Antagonistes est une série de portraits non exhaustifs de figures du jeu vidéo qui viennent s’opposer au protagoniste que l’on incarne. Mais plus que de simples vilains, ces « méchant(e)s » retenu(e)s possèdent à chaque fois une ou plusieurs caractéristiques qui les rendent vraiment uniques. Évidemment, puisqu’il s’agit d’aborder leurs actions et leurs parcours, parfois en profondeur, les portraits contiennent très souvent des spoils majeurs. Vous voilà prévenus !
I will not allow the world to be a playground for abstract national interest and petty political gambits. I will use superior force of arms to achieve superior force of will. Thus I will make the world whole again. For I am the Successor, and this is my calling.
Béret vissé sur la tête et long manteau qui flotte au vent, Gene constate, à la fois pensif et agacé, l’avancée inexorable de Snake et des troupes qui l’accompagnent. L’ancien élève de The Boss a en effet réussi à s’extirper de sa prison avant de rallier auprès de lui un grand nombre de soldats afin de stopper les agissements de Gene. Celui anciennement connu sous le nom de Viper voit son rôle de leader de la péninsule de San Hieronymo, en Colombie, menacé, alors même qu’il a mis en place un plan ingénieux, censé bouleverser l’équilibre géopolitique mondial à tout jamais. Mais, s’il n’a pas encore trop de doutes quant à la réalisation de son projet, il reste par contre loin d’imaginer l’importance capitale que sa rencontre avec Snake va avoir sur la personnalité et le destin de ce dernier.
Si Gene n’a pas eu la reconnaissance qu’il mérite, c’est surtout parce qu’il est l’antagoniste final d’un jeu sous-coté, au statut de spin-off, Metal Gear Sold Portable OPS, sorti sur une console mal-aimée, la PlayStation Portable (PSP). Quoi de plus symbolique pour traiter de cette étape fondamentale dans l’évolution du personnage de Snake vers celui de Big Boss qu’un tel contexte ? Cependant, au-delà de ces raisons matérielles, il y en a deux autres qui expliquent pourquoi Gene reste si peu connu. La première est son passé, plutôt flou et discret jusqu’aux évènements de Metal Gear Solid Portable OPS.
On sait qu’il est un soldat aguerri qui rejoint l’unité FOX quelque temps après les évènements de Metal Gear Solid 3 et l’Opération Snake Eater, et reçoit rapidement comme nom de code VIPER. Il est affecté à diverses missions, notamment une où il sauve le scientifique Nikolai Sokolov (oui, il passe son temps à se faire kidnapper).
En 1966, il est envoyé en Allemagne de l’Est pour une nouvelle mission de sauvetage au service de CIA. Il infiltre un laboratoire où sont internés des êtres aux pouvoirs psychiques surprenants afin d’en ramener certains aux USA. Il tombe sur une jeune fille, Elisa, possédant des capacités télépathiques, télékinétiques et même de précognition. Pour elle, le séjour dans le laboratoire n’a pas eu pour seul effet d’augmenter sa puissance, cela a aussi fait naitre une seconde personnalité, froide, calculatrice et ambitieuse, Ursula. Gene ne manquera pas de s’en souvenir.
Dans le même temps, la CIA réfléchit à un plan pour remplacer la soldate de légende, The Boss. Celle-ci ayant été poussée dans les méandres de l’Histoire après sa trahison apparente et sa mort par la main de son meilleur élève désormais loin de tout cela, il faut une nouvelle figure de proue pour les États-Unis. Un combattant ou une combattante à l’efficacité redoutable sur le terrain tout en étant capable de commander avec aisance.
Grâce à ses faits d’armes, Gene, ou plutôt l’agent Viper comme il est encore appelé, est tout désigné. Le voilà donc qui intègre le "Successor Project". Une cellule secrète dédiée à un seul et unique but : créer l’héritier de The Boss. À force d'entraînements et de manipulations génétiques, Gene en ressort tout-puissant. Son aura charismatique de leader est désormais appuyée par la capacité pour sa voix d'insuffler à l’envi courage, fanatisme ou terreur. Ses réflexes de soldat ont été décuplés et lui permettent d’esquiver les coups et les balles tout en le faisant se déplacer durant de courts instants à une vitesse sans équivalence.
Des talents hors norme qui lui sont accordés parce qu’en parallèle est lancé le "Perfect Soldier Project", autre projet top secret visant cette fois à modeler des enfants pour en faire ni plus ni moins que des machines à tuer sous les ordres de Gene. Ce programme fut finalement un échec, car seul un unique enfant survécut. Il s’agit d’un jeune garçon, Null, de son vrai nom Franck Jaeger, qui deviendra par la suite le fameux cyborg ninja, Gray Fox. Gene traite mal cet enfant qu’il ne voit que comme une arme, mais a saisi tout son potentiel et l’étendue de ses compétences et saura, comme pour Elisa/Ursula, s’en servir plus tard. On voit bien ici un trait de caractère fondamental de Gene : la volonté de se servir des autres comme de simples outils.
L’autre raison qui explique que beaucoup ont tendance à oublier ce personnage, c’est sa similitude avec Big Boss. Or, c’est justement pour ça que cet antagoniste est essentiel. Après que Gene a pris la tête de l’unité spéciale FOX laissée sans chef depuis le départ de Snake, un plan va germer dans sa tête. Il sait que les États-Unis ont menti et se sont servis de lui, et le voilà avec les moyens de se venger et peut-être même d’influer sur la marche du monde telle que, selon lui, The Boss l’aurait souhaité. Il a appris ce qui était vraiment arrivé à celle-ci et il semble que son protégé, Snake, a disparu ou du moins n’est pas en mesure d’endosser le rôle auquel il aurait pu prétendre. Il estime donc avoir le champ libre pour atteindre son nouvel objectif : utiliser les membres de FOX sous ses ordres pour infiltrer la base soviétique de San Hieronymo et en prendre le contrôle.
Tout semble se dérouler comme prévu jusqu’à ce que Snake, emprisonné au départ, s’échappe, libère de nombreux soldats de l’influence de Gene, et devienne, malgré lui, leader de cette armée improvisée. Après de nombreuses péripéties et missions, arrive l’immanquable face à face. Sauf que, contrairement à l’affrontement dans Metal Gear Solid 3 contre The Boss, ce duel est peu important en lui-même : Gene est vaincu avant d’avoir pu obtenir ce qu’il voulait. Un combat qui est d’ailleurs décevant dans sa mise en scène : une petite salle et une fin abrupte, loin de refléter ce qui se joue en réalité sous nos yeux. Certes, on peut y voir certaines des capacités de combats que Snake se réappropriera, à savoir des coups rapides, des esquives instinctives et une grande lucidité dans l’utilisation du terrain et des outils à sa disposition. Mais l’essentiel se devine plutôt dès le début du combat, quand Gene lance à Snake : "What is it going to be, loyalty to your country, or loyalty to yourself ?" (Que vas-tu choisir ? Être loyal envers ton pays, ou être loyal envers toi-même ?)
Une répétition quasi identique de ce que The Boss lance à Snake avant leur combat dans Metal Gear Solid 3. De cette manière, Gene se présente en tant qu’héritier de The Boss, voire une version améliorée de celle-ci. Par son attitude, il est surtout plus dangereux. Les soldats qu’il a mis sous son contrôle le sont en grande partie par la peur et il est convaincu que la mort de The Boss démontre que l’idéal d’un combattant se trouve dans le sacrifice au service d’une plus haute cause, d’un but commun à atteindre. Le "Successor Project" est pour lui la preuve ultime de cela : il s'estime conçu pour diriger et mener ce qu'il considère être des masses moins compétentes.
Malgré tout, Gene conserve un certain respect pour Snake et c'est pour cela qu'il lui révèlera les manipulations qui ont mené à la mort de The Boss, même s'il n'est toujours pas totalement prêt à l'entendre. C'est pour cette raison aussi que lorsqu'il meurt, Gene transmet à Snake les fonds accumulés qui devaient servir de financements à sa fameuse nation et paradis pour soldats, l’Army’s Heaven. Au moment de fonder Militaires Sans Frontière et de concevoir sa propre base des années plus tard, Big Boss s’éloignera de l’aspect dictatorial et méprisant de Gene, mais en gardera les grandes aspirations jusqu'à un nom très proche : Outer Heaven.
Au final, Gene est bien le véritable successeur de The Boss, mais pas grâce au projet de la CIA visant à faire de lui le leader ultime. Il l'est en insufflant à Snake un style et des idéaux qui finiront par le caractériser une fois devenu Big Boss : une aura charismatique, une maitrise avancée du combat et de la tactique, et surtout la vision d’un État dédié aux soldats, indépendant des deux blocs et du reste du monde.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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