Aujourd’hui dans Partie Rapide, Shift vous parle de l’early access de Deflector, un roguelite d’action à tendance bullet hell, et Zali revient sur le tactical RPG Banner of the Maid et sa version étrange de la Révolution française.
Deflector
La page Steam me l’avait dit, la bande-annonce me l’avait dit, Chibi me l’avait dit : Deflector, ça n’allait pas être terrible. Mais voilà, ça faisait un moment que je n’avais pas fait de roguelite, mon envie de bullet hell me démangeait et surtout, je n’apprends décidément jamais. Le résultat est paradoxalement meilleur et pire que ce à quoi je m’attendais : Deflector est solide dans son concept et ses mécaniques, mais il est surtout terriblement quelconque et inintéressant.
Plutôt MOUlet hell, j’ai pas raison ??
Il va être très simple et rapide de décrire Deflector, pour la simple et bonne raison qu’il ressemble peu ou prou à tout ce qu’on connaît et qui a été fait en termes de roguelite ces cinq dernières années. La progression en embranchements à la Slay the Spire, les améliorations à débloquer au sein d’une run que l’on perd à sa mort, les méta-monnaies qui permettent d’acheter des bonus permanents : quiconque a déjà touché à un roguelite dans sa vie saura quoi faire. Et ce n’est pas un mal, ni un reproche, la formule est éprouvée, réutilisée et perfectionnée d’année en année, faisant du roguelite un de ces genres surcodifiées. Certes, les risques de redite sont plus élevés que dans des genres de niche avec encore tout à inventer, mais cela permet à des studios modestes – comme les Barcelonais d’Arrowfist Games – d’avoir rapidement une structure éprouvée, fonctionnelle et connue de tous pour leur titre, et de se concentrer sur le reste.
Mais c’est aussi là que les soucis arrivent. Deflector n’est pas mauvais, loin de là, mais il est – pour le moment – assez médiocre. Le twist de gameplay du titre – il en faut toujours un – consiste à pouvoir parer et renvoyer les projectiles balancés par centaines à l’écran, retournant ainsi les enjeux et mécaniques habituels du bullet hell. Il ne sera donc ici pas question d’esquiver et de naviguer entre les balles qui parsèment les différentes arènes, mais de les retourner à l’envoyeur en activant son bouclier au bon moment. Là où le bullet hell est souvent un genre basé sur l’adresse et la précision, Deflector et ses mécaniques tiennent bien plus du jeu de rythme, d’autant qu’il est également possible de renvoyer sa propre arme et ses propres attaques à l’aide du bouclier, pour en augmenter les dégâts.
Et si l’idée fonctionne assez bien – d’autant que la physique et le rythme sont suffisamment carrés et précis pour ne pas rendre les combats injustes – elle n’est malheureusement pas assez intéressante pour tenir sur la durée. C’est triste à dire, mais j’ai commencé à m’ennuyer avant même la fin de la première run. La faute d’abord à une certaine répétitivité, de nos propres attaques mais également du bestiaire et des patterns ennemis, des environnements et des évènements secondaires. Le tour du contenu est très vite fait. Mais si cette répétitivité est si gênante, c’est surtout car Deflector manque cruellement de patate, de game feel, de sentiment de satisfaction. Les coups n’ont pas tellement d’impact, les monstres ne sont pas particulièrement impressionnants, tout le monde se meut avec une certaine mollesse, mollesse particulièrement mise en avant par le contraste qui se fait avec la BO metal-electro bien trop énervée pour ce qui se passe à l’écran.
Et ce n’est pas côté progression que le jeu se rattrape non plus puisque là aussi, tout se fait avec une certaine platitude. Les nouveaux personnages demandent un grind acharné pour être débloqués, les améliorations permanentes sont plutôt chères, et il faut se farcir un certain nombre de runs pour commencer à débloquer de nouvelles compétences. Compétences qui ne rendent que rarement l’expérience plus intéressante, de toute manière. Côté quêtes secondaires, c’est la même chose, à l’instar de ce satané œuf qu’il fallait trimballer du début aux trois quarts de la run sans prendre trop de dégâts pour remplir un objectif, dont la récompense s’est avérée être une poignée de ressources assez communes. Et il faudra le refaire d’une run à l’autre si l’on veut en profiter à chaque fois. La lassitude est totale.
Deflector a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Ceci étant dit, rien n’est franchement perdu pour Deflector. Si mon aperçu est pour le moment assez négatif et salé, il faut retenir que ce dernier est encore en early access, et admettre que sa base de gameplay et de structure reste solide et efficace et qu’il est particulièrement dénué de bugs ou de dysfonctionnements. La roadmap d’Arrowfist Games est précise et réaliste, laissant espérer que le studio sait parfaitement où il va avec son titre et le sortira dans l’état et les délais prévus. Et si ces soucis de game feel, de rythme et de récompenses se règlent d’ici la fin du développement, nul doute que Deflector sera à recommander comme le sympathique roguelite indé qu’il aspire à être. Une progression à surveiller.
Banner of the Maid
C’est un jeu qui trainait dans mon backlog depuis quelques mois, probablement acquis une fiévreuse nuit de soldes Steam : Banner of the Maid est un tactical RPG chinois sorti en 2019 et signé par le studio Azure Flame, entreprenant de raconter, accrochez-vous bien, une version alternative de la Révolution française… avec des magical girls et des guerrières commandant les armées françaises. Oui, c’est bizarre. Mais c’est aussi un clone honnête de la série Fire Emblem.
Fire Emblem sans culotte
Louis XVI qui nous salue d’un tonitruant « Nihao ! », la petite sœur de Napoléon en protagoniste guidant les révolutionnaires sur le front de la campagne d’Italie, Cosette (oui, celle des Misérables) qui joue aux éclaireuses en écoutant parler les oiseaux ou encore la fille du savant Lavoisier en sorcière alchimiste : le premier contact avec Banner of the Maid est pour le moins déroutant.
Cependant, le scénario du jeu, étalé sur une quarantaine d’heures, s’avère rapidement plus solide que bouffon. Les scénaristes ont véritablement réussi à écrire une uchronie amusante et relativement documentée mettant en scène une famille royale qui aurait accepté les acquis de la Révolution, à la condition de se voir protégée par une bande de magiciennes tirant leur pouvoir de mystérieux artefacts royaux détenus par Mirabeau. Banner of the Maid explore ainsi, de manière certes baroque mais plutôt plaisante, une version de l’Histoire de France où Jacobins, Feuillants et royalistes lutteraient secrètement pour sortir victorieux d’une série de manigances politico-militaires sur fond d’Europe déchirée par la guerre.
Tout juste pourra-t-on regretter quelques longueurs, facilités et moments moins inspirés étirant un peu trop l’intrigue dans ses dernières heures pour finalement déboucher sur une fin ouverte pas franchement satisfaisante. Mais peu importe, car on parle avant tout d’un tactical RPG et il remplit très bien son office de ce point de vue.
Robespierre, feuille, ciseau
Banner of the Maid n’est pas un tactical brillant par son originalité mais plutôt pour sa grande maîtrise des mécaniques proposées depuis une trentaine d’années par les jeux du genre, particulièrement la série des Fire Emblem. Même si tout y est habillé d’un skin de la Révolution française, tout est là : le déplacement case par case, le triangle des armes, la promotion des unités, la gestion de l’inventaire… On est en terrain connu, mais c’est un terrain contrôlé.
On appréciera d’ailleurs que certaines unités finissent par gagner au fil du jeu des compétences assez intéressantes stratégiquement, permettant par exemple d’inspirer l’ensemble de la troupe pour booster temporairement le moral, de soigner en groupe, d’annuler des pénalités de déplacement ou encore de bombarder plusieurs armées adverses à la fois. Plus on avance dans le jeu et plus le challenge devient subtil et l’équilibrage de son équipe important.
Dommage, donc, que chaque chapitre soit livré avec des missions annexes souvent particulièrement corsées et des missions « libres » qui permettent de casser en quelques heures de grind tout l’équilibrage du jeu, tant il y est facile de booster six ou sept unités de manière éhontée pour les transformer en brutes invincibles pour les dix chapitres à venir. Un problème qui n’en est pas un si on décide d’ignorer ces missions mais qui souligne tout de même un souci : Banner of The Maid est un jeu dont la difficulté de la seconde partie est trop peu régulière, oscillant entre affrontements anecdotiques pliés en dix minutes et immenses batailles quasi insolubles. C’est un détail, le plaisir de jeu ne s’en va jamais tout à fait, mais on aurait pu espérer quelque chose de plus constant.
Banner of the Maid a été testé sur PC. Il est également disponible sur PlayStation 4, Xbox One et Nintendo Switch
Plutôt bien écrit au regard de son sujet bizarroïde, tactiquement solide et présentant un challenge honorable, Banner of the Maid est un chouette petit tactical RPG qui sait tenir en haleine quelques longues soirées. Pas parfait, avec un équilibrage en dents de scie et une tendance à tirer à la ligne, il est néanmoins l’un des meilleurs clones de Fire Emblem présent sur le marché.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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