La Bibludothèque de TPP : L'art dans le jeu vidéo

En ce début d'année 2025, la rédaction de The Pixel Post a décidé d'accorder un bref répit à vos backlogs, pour s'attaquer à vos piles à lire. Dans cette série d'articles, nous vous avons concocté quelques recommandations de livres en lien avec le jeu vidéo qui nous ont plu ou marqués. Dans cette troisième partie, Shift, Koroviev et Rifampicine vous parlent d'ouvrages qui traitent de l'art dans le jeu vidéo.

La Musique dans Zelda. Les clefs d’une épopée hylienne

Recommandé par Shift : Il faut que je le confesse : Zelda, j’aime bien vite fait et la musique dans Zelda, à quelques exceptions près, ça m’évoque un inintérêt poli. Et pourtant, La Musique dans Zelda. Les clefs d’une épopée hylienne m’a captivé du début à la fin. Le mérite revient bien sûr en premier lieu à son autrice, la musicologue et journaliste Fanny Rebillard, qui trouve un excellent équilibre quant à la vulgarisation de théorie musicale. C’est très bien écrit, c'est ni trop pointu ni trop simpliste, et ça se suit agréablement, même sans bagage musical particulier (il est quand même recommandé d’aller écouter certains thèmes en parallèle de la lecture, à la fois pour l’ambiance et pour savoir de quoi on nous cause). 

L’autre grande qualité de cet ouvrage, c’est de ne pas rester le nez collé dans la licence Zelda, et de parler, au travers des différents jeux, thèmes et compositeurices, de l’évolution de Nintendo, des liens entre gameplay, rythme de jeu et bande-son, des innovations techniques et des métiers qui se font et défont en conséquence, des philosophies de composition, sans jamais perdre de vue son sujet principal. La musique de Zelda n’est pas un prétexte du livre pour aborder tous ces sujets, elle montre au contraire à quel point cette dernière était pionnière dans bien des domaines et mérite qu’on s’y intéresse, tant elle cristallise tout ce que représente la musique de jeu vidéo.

Virtual Cities: An Atlas & Exploration of Video Game Cities

Recommandé par Koroviev : Bien des jeux vidéo ont marqué leurs joueurs, voire leur époque, par les villes immersives et cohérentes qu’ils permettent d’explorer librement. Loin d’être de simples décors de carton-pâte destinés à donner un contexte à une histoire, ces environnements urbains sont vivants : se promener dans leurs rues, c’est se plonger dans un univers concret, grouillant de détails et de narration environnementale.

Qu’elle soit utopique ou dystopique, futuriste ou médiévale, leur architecture, minutieusement réfléchie, est « un moyen unique de découvrir des villes imaginaires et réelles, de manière véritablement immersive », comme le précise l'auteur Konstantinos Dimopoulos, designer et game urbanist ayant notamment travaillé sur The Sinking City et Lake. Cet atlas revient en détail sur 45 villes du jeu vidéo, de Dunwall à Blancherive, en passant par Novigrad, Midgar ou Anor Londo. Chacune d’entre elles a même sa propre carte, dessinée avec talent par l’artiste Maria Kallikaki. Un must-have pour celles et ceux que l’architecture virtuelle fascine.

Tout l'art de Cuphead

Recommandé par Rifampicine : Ça ne va pas nous rajeunir, mais Cuphead est sorti il y a sept ans, et encore aujourd'hui, j'en retiens trois choses : sa difficulté, sa musique et sa direction artistique. Dans Tout l'art de Cuphead, seule cette dernière est abordée, mais il y a largement assez de matière pour remplir un livre de 264 pages. Caractéristique pour son style cartoonesque inspiré de l'animation rubber hose, l'univers visuel du jeu regorge de références qu'il serait bien trop chronophage de lister. C'est pourtant un point abordé dans ce livre, car loin d'être un simple artbook rempli de belles images, Tout l'art de Cuphead est une plongée dans la genèse de son identité graphique. Et pour s'assurer de la véracité du moindre propos qui y est annoté, quoi de mieux que de retrouver comme auteurs Eli Cymet, producteur du jeu, et Tyler Moldenhauer, crédité au titre de Digital Painter & Magician Lord ?

Non content de nous offrir des esquisses, des brouillons et d'assister en photo à la genèse de personnages et décors du jeu, le livre nous raconte les inspirations qui s'y cachent. Rédigé comme si nous assistions à un documentaire sur la création du jeu, il se mue au fil de ses chapitres en un voyage au-delà de l’œuvre elle-même pour nous faire découvrir l'univers de l'animation des années 30. Aussi agréable à lire qu'à regarder, il s'adresse, par son approche, à un public bien plus large que les simples fans du jeu. C'est probablement ce qui explique le fait qu'il soit si difficile à trouver aujourd'hui. Malgré tout, je souhaitais vous en parler pour vous pousser à guetter la moindre réédition ou vente d'occasion, parce qu'il en vaut la peine.

The Beep Book: Interviews from the documentary

Recommandé par Rifampicine : Karen Collins est une des chercheuses les plus réputées dans le domaine de l'histoire des bandes-son de jeux vidéo. Après la réussite d'un financement participatif, elle réalise entre octobre 2014 et juillet 2016 un film documentaire composé de multiples interviews de quelques grands noms (par leur renommée ou leur impact) du monde musical et sonore du jeu vidéo. Au fil de deux intenses années de travail, elle a recueilli davantage de témoignages et d'anecdotes que ce que pouvait contenir un documentaire de deux heures. Et c'est là qu'intervient ce livre.

Comme l'indique son sous-titre, The Beep Book: Interviews from the documentary contient les interviews réalisées durant ces deux années, y compris celles qui n'apparaissent pas dans le documentaire. Des échanges passionnants et parfois intimistes qui peuvent se concentrer sur le médium, ses particularités, un axe précis du sound design, des anecdotes ou une œuvre en particulier et qui se révèlent un trésor pour qui s'intéresse à cet élément essentiel dans l'expérience des jeux, manette en main et casque sur les oreilles. Malheureusement, il n'existe pas de traduction du livre, mais un niveau assez basique en anglais sera suffisant pour apprécier sa lecture. Et si vous souhaitez en avoir un premier aperçu, l'éditeur a publié sur YouTube certaines interviews en accès libre. De quoi peut-être vous pousser à craquer pour le livre et le documentaire.