Antagonistes est une série de portraits non-exhaustifs de figures du jeu vidéo qui viennent s’opposer au protagoniste que l’on incarne. Mais plus que de simples vilains, ces « méchant(e)s » retenu(e)s possèdent à chaque fois une ou plusieurs caractéristiques qui les rendent vraiment uniques. Évidemment, puisqu’il s’agit d’aborder leurs actions et leurs parcours, parfois en profondeur, les portraits contiennent très souvent des spoils majeurs. Vous voilà prévenus !
I raised you. I loved you. I’ve given you weapons, taught you techniques, endowed you with knowledge. There is nothing more for me to give you. All that’s left for you to take is my life, by your own hand. One must die and one must live. No victory, no defeat. The survivor will carry on the fight. It is our destiny… The one who survives will inherit the title of Boss and the one who inherits the title of Boss will face an existence of endless battle.
Un champ de fleurs blanches balayé par le vent comme scène de théâtre. Deux acteurs, Naked Snake d’un côté, The Boss de l’autre. La sempiternelle bataille de l’élève contre le maître. Plus rien d’autre n’existe alors que cet ultime acte débute. Une dimension épique à la hauteur de l’importance que revêt leur rencontre. Si Snake est empli de doutes et de colère, The Boss, elle, reste calme. La guerrière de légende offre même à celui qu’elle a formé jadis une ultime leçon sur le pouvoir et le rôle d’un soldat. Mais si elle sait d’avance quelle sera l’issue du combat, elle est loin de pouvoir mesurer les conséquences que leur affrontement final va avoir sur les événements de la saga Metal Gear Solid.
Pourtant, en regardant de plus près le parcours et les idéaux qui animent The Boss, il ne pouvait en être autrement. Héroïque combattante durant la Seconde Guerre mondiale, dédiée plus que nul autre à l’accomplissement de ses missions, The Boss n’a aucun équivalent. C’est donc tout naturellement qu’en 1964 au plus fort de la Guerre froide, elle fut celle désignée pour s’infiltrer en URSS auprès d’un certain Volgin, terrifiant colonel soviétique. Dans le même temps, le jeune Jack, avec pour nom de code Naked Snake, est aussi envoyé sur place afin de récupérer un scientifique du nom de Sokolov.
Il va avoir la surprise de recevoir plusieurs fois l’aide de celle qui fut son mentor. La mission est un succès et alors que Snake est près de faire évacuer Sokolov, il croise la route de The Boss. En possession d’armes nucléaires, l’inflexible soldate lui annonce froidement être passée dans le camp ennemi. Cette trahison évidente amène à un court échange de coups, qu’elle remporte aisément. Elle projette Snake par-dessus le pont sur lequel ils s’affrontaient et de cette façon, sans qu’il le sache, lui sauve la vie.
Blessé dans son orgueil autant que physiquement, Snake regagne difficilement le rivage. Il assiste alors au tir d’une des mini-ogives nucléaires que The Boss avait en main quelques minutes auparavant. Un acte de guerre avec une arme américaine sur le sol soviétique, d’autant plus problématique que le transport qui viendra récupérer Naked Snake est lui aussi reconnu. Deux faits capables de justifier le déclenchement d’un affrontement ouvert entre les deux blocs. Après une conversation téléphonique fictive entre Nikita Khroutchev et Lyndon Johnson, l’idée devient claire : Snake va devoir accomplir une nouvelle mission. L’opération Snake Eater débute.
Snake se voit confier plusieurs objectifs. Neutraliser le colonel Volgin en charge de l’opération, récupérer pour de bon le savant Sokolov, neutraliser la nouvelle arme qu’il a conçu, le Shagohod, et enfin, assassiner The Boss et son unité. Or c’est ce dernier point qui nous intéresse ici. Nous voyons principalement les événements de Metal Gear Solid 3 au travers des yeux de Snake. Or ce dernier, comme nous, ne sait pas encore que toute sa mission n’est en fait que l’étape d’une autre, bien plus importante. Quand The Boss l’affronte et lui somme de partir alors qu’il vient d’arriver, ou plus tard quand elle lui permet de s’échapper de la torture, on a seulement l’impression qu’il s’agit de brefs moments de compassion. Mais si elle a suivi sa progression et qu’elle a choisi de ne pas directement le stopper, c’est pour être certaine que leur rencontre finale puisse avoir lieu. Ce qui arrive à la fin du jeu.
Les deux se font face. Si pour certains cela pourrait n’être qu’un affrontement comme un autre, au regard de la saga Metal Gear Solid, c’est pourtant à cet instant que tout bascule. The Boss sait qu’elle va mourir. Qu’elle doit mourir. Snake lui, a du mal à se résoudre à affronter celle qui a été pour lui une figure maternelle pendant tant d’années. Le combat est âpre, les échanges de coups sont directs mais souvent retenus et quand, finalement, The Boss s’effondre, tout se met en marche. Elle lui livre son ultime testament, une leçon finale pour Snake, avant de lui donner un dernier ordre, le pire de tous : la tuer.
Mais The Boss ne met pas seulement Snake face à ses responsabilités. Le joueur ou la joueuse est poussé(e) à être responsable de la décision finale. Et nous voilà, nous, projetés dans cette arène improvisée. Un rôle inattendu mais inévitable. Alors on presse la gâchette de la manette comme on pourrait presser celle de l’arme. Ça y est. The Boss, la traîtresse, est morte. Ses derniers mots résonnent encore quand la mission s’achève et que l’on comprend dans les derniers instants du jeu, le poids de notre meurtre.
Le sacrifice de The Boss est évidemment symbolique par son contexte mais aussi parce qu’il est le dernier d’une longue série. Toute son existence a été tournée vers l’accomplissement de ses missions et le dévouement à sa patrie et pour cela, elle a tout donné : elle a participé directement à la Seconde Guerre mondiale, elle a été dans l’espace au péril de sa vie et, sans la moindre reconnaissance, elle a tué son grand amour pour protéger leur enfant, avant d’être forcée à abandonner ce dernier, et enfin, elle a supporté le rôle le plus éloigné de ce qu’elle est, une traîtresse.
En acceptant jusqu’au bout son sort, de se sacrifier pour remplir sa mission, The Boss sauve la planète d’un affrontement nucléaire. Mais ce sont ces mêmes idéaux qui la condamnent à être conspuée et honnie à jamais. Une oubliée de l’Histoire dont la mort va profondément affecter ceux qui s’estiment être ses héritiers autant que ceux qui ont été désignés comme tels. Que ce soit Gene et son leadership dictatorial, Zero et son monde uni derrière le groupe des Patriotes, et surtout Naked Snake, puisque c’est ce qui l’amènera à devenir le leader qu’on appelle Big Boss.
Le protagoniste de Metal Gear Solid 3 portera en effet jusqu’au bout le lourd fardeau de la mort de sa mentor et c’est ce même poids qui le fera basculer. Il va créer son organisation Militaires Sans Frontières, avant de fonder sa propre base d’opérations, la MotherBase, puis sa propre nation, avec le destin qu’on leur connaît. Or, il s’agit là des faits essentiels qui cimentent les jeux Metal Gear et Metal Gear Solid.
C’est sûrement ce qui représente le mieux l’incroyable particularité de The Boss comme antagoniste. Sa mort est le catalyseur de tout ce qui va arriver par la suite dans l’ensemble de la saga. Un moment crucial, dont Hideo Kojima ne nous a pas fait uniquement le témoin, mais aussi l’acteur. Nous avons tué The Boss, nous avons acté son ultime sacrifice et ainsi, nous avons mis en marche chaque événement, passé et à venir, de la saga Metal Gear.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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