Remaster HD de Super Monkey Ball Deluxe (2005), lui-même compilation des premiers jeux de la série Super Monkey Ball, Super Monkey Ball Banana Mania illustre à merveille l’art du recyclage Made in Sega. À coups de ressorties, remasters, portages, consoles mini, l’éditeur entend depuis des années refourguer son patrimoine un peu partout et on l’en remercie… au prix d’un certain manque d’innovation, et on l’en remercie un peu moins. Cependant, il arrive qu’une compilation du genre tombe pile à point pour le bon client que je suis : c’est que moi, je n’avais jamais touché à un Super Monkey Ball de ma vie.
De l’Arcade à No Life
Il faut vous dire que moi et l’arcade, ça a toujours un peu fait deux. À l’exception de quelques expériences coop rigolotes à la Virtua Cop, je n’ai jamais été très attiré par les jeux du genre : scoring, rapidité, défi, ajouter une pièce d’un euro pour continuer à jouer, tout ça, c’est un peu en-dehors de ma zone de confort de gamer avachi devant des JRPG narratifs depuis 1995. Pas étonnant qu’à l’époque des premiers Super Monkey Ball développés par Amusement Vision il y a vingt ans, je sois totalement passé à côté du phénomène.
Mais entre le premier Monkey Ball en 2001 et ce Super Monkey Ball Banana Mania paru en ce bel automne 2021, il y a quand même eu une saga s’étendant sur une dizaine d’épisodes, et le petit phénomène franco-français que constitua pendant quelques années la chaîne de télévision Nolife. Arrivée trop tôt ou trop tard selon à qui vous posez la question, victime certaine de la baisse des recettes publicitaires et du déploiement progressif de services comme Twitch, les podcasts et les webTV consacrées aux mêmes sujets, Nolife aura tout de même livré quelques milliers d’heures de programmes plus ou moins passionnants, parmi lesquels Superplay et Superplay Ultimate.
Ces émissions, qui à vrai dire ne m’intéressaient alors pas beaucoup, étaient consacrées à des performances impressionnantes (speedrun, scoring, etc.) dans des jeux généralement issus de la culture arcade, et avaient consacré deux émissions au moins à la série Super Monkey Ball. J’avais alors été complètement scotché devant les performances du joueur, probablement une des pointures mondiales d’alors, dont le pseudonyme m’échappe à présent (c’était il y a 13 ans). Lors de ces émissions, j’avais alors découvert un jeu auquel je ne comprenais pas grand-chose : le joueur était si doué et connaissait tant le jeu qu’il allait beaucoup trop vite et utilisait des tricks absolument impossibles. Je m’étais tout de même alors dit que Super Monkey Ball, ça avait l’air amusant.
Super Monkey Ball Banana Mania est un musée avec un abonnement jeune public
Super Monkey Ball est une série vieille de vingt ans et dont le dernier épisode véritablement inédit remonte à près de dix ans. Comme tant d’autres franchises du catalogue des classiques de Sega, la série a progressivement quitté les bancs de la R&D pour subir une muséification à coup d’allusions farcies dans d’autres jeux, de portages hasardeux et de remasters peu convaincants. En recevant Super Monkey Ball Banana Mania, je craignais un peu de me retrouver face à quelque chose qui aurait flirté avec une arnaque : du vieux machin recyclé, vite fait fourré dans une compilation de niveaux juste bonne à faire patienter les fans les plus acharnés de la série en attendant un nouvel épisode qui ne viendra jamais.
Je m’étais partiellement (juste partiellement) trompé, je pense, sur les intentions opportunistes de l’usine de recyclage à licence de Sega : loin de simplement compiler quelques dizaines de niveaux à la résolution lissée à la va-vite, Super Monkey Ball Banana Mania fait l’effort louable de proposer, outre l’intégralité des niveaux des deux premiers jeux de la série, un ensemble de mini-jeux, une quarantaine de niveaux inédits, un mode défi et du contenu cosmétique à en faire vomir votre PlayStation. Pour peu qu’on aime la série, on se retrouve avec une immense galerie de tout ce que la saga Super Monkey Ball a proposé depuis 20 ans, avec une farandole un peu écœurante mais néanmoins généreuse de Sega-bidules partout. Quand au nerf de la guerre, il reste là : les mécaniques de gameplay de la série n’ont pas bougé d’un pouce.
Super Monkey Ball, c’est une mécanique simple : on oriente un plateau, et le petit singe qui roule dessus dans une boule en plastique doit arriver au bout du plateau sans tomber, si possible en ramassant des bonus au passage. Ici, elle est déclinée en d’infinies possibilités, chaque niveau vous rapporte des points, que vous pouvez dépenser pour remplacer le singe par Sonic, Tails ou Kiryu, bref, un cercle d’auto-fan service continu propre à ce fameux phénomène de muséification. Mais disons que sous cette croûte de cynisme, on dénote une intention parfaitement louable : rendre l’expérience accessible au plus grand nombre… pour peu qu’on arrive à fermer les yeux sur quelques petites aberrations.
Je suis pas maladroit, c’est le jeu qui triche
Revenons à moi et à ma connaissance lointaine des Super Monkey Ball, que je ne connais que par le prisme de vieilles vidéos d’un quasi champion du monde. J’avais assez peur de me retrouver perdu dans un océan de bouboules et de bananes sans bien savoir quoi faire, ni comment progresser là-dedans. Et à vrai dire, après quelques heures de jeu qui m’ont prouvé ce que je savais déjà – j’y suis nul -, je ne peux que louer les efforts d’inclusivité proposés par Sega pour faire de Super Monkey Ball Banana Mania une expérience très abordable et modulable.
Possibilité de passer un niveau retors, activation d’une aide proposant des trajectoires optimales, possibilité de ralentir le temps, niveaux d’entrainement : Sega ne lésine pas pour vous prendre par la main si vous n’êtes pas le cœur de cible de la série. Sans cela, ce presque-nouveau Super Monkey Ball aurait été un pur mur d’élitisme borné, uniquement pensé pour séparer les « bons » joueurs déjà aguerris des « mauvais » nouveaux qui ont encore tout à apprendre.
Bref, même en sachant que le jeu reste globalement difficile avec l’aide proposée, on n’a sans doute jamais vu un jeu de la série qui y soit une porte d’entrée aussi douce. Le fond de l’affaire reste du recyclage un poil cynique, mais au moins, le noob que je suis n’a pas eu l’impression de se faire piquer l’argent de son goûter à la récré.
Mais je ne voudrais pas être trop indulgent avec la partie purement mercantile de l’opération : si le jeu est fluide et que quelques niveaux ont été largement retravaillés pour proposer, par exemple, des trajectoires ou des angles de vue plus adaptés aux résolutions actuelles des écrans, le fond reste un portage un peu foutraque. Les hitboxes et les commandes sont souvent imprécises, et le jeu souffre de plus de problèmes de caméra rendant une bonne partie des niveaux assez désagréables, voir quasiment injouables… sauf si on les connaît déjà par cœur. Comme si, quelque part au milieu du guet, les auteurs du jeu avait considéré que l’essentiel de la démarche d’inclusivité ayant été accompli, on pouvait bâcler le reste et livrer un machin baignant dans un gameplay qui accuse franchement ses vingt ans d’âge et qui recrée une division artificielle entre ceux qui ont l’habitude de cette vue de caméra foireuse située au cul de la boule et ceux qui, comme moi, découvrent la franchise maintenant, perplexe face à cet absence de dépoussiérage.
Super Monkey Ball Banana Mania a été testé sur PlayStation 5 via une clé fournie par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur PC, PlayStation 4, Nintendo Switch et les consoles Xbox.
Quand j’ai découvert la série Super Monkey Ball, c’était en tant que spectateur de performances que je n’atteindrai jamais. Mais avec Super Monkey Ball Banana Mania, j’ai enfin compris que même si je ne serai jamais un crack en la matière, cette série purement arcade pouvait me faire passer quelques heures bien agréables. Est-ce que c’est ce que Sega cherchait à faire en sortant cette compilation ou était-ce juste une façon de sous-traiter au studio Ryu Ga Gotoku cher à notre cœur une planche à billets utilisant pour carburant le sang et la sueur des aficionados de la franchise ? J’avoue qu’au moment de quitter le jeu, je n’ai pas encore tout à fait réussi à trancher la question.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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