Intrigant projet dévoilé lors de l’E3 2018, Control a réussi à s’imposer dans le cœur de nombreux joueurs. TPS à l’ambiance incroyable, aux inspirations diverses, il témoigne d’une vraie prise de risque artistique, parfois trop rare dans ces jeux d’envergure. De quoi le placer dans les GOTY 2019 de Shift et Veltar en tout cas.
Shift
Malgré mon amour pour Max Payne et Alan Wake, l’inintérêt d’American Nightmare et surtout le naufrage de Quantum Break avaient réussi à me détourner – je le pensais – définitivement de Remedy, au point de condamner d’office Control, sans jeter un seul œil à la moindre image ou bande-annonce. Il aura fallu les critiques dithyrambiques de la rédaction pour que mon indifférence devienne de la curiosité, pour tourner – une fois de plus, car je suis une personne mesurée – à l’obsession la plus totale, me faisant jeter 50 précieux euros au visage du studio finlandais. Je n’en ai pas regretté un centime.
Alors certes, Control n’est pas parfait. Sa gestion de la difficulté est hasardeuse, certains combats – le final tout particulièrement – sont à la limite de l’exaspérant et bon nombre de quêtes annexes sont largement dispensables. Mais tout ceci n’a presque aucune valeur face à ce que le titre propose, et réussit.
Car Control est généreux
Généreux dans son univers et son développement déjà. On me l’avait vendu comme une tambouille de Lynch, X-Files et Fringe, et si les influences peuvent allécher, je craignais surtout de la référence en veux-tu en voilà. Fort heureusement, Remedy a fait dans la subtilité, et si Control lorgne effectivement du côté de ces atmosphères, il le fait – presque – sans coups de coude ou clins d’œil appuyés, préférant développer son propre univers. Et de quelle façon ! J’ai vu un peu partout dans la presse la collecte de documents casée dans les points négatifs, il se trouve que c’est un des aspects qui m’ont le plus mis dans l’ambiance. Tout au long de l’aventure, notre héroïne – Jesse Faden – récupérera une pelletée de documents, aux sources et sujets variables, touchant de près ou de loin à des affaires paranormales. Control en dit à la fois énormément – en développant son lore de façon très expansive – et très peu, laissant suffisamment de zones d’ombre sur chaque affaire pour laisser gambader l’imagination du joueur ; tissant ainsi un épais rideau de mystères rarement résolus, l’unique but étant de donner corps à l’univers.
Généreux également dans sa mise en scène et son utilisation des formes et des couleurs. Je pourrais vous recopier des définitions du brutalisme et autres concepts artistiques et architecturaux, mais la vérité est que je n’y connais rien du tout. Ce qui ne m’a pas empêché de prendre claque sur claque à la découverte des différentes zones de The Oldest House, agrémentées de leur présentation en grosses lettres blanches et sound effect saisissant. Car oui, parlons-en du sound design – il n’est pas du tout en reste – la palme revenant à ces murmures quasi-constants en arrière-plan, n’étant pas sans rappeler les séquences les plus oppressantes d’Alan Wake. C’est d’ailleurs avec grand plaisir que j’ai pu retrouver les Poets of the Fall, groupe de rock finlandais officiant dans les jeux de Remedy sous le pseudo Old Gods of Asgard et encore bien mis en avant dans Control.
Généreux enfin dans son gameplay, en se payant le luxe de mettre au point un système de télékinésie parfaitement jouissif – le meilleur, si je décidais de ne pas du tout peser mes mots – reléguant le gunfight loin derrière, faisant de Control un TPS assez singulier. Couplée à la lévitation, la télékinésie est non seulement un fantastique outil de combat, mais également une belle opportunité de saccager bureaux, ateliers et laboratoires. Vitrine technique pour Remedy et surtout Nvidia – vendant ses GeForce RTX en bundle avec le jeu ; défouloir absolu pour les joueurs et joueuses : tout le monde est content.
Control a réussi la prouesse de me réconcilier avec Remedy et de me faire acheter un AAA, en proposant un titre jouissif, à l’univers profond et à l’ambiance fascinante. Une très grande réussite, qui mérite amplement sa place sous votre sapin.
Veltar
J’éprouve moi aussi beaucoup d’affection pour Max Payne, plus le premier que les épisodes suivants d’ailleurs (même si pour certains le 3 est sous-côté). Pour autant, Remedy ne fait pas partie des boîtes dont je suis avec assiduité les productions. Encore plus en sachant qu’ils sont « spécialisés » dans les jeux d’action à la troisième personne (TPS). Alors partant de là, Control ne partait pas pour me convaincre. Et pourtant, tout ou presque a fonctionné sur moi.
Si je vais forcément revenir sur certains points évoqués par Shift (difficile de ne pas être en accord sur ne serait-ce que la BO du jeu), mon problème avec les TPS me pousse à passer pas mal de temps sur cet élément précis.
Car Control m’a un peu réconcilié avec les TPS
Alors comment Control a réussi l’exploit de me faire reconsidérer les TPS ? Déjà, l’évidence. La direction artistique. Les environnements sont magnifiques, aux inspirations multiples, comme le rappelait très justement Shift. Des lumières parfois angoissantes, parfois épileptiques, une atmosphère brumeuse, et des couleurs majoritairement froides. Lorsque ce n’est pas le cas, c’est un rouge agressif qui s’impose. On le retrouve ainsi sur les différents ennemis mystérieux qui nous attaquent.
Ce qui frappe aussi, c’est l’architecture. Tout est démesuré et angulaire, renforçant le décalage avec la normalité bureaucratique que le bâtiment est censé, comme on pourrait le croire, abriter. Tout cela rappelle forcément les grands ouvrages soviétiques, où l’individualité humaine se retrouve broyée par quelque chose qui la dépasse. Cette rugosité architecturale est altérée par la présence du Hiss, cette entité maléfique mystérieuse qui corrompt tout. Cela donne lieu à de sublimes aberrations graphiques, ce qui a pas mal ralenti ma progression dans le jeu à force d’enchaîner les screenshots et d’utiliser le mode photo (super bien foutu).
Évidemment, la vue à la troisième personne a pour le coup bien aidé. La sensation aurait sûrement été tout autre en vue FPS, avec un ressenti moindre sur le décalage entre la taille de Jesse Faden, la jeune femme qu’on incarne, et les environnements dans lesquels elle évolue. Le gameplay a aussi bien aidé puisque les contrôles sont fluides. Cela permet d’éviter LE truc qui me bloque dans les TPS : l’impression de diriger un rocher de 4 tonnes. À mesure que l’on gagnera des capacités, tout cela sera renforcé par une sensation de puissance super agréable.
Quelques points auraient mérité d’être approfondis. Je ne pense pas ici à l’histoire qui, certes est nébuleuse, mais a été pensée comme telle. Je fais plutôt référence à la partie amélioration du perso et de l’équipement. Je ne l’ai pas trouvé très claire mais c’est peut-être juste moi. Cela dit, je ne pense pas que ça soit l’argument majeur du jeu. Parce que Control fait à merveille son boulot : un excellent TPS dans un cadre visuel unique et qui n’a pas vraiment d’égal en 2019. Entre effets de lumière et créativité de design, c’est un régal pour les yeux tout le long de l’aventure. Bravo donc à Remedy qui signe ici un de mes GOTY 2019.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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