Aujourd’hui Zali vient vous parler de Cartel Tycoon, un jeu de gestion d’organisation de narcotrafic, et Un Rieur se prend la tête de manière récursive avec Maquette.
Maquette
Tout nouveau jeu de l’écurie d’Annapurna Interactive, et premier jeu du studio Graceful Decay, Maquette était doublement attendu impatiemment. Tout d’abord parce que les jeux d’Annapurna jouissent d’une excellente réputation, avec des titres comme Outer Wilds, ou bien What Remains of Edith Finch, et ensuite parce que la proposition de gameplay de Maquette a su attiser la curiosité par son originalité. Et sans spoiler la suite, disons simplement que pour la partie gameplay on peut parler de belle réussite.
Les petits plats dans les grands, dans les énormes, dans les…
Maquette est un jeu d’énigmes et narratif qui se déroule dans un monde onirique un peu particulier. En effet, au centre du monde il y a une maquette (vous l’avez ?) dudit monde et si l’on observe attentivement son environnement, on se rend compte que l’on évolue nous-même dans un monde encapsulé dans sa réplique gigantesque et ainsi de suite ; le twist est que tout objet existant dans un monde existe dans les répliques avec des proportions équivalentes. Il est très dur de décrire à l’écrit les implications de cette mécanique, mais en gros imaginez que vous posiez un téléphone dans la petite maquette en face d’un bâtiment, alors dans votre monde vous verriez un téléphone géant en face de l’équivalent du bâtiment. Le but du jeu sera d’atteindre certains endroits précis en jouant sur la grosseur des objets et les spécificités des maquettes.
Si comme je l’ai décrit, Maquette semble relativement simple dans sa proposition, sachez cependant qu’il sait se montrer très retors dans certaines énigmes, à tel point d’ailleurs que pour l’une d’entre elles j’ai cru avoir fait bugger le jeu en n’ayant pas les bons objets à la bonne taille pour pouvoir continuer à avancer. À part une ou deux énigmes néanmoins, le jeu est plutôt accessible et propose une difficulté progressive adaptée à plus ou moins tout le monde. Si vous avez réussi à finir un jeu comme Portal, normalement Maquette ne devrait pas être insurmontable, d’autant plus qu’il ne propose aucun challenge lié à de l’adresse ou de l’exécution, seulement de la réflexion.
Maquette profite donc d’un gameplay simple et de bonnes énigmes exploitant son gimmick à fond ou presque, avec en plus quelques changements qui permettent de varier le tout et de ne pas nous endormir. Et si cette proposition n’est pas assez, laissez-moi vous parler de l’aspect visuel du titre, car il est juste très beau. Certes la beauté est un critère subjectif, et il est vrai qu’en termes de graphisme pur, Maquette est relativement simple, ce qui n’est pas un mal car ça lui permet de pouvoir tourner sur des PC plutôt modestes sans trop ralentir, mais sa direction artistique tape juste dans mes yeux, avec des décors lumineux, bucoliques, et des « cinématiques » qui présentent des dessins ressemblant à de l’aquarelle tout à fait charmants. Plutôt que de vous en parler autant vous montrer le jeu directement.
Roman à l’eau de rose pâle
Malgré le presque sans faute du gameplay et de la direction artistique, il y a un point qui m’a semblé un peu faiblard : la narration. Non pas que le scénario soit particulièrement mal écrit ou que les doublages ne soient pas convaincants, mais c’est juste que le lien entre gameplay et narration est quasiment inexistant. Je ne spoilerai pas ici l’intrigue, bien qu’elle soit vue et revue, mais je ne peux m’empêcher d’être un peu déçu du peu de rapport entre ce que le jeu me demandait de faire, et ce qu’il me racontait. On n’est pas non plus dans un cas de dissonance ludonarrative où le gameplay entrerait en conflit avec l’histoire, cependant j’ai un peu eu l’impression qu’on me demandait de préparer un plat de pâtes carbo pour faire avancer l’intrigue de Tarzan.
Je comprends que ma remarque puisse passer pour du pinaillage, mais, alors que les développeurs semblent être attachés à ce qu’ils racontent, je me suis retrouvé régulièrement à décrocher simplement de l’intrigue car elle n’était ni assez intéressante, ni assez liée à ce que je faisais. Ce défaut est d’autant plus dommage que le reste du jeu est plutôt inattaquable sur ses autres aspects, et qu’on sent quand même derrière tout le projet une bienveillance des développeurs vis-à-vis de leurs personnages et des joueurs.
Maquette est au final un très bon jeu d’énigmes, intelligent et bien habillé. Je ne peux que le recommander, tout en regrettant qu’il ait raté quelques petits détails qui auraient pu faire de lui un titre véritablement inoubliable. Par contre je surveillerai désormais Graceful Decay en attendant leur prochain titre qui pourrait se révéler surprenant.
Cartel Tycoon
Le saviez-vous ? tinyBuild vient, il y a à peine un mois, de faire l’acquisition de nombreux petits studios de développement en tout genre, et ce a priori sans effusion de sang. Parmi eux, Moon Moose, développeur de Cartel Tycoon, qui vous demandera de faire à peu près le même genre d’affaires, mais en remplaçant les studios de jeux vidéo par de la drogue et des flingues, et la courtoisie feutrée des bureaux de Seattle par la brutalité des jungles sud-américaines des années 80. Cartel Tycoon entame donc son early access en cette fin de premier trimestre, et si la proposition ne manque pas d’intérêt, elle est encore un tout petit peu chiche.
Quand c’est trop c’est Tropicoke
Cartel Tycoon essaye d’être beaucoup, peut-être trop de choses à la fois : un city builder minimaliste, une simulation économique, un jeu de stratégie et un jeu de rôle, un peu tout à la fois. Un parti pris qui force, pour ne pas virer dans l’enfer de millions de tableaux Excel, à un certain minimalisme dans chacune des mécaniques. Il y a beaucoup de choses à faire dans une partie de Cartel Tycoon, mais rien n’y est très profond une fois qu’on en a assimilé les mécaniques essentielles. Ce n’est pas grave, l’important est que l’ensemble se marie bien et soit amusant.
Le principe de base est simple : dans les années 80 d’une contrée d’Amérique latine fictive, vous, ancien baron de la drogue, avez perdu l’essentiel de votre emprise souterraine sur le pays, et êtes retombé tout en bas de l’échelle sociale du crime. Il vous reste un petit entrepôt de schnouf, quelques camions, un homme de main même pas spécialement fidèle, quelques sacs d’argent sale, et une compagnie bidon pour blanchir de l’argent. Un point de départ pour le moins miteux, qu’il conviendra de faire prospérer en plusieurs étapes : reconstruire un circuit économique clandestin viable, vous assurer que votre argent sale peut être recyclé en vraies affaires légales et prospères, corrompre ou liquider ceux qui mettent un peu trop le nez dans vos affaires, et abattre par tous les moyens vos rivaux en interne comme à l’extérieur.
Dans la forme, Cartel Tycoon se situe quelque part entre Tropico pour l’ambiance et la construction de petite province symbolisée par des routes et quelques bâtiments, The Settlers dans sa logique de chaîne de production qui vous pousse à optimiser le placement des routes et des unités pour raccourcir au maximum les risques, les frais et les trajets, et une version de poche de Crusader Kings II dans laquelle une partie de vos fonds et de vos actions devra être employée à faire monter la jauge de loyauté de vos lieutenants (et à les promouvoir régulièrement dans un système de pyramide assez bien pensé), et à faire mystérieusement disparaître les traîtres et les rivaux. Le tout avec des histoires générées semi-procéduralement. Le tout est assez simple, la principale subtilité tenant au fait que votre cartel doit en permanence gérer une double comptabilité basée sur l’argent sale et l’argent blanchi, les deux ne servant pas à la même chose : impossible d’acheter une affaire légale ou de financer des actions politiques avec de l’argent fraîchement sorti de la mallette d’un sicario encore recouverte de coco comme le premier Eric Woerth venu, par exemple. En revanche, l’argent blanchi est traçable, et personne n’a très envie de se faire corrompre par des billets surveillés de près par la DEA, pas vrai ?
Piquer du nez
Je préfère prévenir : en l’état, il me semble trop tôt pour vous conseiller d’investir dans Cartel Tycoon. Typique d’un jeu prometteur mais encore loin d’être achevé, le titre de tinyBuild me semble avoir été lancé de manière un poil prématurée sur le marché des accès anticipés : il manque simplement encore trop de contenu pour qu’on s’amuse plus que quelques heures. En réalité, dès la fin du tutoriel actuel, on tourne un peu en rond, et on aimerait avoir mieux qu’un aperçu de tout ce qui viendra dans les mois prochains. Si on en croit la roadmap publiée par les développeurs, de grosses mises à jour rajoutant l’essentiel du contenu attendu devraient être lancées dès le trimestre prochain, avec une sortie du jeu à l’été ou à l’automne. Beaucoup de contenu encore cruellement absent devrait arriver et largement diversifier l’expérience : quêtes de loyauté pour les lieutenants, trame principale étoffée et revue en profondeur, aéroports, guérillas, mécaniques économiques retravaillées, etc.
Cependant, à quelques errements près (la traduction française, par exemple, est extrêmement approximative pour le moment), Cartel Tycoon propose déjà des graphismes attachants, une bande-son latina rétro très immersive, et affiche un potentiel que peu de simulations économiques ont proposé ces derniers mois. Encore faut-il bien entendu adhérer au concept de base, qui reste d’incarner une ordure finie mettant son pays et ceux des autres à feu et à sang pour son profit personnel. A cet égard, constatons que malgré toutes ses qualités, Cartel Tycoon ne fait pas grand-chose de son propos sur le narcotrafic, se contentant de l’image un peu kitsch, voire cool, de son ambiance eighties surfant allégrement sur le succès des fictions à la Narcos qui ont largement documenté et romancé cette période particulière du trafic mondial de stupéfiants. Alors que ce qu’on fait pendant l’essentiel du jeu, ça reste tout de même du pillage, de l’expropriation, des meurtres en série et de la déstabilisation politique. Espérons que les prochaines mises à jour creuseront un peu du côté des conséquences concrètes de tout ça.
Cartel Tycoon a été testé sur PC, via une clé fournie par l’éditeur.
Vous cherchez un bon jeu de trafic de drogue ? Cartel Tycoon sera à mon avis le meilleur d’entre eux dans quelques mois, donc attendez les mises à jour de cet été pour ne pas vous décourager avec un démarrage un peu vide. Vous cherchez juste un city builder économique sérieux ? Je ne suis pas sûr que Cartel Tycoon soit fait pour vous, tant sa logique vient imbriquer plusieurs styles de jeux entre eux sans en creuser un à fond. Néanmoins, nous suivrons le développement de ce titre avec la plus grande attention, tant il pourrait tout autant devenir une des réussites surprises qu’une des grandes déceptions de l’année.
Un Rieur
J'aime tous les jeux, surtout les jeux un peu nazes ou cassés. C'est pas parce que c'est nul que c'est pas bon, et puis j'aime aussi la bouffe, et le JDR
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