Dans le Backlog de TPP, les rédactrices et rédacteurs du site dépoussièrent leurs bibliothèques virtuelles et viennent vous parler tous les mois de jeux, récents ou anciens, enfin sortis de leurs backlogs et qui les ont séduits. En ce mois d'avril, BatVador rénove des maisons dans House Flipper, glau fait du business avec Final Profit: A Shop RPG et Shift parcourt le monde à bord d'un vaisseau minuscule dans Minishoot' Adventures.
BatVador : House Flipper
Je ne voudrais pas avoir l’air ringarde en faisant une blague sur les millenials et l’accès à la propriété, mais j’ai bien regardé mon compte en banque et bon… Mais ce n’est pas très grave, car d’une part, j’ai une peur panique de l’engagement à long terme, alors imaginez si je dois contracter un prêt, et de l’autre, j'ai découvert House Flipper, ce qui me permet de savoir à quoi ça ressemblerait si j’avais les fonds et les compétences nécessaires en bricolage pour rénover une maison.
Sorti en 2018 et agrémenté depuis lors de nombreux DLC (gratuits et payants), House Flipper nous met en vue à la première personne dans la peau de quelqu’un qui achète des maisons pour les rénover et les revendre (ce qui est incidemment ce que font les parents dans The Haunting of Hill House, mais ça se passe mieux dans House Flipper). Il possède deux modes de jeu principaux, les missions, c'est-à-dire refaire les maisons selon les instructions des clients, et le rachat de maisons pour les revendre. Les deux modes sont complémentaires, le premier permettant de gagner des dollars pour acheter et rénover les maisons du second. Pas trop regardant sur le placement des objets ou l’harmonie des pièces, House Flipper est accessible aussi bien aux personnes obsédées par les détails qu'aux gens comme moi qui n’aiment pas placer des fourchettes parfaitement droites sur les tables. Un peu limité par certains côtés (quelques bugs de placement, une caméra pas toujours très maniable et un très petit pool d’acheteurs, etc.), on peut néanmoins y passer des heures à construire des murs, penser l’agencement des maisons, refaire le jardin et obtenir un résultat (très) satisfaisant. En plus, les acheteurs ne sont intéressés que par la présence de choses, pas par l’esthétique, donc si vous voulez voir ce que ça fait de tout peindre en caca d’oie ou de mettre du marbre et des dorures partout, personne ne va rien vous dire et ça, c’est beau.
Les DLC (payants) apportent chacun des nouvelles mécaniques, mais s’il faut en retenir trois : Garden pour refaire le jardin, Luxury qui rajoute des résidences et articles de luxe (j’avoue, j’adore l’esthétique loft avec briques apparentes et mobilier « industriel ») et Pets pour adopter des animaux. Parmi les deux DLC gratuits, Apocalypse permet de vendre des maisons avec bunkers à des survivalistes et personnellement ça manquait à mon existence.
glau : Final Profit: A Shop RPG
La Reine des Fées a décidé de battre le Grand Capital à son propre jeu. N'ayant pas réussi à convaincre le Conseil des Fées de son projet, elle est destituée et exilée chez les humains. Qu'à cela ne tienne : elle va mener son combat toute seule, en démarrant tout en bas de l'échelle commerciale, c'est-à-dire comme commise dans une petite boutique de village. Et grimper un à un les barreaux du négoce en esquivant les manigances de l'infâme Bureau du Business.
Ça, c'est la théorie. En pratique, Final Profit n'est jamais là où on pourrait l'attendre. Le système de boutique peut décontenancer au premier abord, puisqu'il s'agit (pour commencer) de vendre en boucle trois items saugrenus aux trois mêmes clients. Mais cela n'est qu'une infime partie du jeu, car Final Profit est un jeu à tiroirs imbriqués, où l'on a en permanence l'impression de découvrir une dimension supplémentaire qui change potentiellement tout. Et qui verse allègrement dans l'absurde : il devient parfaitement habituel de rendre visite à un hibou vampire avant d'aller chercher du thé fermenté dans les toilettes en passant par les passages extra-dimensionnels du Seigneur Cheval. Mais le plus étonnant, c'est que cette tambouille tient bon, par la magie d'une écriture rafraîchissante. Au gré du joueur, les phases de commerce alternent avec celles d'exploration, liées ensemble par une narration efficace sans être envahissante.
Difficile d'en dire beaucoup plus sans gâcher le plaisir de la découverte de cette fable anticapitaliste qui se permet d'aborder avec légèreté de nombreux thèmes associés — attrape-nigauds, déliquescence du service public, spéculation immobilière — en les racontant de l'intérieur et sans jamais perdre de vue l'aspect ludique. Alors, non, Final Profit n'est pas très beau. C'est un jeu RPG Maker, que le développeur Brent Arnold a poussé dans ses derniers retranchements. Un outsider sorti en 2023 dans une relative discrétion et dont la popularité grossit depuis tranquillement au rythme du bouche-à-oreille. À mon tour de propager la bonne parole, car Final Profit le mérite.
Shift : Minishoot' Adventures
Après le très enthousiasmant Promenade au mois de février, place à un autre petit jeu indé français : l’incroyable Minishoot’ Adventures, par les Toulousains de SoulGame Studio. Un peu comme Promenade, si l’habillage et l’esthétique sont très agréables à l’œil, et que l’univers est sympathique, il s’agit avant tout d’un pur jeu de gameplay et mécaniques. Et comme pour Promenade, on craint sur les premières minutes d’avoir affaire à un titre un peu mou et lent, crainte très rapidement balayée par un grisant sentiment de progression.
Car Minishoot’ Adventures est issu d’un mélange un peu improbable, mais terriblement efficace. Le titre est, à 50/50, un Zelda-like et un twin-stick shooter à tendance bullet hell. On se retrouve donc avec toute la grammaire de Zelda, les cavernes, les donjons basés sur le nouveau pouvoir débloqué, les pots à casser, les arènes à vider pour ouvrir une porte, les boss, la carte qui s’ouvre au fur et à mesure : tout le cahier des charges d’un Zelda période A Link to the Past est respecté à la lettre.
Sauf qu’on ne joue pas un Hylien équipé d’un bouclier et d’une épée, mais un petit vaisseau qui tire des milliers de projectiles sur d’autres vaisseaux qui en tirent tout autant. Et la formule marche du tonnerre, car les deux propositions sont toutes deux exécutées avec brio. La partie Zelda-like bénéficie d’un level design soigné, d’une progression fluide et logique, de secrets cachés dans tous les sens et d’un post-game généreux, quand la partie twin-stick brille par son game feel, ses boss aux patterns de plus en plus retors, son système d’améliorations extrêmement flexible et ses nombreuses options d’accessibilité et réglages de difficulté.
On peut vraiment se faire son expérience à la carte dans Minishoot’ Adventures, du jeu d’exploration tranquille avec visée automatique, invincibilité ou ennemis faiblards, au jeu de tir hardcore et impardonnable recouvrant l’écran de projectiles mortels, en couvrant bien sûr l’ensemble du spectre entre ces deux extrêmes, selon les envies, sensibilités et capacités de chacun·e. C’est, visiblement, la direction que prend de plus en plus l’industrie : on trouve désormais plus facilement des réglages de paramètres plutôt que des presets facile/normal/difficile, et c’est une excellente nouvelle. Minishoot’ est un exemple de plus du succès de cette formule.
Je ne peux ainsi que le recommander à tout type de public : à moins de viscéralement détester les genres du Zelda-like et/ou du shooter arcade, le titre de SoulGame Studio réussit à s’adresser autant à un public très novice ou à la recherche d’une expérience chill et casu qu’à des joueurs·euses amateurs·rices d’expériences masocore. Le tout avec un gamefeel particulièrement agréable et réactif, et un cycle de récompenses et améliorations constant, sur une durée parfaitement maîtrisée. Mangez-en.
Retrouvez nos avis sur d'autres jeux du mois d'avril
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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