Cette fois-ci dans Partie Rapide, Veltar vous parle de Arkhangel The House of the Seven Stars, premier jeu de Winter Night Games, et Anamorphine, aussi la première création du studio québécois Artifact 5.
Arkhangel The House of the Seven Stars
Sorti plutôt dans l’anonymat le 27 juillet dernier, Arkhangel the House of the Seven Stars est le fruit du travail de deux frères. Ces développeurs, fondateurs de leur propre studio, Winter Night Games, ont des inspirations assez diverses, allant de Donjons & Dragons à DOOM et Quake. Et ils ont même leurs propres boulots à côté. Bref, je voulais au moins prévenir de la relative indulgence dont je vais faire preuve ici : on est loin d’un studio basique et encore plus d’un studio d’ampleur mondiale.
Sur le papier, c’est bien
Leur jeu se présente comme un point and click 3D à l’ambiance « lovecraftienne ». Évidemment, comme les 90% des jeux qui se disent « lovecraftiens », ça peut vouloir dire tout et n’importe quoi. Le moindre poulpe présent et ça y est, c’est inspiré de Lovecraft. Mais ce coup-ci bon, ça semble tenir la route. Une histoire de cauchemars hypnotisants, une ville louche, et des habitants qui le sont encore plus. Ça ne suffit pas vraiment à convaincre mais pourquoi pas.
Les personnages principaux sont au nombre de trois : Michael (le père), Lily (la mère) et Gabrielle (la fille). Tous les trois se dirigent en train vers Haven (la ville), afin de gérer le décès de la tante de Lily et oublier un lointain traumatisme. Et apparemment aussi emménager dans la vieille maison familiale. Le jeu s’ouvre sur un cauchemar fugace et le réveil en sursaut de Michael. Une rapide prise en main dans le train permet de constater au moins une chose : le jeu ne va pas briller par ses graphismes. Petit jeu sous Unity, les textures sont brouillonnes. Pour ce qui est des interactions avec les PNJ, elles se font soit en essayant de leur parler, soit en les inspectant. Les bases.
Une fois ce petit interlude passé, on arrive à la fameuse ville de Haven. Un journal servira à suivre l’avancement de l’histoire et comme rappel des objectifs. Le découpage de l’aventure en chapitres (intitulés en « Days ») cherche à faire écho à l’écriture progressive du journal de Michael. Les discussions avec les personnages ouvrent sur une boite de dialogue à choix multiples. Du classique dans le royaume du point and click. La prise en main du personnage est par contre assez bizarre, et ses déplacements mal exécutés. Après, tout est relatif, on est dans un point and click, et il ne s’agit pas de faire des dashs entre les pièces de la maison. On se retrouve aussi à contrôler Gabrielle, et étrangement ses mouvements paraissent plus naturels que ceux de son père. Tant mieux on va dire.
Et arrive le terrible instant où on sort de la maison. De la neige qui couvre tout, ça, c’est ok. Mais pourquoi la jeune fille continue de nous envoyer des messages par télépathie ? Je penche pour le bug puisqu’elle se téléporte à côté de nous quand on entre dans certains bâtiments importants, et parfois nous suit. Enfin tout ça pour dire que, ajoutée à la marche un peu aléatoire de Michael, l’exploration de la ville n’est pas super géniale.
Côté musique et sound design, ça peut aller. Même si le thème principal mélancolique qui tourne en boucle semble vite hors de propos quand on voit pointer le début véritable d’une intrigue un peu sombre et complexe.
Le vrai cauchemar, c’est le jeu
Parce que le souci de ce jeu, il est là. Au bout d’une heure, ça ne décolle pas. La ville où on évolue est bien trop grande, ou le personnage trop lent, et cet effet de ralenti est augmenté par des temps de chargement entre chaque zone et à chaque entrée dans un bâtiment. Ça ne dure parfois que quelques secondes, mais là où dans d’autres jeux du genre, ça crée une microcoupure efficace, ici, ça ne fait que rajouter à la lenteur globale. Et puisque le jeu n’est déjà pas au top esthétiquement, difficile de compenser la lenteur par une appréciation des décors.
Les énigmes, souvent essentielles dans un point and click, même 3D, se résument davantage à des quêtes basiques et évidentes. On a parfois deux trois objets à combiner, mais c’est très simpliste. Et ce système, qui pousse parfois à faire des allers-retours, ne se couple absolument pas bien avec des déplacements lents. C’est dommage parce que la narration et l’écriture sont travaillées, et qu’on sent l’envie de proposer une histoire mature frôlant avec l’horreur.
L’arrivée, beaucoup trop tardive, dans des zones un peu intrigantes, n’a pas l’impact que ça aurait dû avoir, justement parce qu’on a subi 1h d’ennui auparavant. Et on se retrouve détaché du truc alors qu’on effleure à peine le cœur de l’histoire. Un problème tel que lorsque certaines QTE s’intègrent aux énigmes, j’en viens presque à penser que ce sont des moments sympas de gameplay. Un comble.
Evidemment Arkhangel the House of the Seven Stars reste, comme je l’ai dit, le travail de deux personnes. Mais ça n’excuse pas tout. De nombreux et excellents jeux sortent avec ces mêmes contraintes. Donc même si je salue les efforts pour rendre au mieux une ambiance de village solitaire et nimbé de mystères, ça ne fonctionne pas. Autant au niveau du gameplay que du rythme.
Anamorphine
Anamorphine part avec une base de travail assez similaire de celle de Arkhangel, encore que plus professionnelle. Une petite équipe (les 3 membres du studio Artifact 5 et d’autres à côté), mais une véritable envie de bien faire. Le sujet par contre, est carrément différent. La manière d’utiliser le jeu vidéo est, là aussi, bien éloignée du jeu précédent.
Représenter la joie et sa disparition
Expérience visuelle, la narration se fera au gré de la progression, et de la manière de percevoir et d’entendre l’évolution de l’histoire. Afin de pas trop être perdu, les développeurs d’Anamorphine résument quand même un minimum ce qui va se dérouler devant nous : on joue Tyler, un photographe qui souffre d’un syndrome post-traumatique, et vit une difficile dépression. Le jeu est le fait de son introspection, au cœur des souvenirs de sa relation avec sa femme Helena. On se retrouvera donc à errer dans un mélange assez hallucinatoire de souvenirs altérés.
Et effectivement, dès les premières minutes, on se rend directement compte de ce que va proposer Anamorphime. Pas de gameplay, vous avancez, vous « glissez » même, porté en fond par les notes d’instruments à cordes (le violoncelle étant la pièce essentielle) et parfois d’autres. Les illusions commencent à modeler le parcours, et on change d’environnement littéralement comme si on passait une porte. A regret d’ailleurs parfois, puisqu’il sera impossible de revenir en arrière une fois ces passages effectués. Des objets serviront d’uniques fils conducteurs. Mais là encore, pas question de les collecter ou de les assembler manuellement : vous vous en approchez, et tout s’active.
L’évolution de l’appartement, première véritable « zone », rappelle un peu ce qu’on retrouve dans pas mal de jeux désormais, y compris, dans un tout autre registre, chez l’excellent Layers of Fear (meilleur jeu d’horreur 2016 btw). Et tout le reste d’Anamorphine continuera d’apporter ce genre de « non-retour » dans la progression. Vous passez une pièce, elle se modifie, et quand vous voulez revenir en arrière, tout s’est adapté aux nouvelles modifications. Ça peut être parfois frustrant comme je l’ai dit plus haut, mais il faut avouer que ça donne un vrai cachet. Et ça explique pourquoi c’est tant utilisé pour les jeux d’horreur, hélas rarement de façon subtile, mais je digresse.
Une fois les raisons des difficultés rencontrées par les personnages comprises, s’amorce la phase dépressive. L’ambiance assez idyllique laissera place à des environnements plus sombres, plus tristes, voire plus agressifs. Le délabrement progressif de l’appartement ne sera là que pour illustrer ce qui se passe à la fois chez Tyler, chez Helena, mais aussi le couple lui-même. On tombe ainsi plusieurs fois sur Helena dans la baignoire, mais celle-ci s’enfonce dans l’eau trouble chaque fois un peu plus, tout comme elle semble se noyer dans sa vie. Et la présence invasive et croissante d’alcool, témoigne de l’unique échappatoire de Tyler, pour qui tout est brouillé.
Le dénouement de l’histoire est assez convenu mais ce qui compte c’est plus la manière dont tout ça a été mis en œuvre via un jeu vidéo, plutôt qu’un autre support. Anamorphine se présente comme une expérience, et force est de constater que de ce point de vue, le contrat est assez bien rempli.
Un défaut parfois pesant par contre, c’est la 3D un peu moyenne. Ça n’empêche pas certaines excellentes idées artistiques, qui rappelleront d’ailleurs à certain(e)s The Stanley’s Parable. A noter aussi qu’Anamorphine est totalement adapté à de la VR, ce qui doit rendre les effets visuels bien plus impactants (et vomitifs ?).
J’ai aussi eu des petits ralentissements parfois, mais peut être que c’était que mon PC. Autre problème, la longueur abusive des passages à vélo, qui donnent l’impression d’être là pour artificiellement augmenter le temps de jeu. C’est sûrement fait pour faire ressentir l’errance, la « traversée du désert » du personnage durant des moments clés, mais le rendu est chaotique et mal géré. Son prix enfin, près de 17€, qui est un peu élevé quand on le compare à la « concurrence ».
Anamorphine est atypique tout en restant dans la lignée de titres comme That Dragon Cancer ou Gone Home. Il se détache par un aspect surréaliste totalement assumé, mais qui pourra rebuter. Un walking simulator intéressant rien que par le fait d’aborder des problématiques aussi complexes que la dépression et le deuil. Mais d’un point de vue technique et gameplay, il n’est clairement pas indispensable.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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