À la surprise d’absolument personne, Sony a, le 1er Mars 2019, enfin annoncé l’arrêt définitif de la production de sa console portable, la pas si bien nommée PS Vita. Si surprise il y eut, c’est peut-être celle de constater qu’elle était encore vivante jusque là, à l’instar de ces célébrités du siècle dernier que l’on pensait enterrées depuis fort longtemps, aussi appelé l’effet « Elle était pas déjà morte France Gall ? Ah ben non, mais maintenant si et je suis un peu triste ». Car malgré le brillant avenir qui lui était promis, l’existence de notre chère PS Vita aura été aussi courte que douloureuse. Et difficile de faire croire qu’on ne l’avait pas vu venir, tant cette histoire sentait le sapin dès son commencement.
Sur le papier, la PS Vita a été présentée comme le nouveau fer de lance de Sony sur le marché du jeu portable – calibrée à la fois pour succéder à la PSP et concurrencer la 3DS de Nintendo – avec son large (83×182 mm) écran OLED tactile, sa configuration de compétition, son pad tactile à l’arrière (on y reviendra), son orientation assurément multimédia (packs avec abonnement 3G, applications Skype, Youtube, Facebook, Netflix), sa fonction gyroscopique, ses promesses de jeux en réalité augmentée, sa retro-compatibilité PSP et son émulateur PS1. De quoi faire rêver tout un tas de gens (moi y compris). Le premier lancement de la console au Japon le 17 décembre 2011 est donc un succès : 325 000 exemplaires vendus la première semaine, précommandes limitées pour cause de rupture de stock, un catalogue de 53 jeux, les responsables de Sony sont ravis. Les ventes s’écroulent cependant à 72 000 dès la deuxième semaine, puis 43 000 la suivante. Sony garde espoir et annonce en interview et sur son blog être confiant quant au lancement de la console à l’international, le 22 février 2012.
Lancement qui se trouve être un fiasco absolu, malgré une campagne marketing d’ampleur, des critiques dithyrambiques et une première semaine prometteuse. À la fin du premier mois, seulement 66 000 Vitas ont été écoulées en France, contre 80 000 en une semaine à la sortie de la PSP. Pourtant déjà vieille d’un an, la 3DS de Nintendo continue de mieux se vendre durant ce mois de février. Sony reste cependant imperturbable, se félicitant même d’avoir franchi le cap des 1.2 millions de consoles vendues, sans vraiment s’étendre sur le fait que 55% de ce chiffre représente les ventes japonaises. Deux explications possibles pour ce désastre : le prix, forcément rédhibitoire, de 250 à 300€ selon le modèle choisi (face à une 3DS qui ne coûte plus « que » 150€) et le catalogue franchement piteux, réduit à 25 jeux pour la sortie internationale.
J’ai accepté par erreur, ton inVitation
Car si 25 jeux au lancement d’une console pourraient potentiellement suffire au début de son succès, il faudrait tout de même quelques gros titres, des exclusivités bien attrayantes, de l’indispensable. Et un rapide coup d’œil au catalogue de sortie de la Vita hors Japon fait très vite déchanter. Sur 25 jeux, on se retrouve avec 12 portages et 13 titres exclusifs. Du côté des exclus, le jeu clairement mis en avant est Uncharted : Golden Abyss, sorti dans la foulée d’Uncharted 3 sur PS3. Si le succès de la série à ce moment est suffisamment élevé pour miser dessus et espérer en vendre des palettes, le titre se trouve être très décevant dans son utilisation de la PS Vita : faible utilisation des écrans tactiles, système de visée au Sixaxis inutilisable, cet Uncharted fait le minimum syndical et semble avoir été sorti à l’arrache pour coller à la sortie de la console. Au moins c’est beau et ça met en valeur le hardware de la Vita qui le fait tourner sans forcer.
Le reste des exclusivités n’est pas vraiment plus glorieux, entre un Escape Plan sympathique mais forçant un peu trop dans l’exploitation du tactile jusqu’à le rendre injouable et frustrant sur les derniers niveaux, un WipeOut 2048 somptueux mais qui au contraire se fiche complètement d’être un jeu PS Vita et tout un tas d’autres jeux mineurs (Super Stardust Delta, Lumines Electronic Symphony) ou de niche (Dynasty Warriors Next, Touch my Katamari), allant du plutôt cool au terrible. Rien de mémorable en tout cas et surtout, rien qui ne ferait acheter la console sur un coup de tête. Dès la semaine de sa sortie, tout le monde pointe déjà du doigt l’absence de gros titres, les noms de Monster Hunter et Final Fantasy sont chuchotés, mais les joueurs et joueuses pourront bien se brosser pour avoir un de ces jeux en exclusivité.
Côté portages c’est tout aussi frileux. On a bien quelques succès du moment comme Rayman Origins ou FIFA, encore des trucs de niche de type BlazBlue, Virtua Tennis ou Michael Jackson Experience (???) et des indés sympas (Tales from Space de Drinkbox, futurs développeurs du chouette Guacamelee), mais rien non plus qui ferait acheter la console. La PS Vita est déjà prête à crever. Dans son déni, Sony agite la carotte qu’est Gravity Rush, dont la sortie est annoncée pour juin 2012, qui pour sûr, sera LE jeu qui propulsera les ventes de la console. Et ça marche, vaguement, puisque les packs PS Vita + Gravity Rush s’écoulent convenablement, mais déjà la console se brade pour 50€ de moins et son catalogue ne s’étoffe toujours pas outre mesure. Car au total, sur 7 ans d’exploitation, seulement 87 jeux seront développés en exclusivité pour la Vita, une très grande partie étant des visual novels et JRPG ne sortant même pas du Japon. L’attente impatiente de la sortie d’un nouveau jeu laisse vite place au goût amer de la déception et du sentiment d’arnaque, quand les seules choses à se mettre sous la dent en un an sont le passable Gravity Rush, l’excellent Persona 4 Golden, l’oubliable Little Big Planet PS Vita et l’exécrable Silent Hill : Book of Memories.
Même la sortie de Tearaway en novembre 2013, pourtant mon jeu préféré de la console et exploitant enfin de manière intelligente les particularités de la Vita, ne suffira pas à faire passer ce goût de cendre dans ma bouche. Après à peine un an d’exploitation, Sony ne sort presque plus rien à l’international et se concentre sur le marché japonais, seul endroit où la console continue de se vendre convenablement. Étrangement, quand on leur développe des jeux, les gens y jouent ! J’ai lu un peu partout que Sony avait négligé le marché international de la PS Vita à cause des mauvaises ventes, mais je ne peux m’empêcher de penser que cette absence de succès est justement due à un trop faible nombre de jeux et qu’il aurait suffi de quelques vraies bonnes exclusivités durant les premiers mois d’exploitation pour assurer son succès.
P.S. I love you
Oh il y en a bien eu des gros jeux spécialement pour la Vita hein, oui oui… J’ai déjà mentionné plus tôt l’effroyable Hack&Slash Silent Hill : Book of Memories et le très oubliable Little Big Planet, dont le principal intérêt était de jouer en ligne, mais dont le lag ne m’a jamais laissé le loisir de le terminer en coop, même en jouant avec mon coloc, tous deux assis dans le même canapé. Mais il y a eu également le Call of Duty PS Vita, le Killzone, le Sly Cooper, le Tales Of, … pour la plupart médiocres et des échecs critiques (allez, le Sly Cooper était sympa). Et je ne parle même pas du jeu de cartes Uncharted : Fight for Fortune, on va arrêter le désastre tout de suite. Bref, et c’est comme ça qu’on se retrouve avec le portage Minecraft comme meilleure vente de la console (sans offense aucune envers Minecraft, après Notch je dis pas, mais c’est pas le sujet).
Alors, puisque le mal était fait et que je l’avais, je m’en suis tout de même servi de cette console, et il faut reconnaître qu’elle a parfaitement rempli son rôle de proto-Switch, parfaite pour jouer dans les transports et aux toilettes. J’ai passé des heures à la fac sur The Binding of Isaac : Rebirth, j’ai tué le temps durant de nombreuses soirées de solitude sans PC sur Nova111 et Child of Light et même très récemment, j’ai trompé l’ennui sur Persona 4 Golden au cours d’un voyage interminable. Car oui, si Sony a complètement arrêté, volontairement ou non, de développer en interne pour sa console, les indés eux ne se sont pas fait prier, et la Vita s’est rapidement fait un solide catalogue de jeux indépendants à partir de 2014. Toujours pas un argument de vente, mais un apport plus que bienvenu pour les malheureux possesseurs chez qui elle commençait à prendre la poussière. En plus des indés, Sony a commencé à remplir son magasin avec les PS Minis, des portages de jeux PS1 et PSP, clairement la solution de la flemme (et/ou du cynisme) pour ajouter des jeux, ainsi que des packs de portages (oui encore !) des succès de la PS2, comme les Jak&Dexter, Ratchet&Clank, God of War ou Sly Cooper. De quoi s’occuper donc, mais toujours rien de nouveau.
Je voudrais maintenant revenir sur un détail qui m’a frappé en rédigeant cet article. Hormis Tearaway (et à la limite Gravity Rush, mais quoi qu’on en dise, je le trouve très oubliable, son seul mérite c’est d’avoir été un jeu sympa au milieu des autres purges), la très grande majorité des jeux qui m’ont plu et qui d’ailleurs se sont vendus sur PS Vita sont des jeux qui n’utilisent que peu, voire pas du tout les spécificités de la Vita. Le Sixaxis et sa fonction gyroscopique c’est rigolo sur le papier et ça fait bien dans les bandes-annonces, mais en pratique, c’est relou, on va pas se mentir, c’est peu précis, on a l’air débile et dans certains transports ça devient même compliqué à utiliser. Exit le Sixaxis hein. Idem pour le pad tactile à l’arrière, super, on peut pincer sa console, effectuer des actions avec le tactile tout en contrôlant son perso et sans mettre les doigts sur l’écran, mais le cas le plus fréquent est finalement de faire n’importe quoi dans le feu de l’action parce que nos doigts traînent dans le dos de la Vita. Alors adieu l’utilisation du pad arrière.
Le plus gros échec reste la réalité augmentée (également présente sur la 3DS, pour le coup ils étaient pas les seuls à y avoir cru), qui permettait entre autres de mélanger son environnement et le jeu (bon, Tearaway y arrivait pas trop mal) et de frimer avec quelques cartes qui affichent des trucs en 3D une fois filmées par la Vita, mais tout le monde s’est rendu très vite compte de l’aspect gadget et inutile du truc et après quelques titres ridicules comme PulzAR, l’idée est tombée à l’eau. Allez, pour le plaisir on peut rigoler un peu devant le trailer AR, qui nous vendait le futur dans des morceaux de carton. Bref, on se retrouve devant une console qui coûte trop cher pour des fonctionnalités assez inutiles que tout le monde a laissé tomber au bout de deux ans. Un excellent calcul donc, surtout face à la 3DS et son catalogue plus conséquent et la montée en grade du jeu sur smartphones et tablettes.
Du coup, quoi, Sony n’en avait rien à cirer de sa Vita ? Pourquoi ils ne l’ont pas arrêtée plus tôt ? Parce que soyons honnêtes, dès la fin de 2013 elle crachait déjà sévèrement du sang. Eh bien, il semblerait qu’ils y croyaient encore, et plutôt pas mal même. Sans compter que si ça sentait le pâté de notre point de vue européen, au Japon, elle tournait finalement encore assez bien, à en juger les ventes et sorties de jeux. En 2014 sort donc la PS Vita Light, plus légère, plus grande, plus de stockage, l’écran OLED est remplacé par un LCD moins coûteux, la batterie tient plus longtemps et la console possède ENFIN un port micro-USB, remplaçant cet odieux port propriétaire sur le premier modèle, qui risque fortement de condamner ma Vita le jour où le chargeur rendra l’âme. La même année arrive le Remote Play, une fonction qui permet de jouer à distance à ses jeux PS3 et PS4 directement sur la PS Vita ou de s’en servir comme deuxième écran. Une idée plutôt pas mal, mais qui montre très vite ses limites, puisque la PS3 se montre peu compatible et rechigne à faire fonctionner le Remote Play correctement et que l’absence de gâchettes L2 et R2 sur la Vita rend certains jeux simplement injouables. Dans la foulée sort la Playstation Vita TV, qui est donc une euh, PS Vita qui se branche sur la télé, abandonnant ainsi son unique intérêt, à savoir sa portabilité.
Malgré tout, la PS Vita continue tranquillement de creuser sa tombe. Youtube, Google Maps et Facebook retirent leurs applications de la Vita en 2015, suivis par Skype en 2016. Sony lui-même avoue son échec en annonçant l’arrêt de la production de jeux en interne pour sa console en octobre 2015 (genre, quels jeux vous développiez exactement les gars ?) en prétextant de trop faibles ventes en Occident et vouloir se concentrer sur la PS4, rapidement imité par bon nombre de studios. Les extensions de The Binding of Isaac Rebirth ne sortiront jamais sur Vita, la sortie d’Hollow Knight sera finalement annulée pour la console et la suite de Gravity Rush, à la base une exclu Vita, sortira uniquement sur PS4 en 2017, également année de l’arrêt de la PS Vita TV (sans rire). Échec et mat. La PS Vita termine ainsi doucettement sa vie, avec encore deux/trois sorties indés telles qu’Iconoclasts en 2018, avant l’annonce en fin d’année de l’arrêt définitif de la production dans un futur proche. La sentence tombe finalement le 1er mars 2019. Adieu petit ange.
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