Antagonistes est une série de portraits non exhaustifs de figures du jeu vidéo qui viennent s’opposer au protagoniste que l’on incarne. Mais plus que de simples vilains, ces « méchant(e)s » retenu(e)s possèdent à chaque fois une ou plusieurs caractéristiques qui les rendent vraiment uniques. Évidemment, puisqu’il s’agit d’aborder leurs actions et leurs parcours, parfois en profondeur, les portraits contiennent très souvent des spoils majeurs. Vous voilà prévenus !
Heh. Confronting you like this… it's different now. Still… it is a responsibility, just as before. There is to be no escape from my realm. Ultimately, I must see to that, myself.
Hadès est littéralement l’antagoniste du jeu qui porte son nom, alors, on se dit directement qu'on va avoir le droit à un profil plutôt classique. Sauf qu'on se rend peu à peu compte qu'il possède, par son rôle dans la mécanique roguelite du jeu et dans le lore, de quoi s’extraire de schémas trop habituels. Pour expliciter tout ça, il faut forcément parler du protagoniste que l’on incarne, à savoir Zagreus, son fils.
Un fils hors du canon mythologique réel qui permet certaines libertés scénaristiques. Ainsi, ces deux-là ont une entente pour le moins compliquée. Hadès, Roi des Enfers, reproche à son fils son manque d’implication et de sérieux, bien loin de la posture que devrait avoir un Prince. Zagreus apparaît vite comme un esprit libre, un peu rebelle, bien loin du rigorisme de son géniteur. Forcément, ces caractères radicalement opposés amènent à des tensions régulières entre eux, ce qui se retrouve de manière très directe dans l’histoire avec des échanges tendus, des remarques acerbes et une défiance palpable.
La meilleure illustration de cette dualité, on la retrouve évidemment lors des affrontements entre Hadès et Zagreus à chaque fin de run (à condition que l’on atteigne ce moment). Leurs personnalités respectives transparaissent ainsi dans les manières de combattre. Même si on écarte les Bienfaits qu’il a reçus par les Dieux de l’Olympe lors de la remontée des Enfers, le Fils est agile et rapide, privilégiant des mouvements fluides et des attaques plutôt soudaines, là où le Père est tout en puissance et en maîtrise. Son arme fétiche, la lance, est capable d'asséner des coups terribles alors même qu'on ne s'y attend pas. Et la seconde phase du combat prouve une fois de plus qu'il est un adversaire dont on ne se débarrasse pas facilement.
Toutefois, ce dernier se fait vite surprendre et finira par admettre sa défaite. Sauf que le jeu ne s’arrête pas là. Roguelite oblige, le parcours sera réitéré et, jusqu’au 5ᵉ combat victorieux de Zagreus, Hadès tente tant bien que mal de le repousser, de le bloquer, bref, de le ramener à la place qu’il estime être la sienne : celle d’un héritier obéissant. Au fur et à mesure des défaites, et qu'il sent que Zagreus prend le dessus, il est forcé de reconnaitre que son fils possède un potentiel, rendant les échanges avant, pendant et après leurs duels, beaucoup plus nuancés. Les retours dans le Hall des enfers, zone de départ du jeu, après chaque run gagnée comme perdue, sont plus qu’évocateurs sur les modifications dans leur relation. Zagreus en apprend davantage sur sa famille et son propre père en vient, peu à peu, à partager des bribes d’informations.
C’est aussi la raison pour laquelle ces combats revêtent plus qu’un symbolisme de forme : il s’agit d’un moyen de faire avancer l’histoire du jeu et par conséquent celle de ces deux personnages, par des petites phrases, des morceaux de dialogues et quelques échanges tantôt succincts tantôt plus développés. À force d’affrontement, Zagreus progresse, mais surtout, Hadès apprend à mieux comprendre son fils. Leur relation, si tumultueuse au départ, évolue grâce à des joutes qui leur permettent d’exprimer ce que le mutisme fier de l’un et le dédain révolté de l’autre, ne pouvaient accomplir.
En parallèle de cela, les révélations obtenues par Zagreus quant à l'identité de sa véritable mère l’amènent à découvrir sa propre histoire : Nyx n’est que sa mère adoptive, sa génitrice n'étant nulle autre que la fille de Déméter, Perséphone. Elle et Hadès vivaient un mariage heureux, mais une prophétie des Moires pendant la grossesse de la Reine des Enfers va altérer leur bonheur : Hadès ne peut pas avoir d’héritier. Zagreus né et meurt aussitôt, brisant le cœur de Perséphone qui se décide à partir en exil en Grèce (pas non plus très loin de la sortie des Enfers, il ne faut pas déconner). Sauf que ce que cette dernière ne sait pas, c’est que Nyx, dans l’idée d’un plan sur le long terme impliquant l'ensemble des Dieux et le Chaos en personne, a choisi de ressusciter l’enfant. Hadès, constatant que ce dernier est encore en vie, se retrouve à devoir tout faire pour protéger son fils du destin funeste prévu par la prophétie. Le caractère autoritaire d’Hadès prend soudain tout son sens à l’aune de ces nouvelles informations.
Si Hadès n’est pas à couronner père de l’année, il n’est pas le monstre colérique que l’on s’imaginait. Certes, il incarne la froideur d’un père distant, mais c’est par volonté de protéger son fils qu’il choisit de lui cacher la vérité sur l'identité de sa mère. Hadès lutte avec des sentiments qu’il n’a pas l’opportunité d'analyser en profondeur, car obligé de gérer au quotidien un vaste royaume nécessaire à l’équilibre du Monde. Une tâche lourde, rendue plus difficile encore par la douleur d'une histoire passée brisée et d’une relation familiale actuelle, avec ses frères et sœurs et surtout avec son fils, mouvementée. En se murant dans le travail et ses responsabilités, il n'a laissé paraître qu'aigreur et autoritarisme.
Pourtant, comme un symbole, c’est lorsqu’il commencera à briser ses barrières émotionnelles, qu’il s’ouvrira peu à peu à son fils et lui accordera la reconnaissance qu’il cherche tant, qu’il aura la chance d’assister au retour de celle qu’il pensait avoir perdue à jamais, la mère de Zagreus : la fameuse Perséphone. C’est à partir de ce moment que la relation entre Zagreus et Hadès prendra définitivement la voie de l’apaisement, de quoi offrir au dieu des Enfers un nouveau visage et par là même, un bonheur qu’il avait depuis longtemps mis de côté.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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