Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift s'est penché sur le joli, mais très imparfait Dordogne, avant de perdre toute sa tranquillité sur le puzzle game Dr Fetus' Mean Meat Machine.
Dordogne
S’il y avait un jeu français sur tous les radars de la presse spécialisée ces dernières années, c’est bien Dordogne, dont le développement, les reports, le passage chez Focus Entertainment ont été suivis avec attention, et toujours avec l’espoir d’apercevoir une petite aquarelle de plus que la fois précédente. Car c’est évidemment cet aspect qui a fait sauter tout le monde – nous y compris – dans le train de la hype : cette sublime direction artistique, représentant avec soin et poésie les paysages de Sarlat et de la Dordogne. Et, si le résultat est visuellement à la hauteur de nos attentes (malgré quelques modèles 3D qui détonnent parfois avec les aquarelles), le verdict global est malheureusement bien plus mitigé.
Les jolis coloris de vacances
Le titre commence pourtant bien, en s’appuyant sur ses principales forces : sa merveilleuse esthétique, bien sûr, mais surtout des dialogues et une interprétation qui tapent très juste, distillant tout au long du jeu une atmosphère aigre-douce tout à fait maîtrisée. On suit ainsi le personnage de Mimi, trentenaire citadine, de retour dans la maison de sa grand-mère Nora, en Dordogne, peu après son décès. L’exploration de la maison est prétexte à un jeu de flashbacks de l’été de ses treize ans, le dernier avant que son père et sa grand-mère ne se brouillent à jamais.
C’est dans ce récit de grandes vacances à la campagne que Dordogne s’en sort le mieux, que ce soit dans les échanges et le développement de la relation entre Nora et Mimi, la gestion du deuil de la grand-mère dont le mari est tout récemment décédé, mais surtout dans les lettres et cassettes audio à récolter. Ces audiologs à la sauce années 80 sont parmi les plus jolis moments du titre, présentant la relation extrêmement touchante et mignonne de deux jeunes retraité·e·s profitant de leur tout nouveau temps libre pour s’adonner à leurs hobbies. Dordogne aurait totalement pu s’arrêter là et se contenter d’être un très joli visual novel sur la vieillesse, le deuil, l’enfance, la famille et la transmission de la culture, des objets et des souvenirs – appuyé par un gameplay pas bien intéressant, mais fonctionnel et peu envahissant.
Mais, à mesure que les flashbacks s’enchaînent, un troisième personnage, Renaud, fait son apparition, faisant basculer le rythme et le propos du titre vers quelque chose de beaucoup moins maîtrisé. Car Renaud est « le petit voleur du village », sa famille semble le négliger, il y a même suspicion de mauvais traitements, et beaucoup de lettres vont tourner autour de la question des familles très religieuses, de l’éducation privée, et d’enseignants qui peuvent se retrouver en porte-à-faux entre des enfants en difficulté, leur famille et les institutions. Ces sujets sont aussi intéressants que sensibles et finalement peu traités dans le jeu vidéo. Le problème est que Dordogne dure à peine trois heures, que le tout est survolé si rapidement qu’il est même possible de passer à côté de certains sujets si l’on rate une ou deux lettres optionnelles et que ce nouvel arc met sous le tapis la plupart des thématiques amorcées dans la première partie du jeu.
Erratum : Il m'a été indiqué que Renaud n'est en fait pas racisé, il s'agit d'une confusion de ma part. Le dernier paragraphe critiquait sa représentation et n'est donc plus complètement pertinent dans le cas de Dordogne, il a donc été retiré.
Dordogne a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur PS4, PS5, Xbox One et Series et Nintendo Switch.
Le titre de Un je ne sais quoi et Umanimation est la réussite visuelle et esthétique promise par ses trois ans de teasing. Mais s’il excelle dans le récit doux-amer de tranches de vies campagnardes des années 80 et dans la représentation à l’aquarelle des paysages périgourdins, il s’empêtre dans beaucoup trop de thématiques et péripéties pour les trois petites heures qu’il dure, au point de téléphoner son dernier acte et survoler les sujets, pourtant intéressants, qui lui sont liés. Dordogne aurait certainement mérité de se concentrer sur moins de questions pour mieux les traiter, quitte à conserver les autres pour un futur jeu.
Dr Fetus' Mean Meat Machine
On en a mangé sous toutes les formes, très récemment encore avec le sympathique Shovel Knight: Pocket Dungeon : quand on ne sait pas quoi faire d’une licence ou d’un personnage, on le colle dans un puzzle game à la match-4/Puyo Puyo en exploitant ses spécificités pour le petit twist de gameplay, et roule ma poule. Dr Fetus’ Mean Meat Machine – en référence à la Mean Bean Machine du Dr Robotnik de Sonic, déjà un puzzle game aux mécaniques similaires dans les années 90 – s'appuie cette fois-ci sur la licence Super Meat Boy, abandonnée par McMillen à la Team Meat et son clivant Super Meat Boy Forever.
Tetris ? Arrête
Le titre étant confié à Headup Development, on ne va pas se mentir : je m’y suis lancé en flairant bon le jeu de commande sympathique, mais complètement oubliable et un peu paresseux. C’est un petit peu plus compliqué que ça, mais une chose est certaine, j’aurais préféré du paresseux et oubliable. Car Dr Fetus’ Mean Meat Machine est de ces jeux intéressants ruinés par une seule mauvaise idée. Mais c’est une très, très mauvaise idée.
Comme dans tous les jeux du genre, le gameplay consiste à empiler des blocs qui tombent depuis le haut de l’écran, afin que les couleurs se combinent pour les faire disparaître, et former des combos si plusieurs couleurs se combinent en même temps. Le problème, c’est que c’est aussi un jeu Meat Boy. Et qu’est-ce qu’il y a dans Super Meat Boy ? Des scies circulaires ! Des pièges mortels ! Des lasers ! Des monstres ! Des boules de feu ! La mort à chaque seconde, chaque recoin, chaque inattention ! Et comment tout ceci s’arrange avec un Puyo Puyo-like ? Super mal !
Le plus triste, dans tout ça, c’est que ça aurait pu très correctement se passer. Le level design est inventif, les pièges sont variés et intelligemment repris de l’univers Super Meat Boy, la maniabilité est réactive, la direction artistique est soignée - mention spéciale pour les petites créatures qui constituent les blocs et qui évoluent au fil de la partie - : tout est fait pour qu’on y passe 7/8 heures amusantes. Sauf que toucher un piège nous fait reprendre au dernier checkpoint – voire depuis le début du niveau, si vous vous détestez. On peut ainsi se concentrer pour esquiver les scies, lasers, etc., pendant un bout de temps, construire sa pile, agencer ses blocs pour espérer faire un joli combo, et absolument tout perdre pour un coup de scie malheureux.
L’aspect est terriblement punitif, je ne comprends définitivement pas pourquoi percuter un obstacle ne détruit pas seulement le bloc en cours, au lieu de déclencher un game over. La plupart des puzzles s’en retrouvent ainsi hautement désagréables et injustes : cette seule mécanique gâche l’intégralité du jeu. Car le stress de tout perdre et la nécessité de former plusieurs combinaisons d’affilée sans mourir pour passer au checkpoint suivant n’incitent pas à profiter et exploiter le level design du jeu, pourtant assez élaboré, mais au contraire à balancer ses blocs comme on le peut, le plus vite possible, et avec très peu d’occasions de former des chaînes et combo, rendant l’expérience extrêmement frustrante.
Dr Fetus’ Mean Meat Machine a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Je n’en attendais rien, mais je suis quand même incroyablement déçu. Sans être non plus un chef-d'œuvre de level design, Dr Fetus’ Mean Meat Machine avait toutes les cartes en main pour se poser comme l’agréable et inventif puzzle game à licence qu’il voulait être. Sa mécanique frustrante et injuste de game over torpille cependant l’expérience et anéantit toute forme de stratégie et d’amusement, ce qui m’empêche absolument de vous le recommander.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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