Dans le Backlog de TPP, les rédactrices et rédacteurs du site dépoussièrent leurs bibliothèques virtuelles et viennent vous parler tous les mois de jeux, récents ou anciens, enfin sortis de leurs backlogs et qui les ont séduits. En ce mois de décembre, BatVador s'est roulée dans la neige de The Long Dark, glau a détruit son processeur avec Bombe, Oryphan a fait de la moto dans Laika: Aged Through Blood et Shift s'est fabriqué un·e ami·e dans Birth.
BatVador : The Long Dark
Je ne me rappelle absolument pas comment je suis tombée sur The Long Dark, probablement une suggestion Steam, qui, vu le nombre d’heures passées sur Frostpunk et Help Will Come Tomorrow s’est dit : voici ta nouvelle drogue, ne discute pas et vas-y fonce. Évidemment, j’ai foncé et The Long Dark est devenu un de mes jeux doudou, je sais, c’est bizarre, et pourtant pas tant que ça. Pour faire simple, c’est un jeu de survie dans un hiver polaire qui se décline autour de trois axes : un axe narratif en épisodes (pas encore terminé), des missions avec des objectifs, parfois limités dans le temps, et un mode libre auquel un DLC payant a rajouté, en plus des différents objets à collecter (notes, caches, mémoire d’ordinateur…), une trame narrative et des nouveaux environnements.
Dans tous les cas, après un accident d’avion, vous vous retrouvez, sous la forme de votre avatar, coincé dans une région reculée du Canada, c’est l’hiver et il faut survivre. Évidemment, en plus du froid, du vent, de la neige, vous devrez affronter la faim, la soif, la fatigue et, depuis peu, le scorbut, en plus de diverses maladies et blessures et occasionnellement des bêtes sauvages qui veulent votre peau. De maisons abandonnées en grottes, de trains déraillés en tours de télécommunication, vous allez marcher, fouiller, crafter et éventuellement chasser, pêcher, raccommoder, etc. Ça a l’air austère, et d’une certaine façon ça l’est, même si les mises à jour et DLC successifs ont rajouté beaucoup de contenu et de ressources. Mais c’est aussi un incroyable terrain de jeu et, pour moi, la possibilité de devenir quelques heures durant l’exploratrice polaire que je ne serai jamais (et que pourtant au tout au fond de moi, je rêve d’être).
Une fois que l’on a compris comment fonctionne le jeu, les réactions des animaux et qu’on s’est familiarisé avec les environnements, il devient plus facile de s’y promener, d’endosser le rôle de cartographe et de fouiller chaque recoin en ressentant une satisfaction profonde à chaque fois qu’on découvre un nouveau lieu (et pour celles et ceux qui sont vraiment perdus, on peut trouver des cartes détaillées sur Internet). Chaque maison, voiture ou igloo abandonné dessine les contours de vies difficiles dans une province reculée, minée par les exploitations minières et forestières. Les différents niveaux de difficulté et les boosts permettent d'ajuster le challenge et, du moins en facile et normal, le jeu n’est jamais injuste et met à disposition suffisamment de ressources pour survivre un long moment, pour peu qu’on sache gérer ses stocks. Certes, The Long Dark n'est pas dépourvu de défauts et d'ordinaire, je n'aime pas trop les sandbox et pourtant j'ai passé de très (trop) nombreuses heures à me promener dans la neige à la recherche du prochain abri et d'un pied de biche.
glau : Bombe
La pédagogie est un art délicat : ce n'est pas parce qu'on sait faire quelque chose qu'on sait l'expliquer. Tenez, vous savez tout à fait jouer au démineur, ce n'est pas pour autant que vous sauriez expliquer précisément votre manière de procéder, et encore moins fabriquer un programme qui résout tout tout seul. Justement, Bombe va vous aider dans cette entreprise avec un formalisme qui semble un poil incompréhensible au début — et un peu moche, vous l'aurez remarqué dès le premier screen — mais qui se révèle bien pratique.
Ne bougez pas, je vous explique : tout est symbolisé sous forme de "zones", qui dénotent n'importe quel espace dans lequel on sait quelque chose. Par exemple, si on sait qu'il y a deux bombes dans une zone d'exactement deux cases, qu'en déduisons-nous ? Que chaque case contient une bombe, bravo. Pour aller plus loin, on dessine des diagrammes d'intersection entre différentes zones : si une zone à trois bombes en contient une autre de deux, alors la dernière bombe se trouve dans la différence, etc. C'est un peu fastidieux à expliquer comme ça, et beaucoup plus clair passés les premiers niveaux. Oui, mais si on écrivait n'importe quoi ? Pas de panique, Bombe contient un vérificateur génial, non seulement capable de détecter une fausse déduction, mais aussi de donner un contre-exemple.
Chaque règle s'ajoute ainsi au programme général, une situation donnée n'est donc examinée par le joueur qu'une unique fois avant d'être appliquée des centaines, des milliers de fois. Il n'est pas rare d'ajouter une règle qui résolve d'un coup des centaines de niveaux. C'est terriblement jouissif, d'autant que le tout est gamifié avec toutes sortes de bonus et possibilités qui se débloquent lorsque l'on atteint un certain palier — nous faisant parfois écrire des règles infâmes pour gratter quelques misérables niveaux. Il semble par exemple étonnant de commencer par des cases hexagonales plutôt que la grille habituelle du démineur. Ce n'est pas une erreur, les cas y sont plus simples à résoudre. Les cases carrées arriveront bien assez tôt, suivies par les triangulaires et quelques autres friandises que vous découvrirez bien rapidement.
Très vite, on comprend que l'idée est de fournir les règles les plus générales possibles. S'il est tentant de donner le plus d'informations possible, attention à l'explosion… derrière ses graphismes minimaux, le petit Bombe a rapidement fait vrombir le ventilateur de mon PC dernière génération. Tant pis. S'il faut faire fondre mon CPU pour gagner quelques niveaux, le jeu en vaut bien la chandelle.
Oryphan : Laika: Aged Through Blood
J'ai des plaisirs simples dans la vie : j'aime les boucles de gameplay répétitives, les jolies OST et quand mes jeux font pew pew dans tous les sens. Aussi, quand Laika: Aged Through Blood est sorti, en octobre 2023, je me suis jetée dessus, séduite par sa direction artistique et l'idée d'un metroidvania à moto. Et quelle ride ce fut, mes ami·e·s !
Dès les premières minutes, le jeu frappe par sa violence, son ambiance et son univers aussi dévasté que mélancolique. Vous êtes Laika, une maman coyote essayant d'élever sa fille correctement (ce qui signifie ici : ne pas lui donner de pistolet) et de lutter contre une force armée totalitaire (incarnée par des oiseaux rigolos), le tout sans jamais quitter sa moto. Et c'est là, la particularité du jeu : en dehors du village qui sert de hub, tout se passera sur votre moto, vous allez faire des roues arrières pour recharger vos armes, des roues avants pour recharger votre parade et user d'un bullet time pour faire tout ça, tout en tirant sur vos ennemis. Et si ça a l'air compliqué, ça ne l'est pas, et le jeu demande finalement plus de tactique que des réflexes éclairs, ce qui peut le rendre difficile parfois mais jamais frustrant.
Laika: Aged Through Blood est un bon metroidvania, et s'il n'est pas exempt de défauts (des points de téléportation trop rares forçant au backtracking, des boss pas toujours intéressants - la faute à la nature du jeu, qui fait que sur une moto, les boss dans des arènes trop petites manquent de dynamisme), j'ai eu envie de les lui pardonner, parce qu'il m'a raconté une jolie histoire. Une histoire de transmission mère-fille, une histoire de survie. Et chaque PNJ, chaque quête fedex étaient des petits moments de poésie, que ce soit ce personnage qui veut entendre une dernière fois la mer dans un coquillage ou ce chien qui veut une corde pour sa guitare.
Pendant sa quinzaine d'heures, Laika: Aged Through Blood m'a trainée dans le sable et le sang, a mis mes émotions et mes réflexes à rude épreuve, mais m'a surtout offert ma BO préférée de l'année. Composée et chantée par Beícoli (aussi co-fondatrice du studio Brainwash Gang, et qui a accouché la veille de la sortie du jeu), c'est un mélange de ballades, de guitares et de berceuses à rebours avec la violence du jeu, mais qui s'accorde finalement merveilleusement avec son univers.
Shift : Birth
Développé en solo par Madison Karrh, ancienne institutrice reconvertie dans la conception de jeux vidéo, Birth est un petit point & click décrit par son autrice comme "un puzzle game réconfortant à propos de la mort et de la décomposition". Une présentation que je ne peux qu’appuyer : Birth est ce que je pourrais appeler du wholesome body horror. En effet, si j’ai trouvé l’expérience assez reposante, amusante et poétique, il me faut tout de suite prévenir : un peu à la manière des productions Rusty Lake, il ne faut surtout pas s’arrêter à l’aspect cartoon et mignon du titre. Birth propose quelques tableaux et concepts assez répugnants, à base de corps troués, mutilés, tordus et d’insectes grouillants, parfois dans la chair.
La comparaison avec les Cube Escape et Rusty Lake peut être encore filée quelques instants : le titre repose quasi exclusivement sur une succession de puzzles, rarement compliqués ou originaux, mais très instinctifs et, pour la plupart, assez agréables à résoudre, permettant une progression tout à fait fluide. C’est cependant ici que le rapprochement s’arrête : là où les Rusty Lake basent leur ambiance sur un humour assez noir, une toile de références et d’auto-références et des situations dérangeantes voire horrifiques, Birth propose une atmosphère reposante, poétique et mélancolique, surtout basée sur l’expérience personnelle de sa conceptrice.
Le titre parle ainsi surtout de solitude, de la sensation de solitude que l’on peut ressentir en vivant seul·e en appartement, amplifiée par l’aperçu de la vie sociale des voisin·e·s, des passant·e·s. Notre personnage se met ainsi en quête d’un·e ami·e, qu’il va s’agir de fabriquer, à l’aide d’os et organes collectés sur notre route. Chaque lieu de la ville sera l’occasion de récupérer un morceau de corps humain, obtenu après avoir trouvé et résolu les quelques puzzles de la pièce. Malgré son sujet un peu plombant et ses objectifs peu ragoûtants, Birth est surtout mignon et léger dans son déroulement. On ne bloque jamais longtemps face à un puzzle, le titre est juste assez court pour s’arrêter avant que l’ennui ou la répétitivité pointent leur nez (comptez moins de trois heures) et le dénouement est parfaitement adorable.
Birth fait partie de ces jeux de dimanche après-midi, bouclables en une ou deux sessions, jouables intégralement avec un bouton de souris, accessibles à tous types de publics, et faisables aussi bien seul·e qu’à deux ou trois, pour réfléchir aux puzzles en couple, en famille, entre ami·e·s. C’est le genre de jeux que j’aime avoir sous le coude dans ma bibliothèque, pour occuper agréablement un week-end hivernal, blotti dans un plaid et accompagné de café et de crêpes à la confiture. Le titre de Madison Karrh remplit à merveille cette tâche, et je ne peux que recommander de passer outre son aspect bizarre et de s’y plonger une poignée d’heures en ce début de janvier à la météo hostile.
Retrouvez nos avis sur d'autres jeux du mois de décembre
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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