dans la famille des défricheurs de jeux indépendants qui surgissent d’un peu partout autour du monde, l’éditeur Skystone Games se prévoit une fin d’année chargée : cinq jeux doivent sortir d’ici janvier. Avec une équipe répartie entre les États-Unis et le Salvador, The Stonebot Studio a la mission de lancer la locomotive grâce à The Last Friend, une proposition originale donc risquée, mais bénéficiant toutefois de solides fondations en la présence d’un concept à quatre pattes particulièrement à la mode dans les jeux vidéo ces temps-ci : le doggo.
Allô Maman Doggo
Au sein de terres post-apo dévastées, Alpha sillonne le désert à bord de son van aux côtés de T. Juan, chihuahua qui fait honneur à son don de parole. Les compères vont embarquer, sans plus de cérémonie que ça, dans une longue série ininterrompue de sauvetages, arrachant des griffes de leurs ravisseurs ravagés autant de chiens qui viendront grossir la meute qu’ils mènent, taiseux musclé et chihuahua intarissable de leur état. On est très vite plongé dans le bain de poussière : The Last Friend se pose comme un nouveau mélange des genres, comme cela semble à la mode depuis quelque temps, et propose un socle de tower defense horizontal agrémenté d’une dimension beat’em up. Cette rencontre, on avait déjà pu la voir exercée à la première personne, notamment dans Sanctum (2011), mais ici, plus question de circuit où malmener ses agresseurs. À l’instar d’un Plantes contre zombies (2009) disons, le terrain est composé de lignes droites, lesquelles sont traversées de la droite vers la gauche par des vagues d’ennemis dont il faut se débarrasser avant qu’ils n’atteignent et détruisent notre précieux van. Pour ce faire, maintes tourelles sont mises à notre disposition contre un peu d’argent récolté durant la bataille, mais on circule aussi dans les baskets d’Alpha afin de tataner plus directement nos opposants.
Avec sa jolie trogne colorée et son appétence pour les canidés, The Last Friend gagnait des points dès le départ, et en théorie, l’alliance des genres semblait plutôt une bonne idée. Mais on craignait un peu l’effet pétard mouillé, de celui qui s’est vendu plus cool qu’il ne l’est réellement. Dans les faits, accoler au tower defense, assez statique par essence, de l’action pur jus ajoute une tension bienvenue au déroulement des niveaux. Distribuer des coups de poing permet de s’impliquer autrement plus dans la bagarre, mais il faut garder à l’esprit la nécessité de surveiller l’état de nos lignes de défense, dont le déploiement peut s’effectuer à la volée ou le temps d’une pause juste avant le début de la prochaine vague. Ces unités, qui correspondent à autant de chiens libérés, ont chacune leur capacité propre. Libre à nous de composer notre équipe au début de chaque mission, entre les unités placées sur les lignes de front, celles qui procurent un effet passif et une dernière chargée de fournir un mouvement surpuissant, à déclencher une fois la jauge remplie.
Il faut l’avouer, on ne s’attendait pas à ce que The Last Friend fasse preuve d’autant de soin dans l’élaboration de sa formule. Une quarantaine de toutous, et autant d’unités, sont déblocables au fil de la progression, avec la possibilité de procéder à une amélioration sur trois niveaux grâce à une monnaie qui drop plus ou moins aléatoirement. Pareillement, terminer les niveaux en remplissant les objectifs secondaires (afférents aux dégâts encaissés ou au temps passé à la complétion) permet d’accumuler des étoiles destinées à améliorer la protection du van ou d’abaisser le prix des unités par type. Le souci c’est que, derrière la dose très respectable de contenu et les jolis effets des attaques, on s’ennuie gentiment. Ce sentiment vient certainement de la composante beat’em up qui manque un peu de personnalité et de mordant, et ce malgré un système simple mais efficace de combos. Nul doute qu’équilibrer le titre a dû être une tannée, mais pour peu qu’on gère efficacement le ralentissement des ennemis, notamment grâce à la barricade du berger allemand, et la priorisation du danger, la progression se fait quelque peu monotone. Il faut attendre les derniers niveaux pour être un peu bousculé et, après environ 6h de jeu, c’est tout de même un peu tard.
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir voulu varier les plaisirs avec des niveaux spéciaux, qu’il aurait sûrement fallu plus nombreux, demandant de se servir des capacités spéciales d’unités spécifiques, des boss (souvent pas bien intéressants mais l’idée est là, comme la volonté d’apporter du rythme) et même des niveaux dont l’objectif prend à contrepied la logique du tower defense. Parfois les lignes seront ainsi raccourcies à l’extrême, on pourra lancer les opposants (eux aussi assez variés) dans le vide ou terminer le niveau nécessitera de cueillir des légumes dans un champ. Mention spéciale à ceux consacrés à la montée en niveau d’Alpha, qui servent l’air de rien de tutoriel au système de combat, contre (à l’efficacité peut-être trop redoutable) inclus, ainsi qu’aux quêtes secondaires, nécessitant de combattre avec une équipe prédéfinie, ce qui a tendance à sortir de la routine et pimenter un peu les choses. Autant d’idées dont on apprécie la présence mais qui ne suffisent pas à contrebalancer les faiblesses de la mécanique interne. Alors oui, on peut caresser l’entièreté du casting canin – ce qu’on n’a pas manqué de faire –, mais un « Wow » parmi les « wouaf » n’aurait sûrement pas fait de mal.
The Last Friend a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également prévu d’ici peu sur Switch.
The Stonebot Studio a eu beau s’échiner à mettre sur pied une proposition inédite, avec du charme et un contenu conséquent et varié, The Last Friend ne parvient pas à passionner, la faute à une progression morne et une répétitivité du concept indépassable. À envisager pour de courtes sessions et à condition de ne pas en attendre trop, malgré une avalanche de toutous. Cette profusion d’idées qui tiennent bon laisse néanmoins un goût de promesse concernant le prochain titre du studio.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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