Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift a chanté, dansé et improvisé dans Once Upon a Jester, mais a surtout trouvé son pire jeu de l'année face à Gungrave G.O.R.E.
Once Upon a Jester
Bonte Avond, le studio derrière Once Upon a Jester, a été fondé par et est composé de quatre musiciens. Retenez bien cette information, c'est probablement la plus importante de cette chronique, pour le meilleur comme pour le pire de ce qu'il y aura à dire sur le titre. Pour la faire courte : Once Upon a Jester n'est pas un très bon jeu vidéo, mais jouer à Once Upon a Jester m'a fait passer un excellent moment. Peut-être même un de mes préférés de l'année.
On tourne en rond, merde, on tourne en rond, merde
Jester est un fou du roi, son ami Sok est une marionnette chaussette humanoïde, et Jester et Sok sont un duo de malfrats, dont le nouveau plan est de se faire passer pour une troupe de théâtre d'improvisation, ce qui leur permettrait de s'introduire dans le palais royal et d'y dérober l'énorme diamant qui s'y trouve. Seulement, voilà, pour s'en approcher, il va falloir gagner un concours de talents organisé par la princesse et remporter un maximum de bouquets de fleurs au fil des représentations et des villes traversées. Un voyage qui fera progressivement découvrir à nos deux héros la force de l'amitié et l'amour de l'art, au point de leur faire douter de leur but initial.
Cette base de scénario dégoulinante de guimauve sert à première vue de prétexte à la structure de Once Upon a Jester. Avant chaque représentation, il s'agira de se promener en ville pour prendre la température du public, afin de déterminer si l'humeur ambiante est plus demandeuse d'action, de drame, d'épouvante, de romance, etc. Il s'agira ensuite de bricoler une affiche, de choisir la base de son scénario et d'improviser sur scène. Il s'agit malheureusement de la partie la plus faible du titre. Les séquences de théâtre sont surtout composées de QTE pas bien passionnantes et de choix plutôt limités, et si les scénarios peuvent être rigolos à découvrir au début ou peuvent surprendre une fois en passant, il y en a trop peu en stock. On finit très, très vite par tourner en rond et espérer passer le plus vite possible ces passages.
La prochaine fois je vous le chanterai
Mais. Mais ce n'est pas important, car l'intérêt de Once Upon a Jester ne repose absolument pas dans son gameplay, qui fait finalement presque office de décor, voire de remplissage dans certains cas. Le titre de Bonte Avond est surtout une comédie musicale. Une très bonne comédie musicale. Si quelques chansons peuvent parfois égayer une représentation de notre petite troupe, c'est en dehors de la scène que se trouve la majorité, pour mon plus grand plaisir. Il sera recommandé d'aller parler au maximum de personnes, dans toutes les villes traversées - pas un grand effort, les tableaux sont très petits, et parcourir le jeu ne prendra pas plus de 3h - afin de ne rater aucune miette des intrigues secondaires, et des chansons qu'elles apportent avec elles.
Ici, un wendigo en couverture vous chantera une mise en garde sur la forêt ; plus loin, le maire prendra la guitare pour conter la tragique histoire de son triangle amoureux avec le maire du village voisin ; le marchand vous expliquera son erreur de vocation ; les petits lutins vendeurs de glaces iront hijacker la scène pour faire du karaoké, etc. Tout est prétexte à pousser la chansonnette, parfois pour moins de 10 secondes, parfois pour de vrais morceaux de plusieurs minutes, et c'est toujours très bien et surtout extrêmement entraînant, nous ramenant aux meilleurs moments du Cartoon Network récent, Adventure Time et Steven Universe en tête.
Des chansons particulièrement catchy, couplées à une mise en scène comportant quelques belles fulgurances, un scénario finalement pas si bête que ça et à des dialogues tantôt hilarants et absurdes, tantôt assez touchants, mais toujours finement écrits et interprétés. On saluera en effet le doublage, franchement convaincant, et tout particulièrement dans les séquences de théâtre d'impro, où l'on devine parfaitement que tout est fait en une prise, pour capter les hésitations et les langues qui fourchent, et donner une patte authentique et sincère au rendu. Et c'est bien ça qui m'aura touché dans Once Upon a Jester : cette sensation constante de sincérité et de spontanéité qui traverse l'aventure, que ce soit dans son écriture, sa musique et son doublage.
Once Upon a Jester a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur Nintendo Switch.
Once Upon a Jester n'est pas un très bon objet vidéoludique, il faut l'admettre et en être conscient·e avant de se lancer dedans. C'est en revanche une excellente comédie musicale, avec une galerie de personnages aussi drôles que touchants, un scénario parfois surprenant, des dialogues assez finement écrits, mais surtout très bien interprétés et un album que je ne me lasse pas d'écouter. Et un de mes dimanches matin préférés de 2022.
Gungrave G.O.R.E
Troisième opus de la licence - quatrième, si on compte Gungrave VR, court épisode préquel de celui qui nous intéresse aujourd'hui -, Gungrave G.O.R.E (pour "Gunslinger Of REsurrection", vous avez le droit de soupirer, moi, je ne me prive pas) reprend l'exacte même recette que ses prédécesseurs : des gros flingues, des personnages outrageusement badass, des hordes d'ennemis et encore des gros flingues. Ça aurait pu être le shooter générique, mais défoulant, de cette fin d'année - c'est du moins ce que j'en attendais -, il n'en est rien. Gungrave G.O.R.E (j'en ai déjà marre) est une honte en tous points.
C'était pas mauvais, c'était très mauvais
Pour commencer, Gungrave G.O.R.E est une mauvaise idée de base. Les épisodes précédents, Gungrave et Gungrave: Overdose étaient à vrai dire assez médiocres, même selon les standards de 2002 et 2004. Pas honteux, ni même mauvais, mais assez oubliables, dans leur proposition à la rencontre de Max Payne et du cinéma de John Woo, où l'on incarnerait un camion-benne émo armé de gros flingues et d'un cercueil. On ne sait trop si c'est une nostalgie un peu biaisée de la part de son public alors adolescent et jeune adulte qui confère cette aura à la licence, ou l'autrement meilleure série animée produite par le légendaire studio Madhouse (Perfect Blue, Death Note, Hunter x Hunter, Paranoia Agent, Parasite, etc.), mais toujours est-il que ce n'était pas fou, et désormais assez sur-côté, si on demande mon avis.
Ceci étant, même avec un matériau d'origine aussi moyen, il était largement possible de sortir un shooter débile, mais divertissant, un AA à 30/40 € que l'on traverserait en une petite dizaine d'heures après avoir massacré des mafieux et mutants par centaines de milliers. C'est un peu ce que vendaient les différents trailers, diffusés çà et là dans les dernières conférences de l'E3, c'est ce que j'espérais trouver, et ce n'est pas du tout ce qu'on obtient.
Car le résultat n'est même pas mauvais selon les standards de Gungrave (il est largement pire que les épisodes de 2002 et 2004) ou du genre du TPS. Le résultat est terriblement mauvais, tout court. La liste qui vient pourra ressembler à de l'acharnement, mais je vous assure que je m'y étais lancé avec les meilleures intentions du monde et sans attentes particulières autres que passer un moment un peu sympa et concon. Mais Gungrave G.O.R.E est moche, incroyablement moche - en mettant tous les paramètres graphiques en ultra, il se hisse péniblement au niveau visuel d'un jeu PS3 - ; Gungrave G.O.R.E est archaïque jusqu'à la moelle, reprenant sans recul, ni retouches ou coup de polish l'interface et les mécaniques de ses aïeux PS2 ; Gungrave G.O.R.E n'a aucune patate, aucun feeling satisfaisant, aucune sensation de puissance dans les combats, à distance comme au corps à corps ; Gungrave G.O.R.E est cassé de partout, dans son optimisation, son level design, son équilibrage, son esthétique.
Le résultat est à la fois fascinant, tant l'accident est spectaculaire, et déprimant, en cela qu'une équipe a buché sur ce truc des mois ou des années entières, pour que son éditeur emballe le tout bien avant que ça ne ressemble à un produit fini et vende le bousin à 50 balles sur toutes les plateformes. Je ne me risquerai pas au procès d'intention, sur qui du studio ou de l'éditeur a failli, mais une chose est certaine : Gungrave G.O.R.E n'aurait jamais dû être shippé dans cet état. Pas que les aventures de Gentil McBadass tuant des légions de méchants à Méchantville aient eu la moindre chance d'être le GOTY 2022, mais on est ici trop loin du minimum syndical de ce qu'on est en droit d'attendre d'un gros AA vendu et marketé comme tel. Et vu les autres titres distribués cette année par Prime Matter, on peut s'inquiéter sur, au choix, la sélection des projets par le label de Plaion (anciennement Koch Media) ou leur manière d'accompagner leurs studios partenaires. Rien qui n'excuse un tel naufrage, j'en ai peur.
Gungrave G.O.R.E a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur PlayStation 4 et 5, et sur Xbox One et Xbox Series.
Je vais être franc : je ne suis pas allé jusqu'au bout de Gungrave G.O.R.E. Ça n'arrive vraiment pas souvent dans le cadre de The Pixel Post, mais dans le cas présent, ce n'est pas un manque de déontologie ou de persévérance, mais purement du self care. Au bout d'une grosse quinzaine de niveaux, le titre d'Iggymob n'a pas bougé d'un iota en termes de qualité ou de gameplay, se montrant terriblement ennuyeux dans ses meilleurs moments et souvent à la limite de l'injouable. C'est à ne recommander à personne, et c'est bien triste.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
follow me :