Jeudi 5 mars 2020, je ne le sais pas encore, bien que mon cœur en son for intérieur le sente, mais cette terrible épreuve du confinement est sur le point de débuter. Ce jeudi 5 mars, je suis donc invité chez des amis allemands dans leur nouvelle demeure en province, sobrement appelée The Longing. Un peu de calme au Studio Seufz ne me fera pas de mal. Ils m’annoncent que cela fait 4 ans qu’ils travaillent sur leur projet en s’occupant de tout : des superbes dessins pour les plans, à la façon de se déplacer en passant par une ambiance sonore qu’ils voulaient unique. Mais surtout, ils avaient pour ambition de passer 400 jours dans cette demeure sans en sortir. Qu’à cela ne tienne, l’histoire leur a donné cette chance, par contre… c’est moi, votre serviteur, qui l’ai vécue, seul et non sans un certain plaisir, je dois le dire.
Pour pimenter les choses, mes amis ont développé une grande narration dans leur maison de The Longing. Le point de départ pour leur période enfermée de 400 jours ? Le roi de la demeure souterraine – ah oui, je ne l’ai pas précisé, mais leur maison se trouve sous terre, c’est une sorte de grande caverne si vous voulez – décide de prendre un long sommeil de 400 jours et donne la charge aux habitants de garder son royaume et de le réveiller en temps voulu. Mes amis ont été appelés ailleurs, ils m’ont donc laissé cette lourde mission à moi seul. Je n’étais pas très emballé par cela, je désirais plutôt rentrer à Paris m’occuper de mes petites plantes de balcon… ah confinement total en France, bon, eh bien finalement j’y reste dans cette grande caverne spacieuse et puis, la province ce n’est pas si mal, après tout.
Explorer c’est la clé
Il est peut-être temps pour moi de me présenter, chers lecteurs et lectrices assidus de ce site internet. Je m’appelle Jean-Edouard Ombre. Ombre de père en fils. Je dois le dire, les premiers jours passés enfermé dans cette caverne de The Longing n’ont pas été des plus faciles. À peine arrivé et installé dans mes petits appartements (pensez-vous, la chambre qui m’a été fournie est loin des 60m² de mon très spacieux appartement parisien) que je devais déjà en sortir pour faire le tour du propriétaire. Alors que le monde tourne au ralenti, je décide de faire de même et de prendre mon temps en arpentant les couloirs et salles de cette demeure proprement gigantesque. On dirait Châtelet – Les Halles, mais pas aux heures de pointes. Enfin, je pense que cela y ressemble, je n’y suis jamais allé, mais un ami m’a expliqué.
Quelle frustration des débuts tout de même. Peu importe où je me rendais dans The Longing, je finissais dans un cul-de-sac. Mon esprit d’analyse avancé m’a permis maintes fois de me dire que je devrais y repasser bien plus tard, car des choses auraient alors changé sur les chemins, me permettant d’avancer plus loin et d’accéder à de nouvelles zones mystérieuses. Ici, un tapis de mousse est en train de pousser, me permettant dans le futur de sauter dessus et d’amortir ma chute ; là, une crevasse infranchissable se remplit d’eau, goutte à goutte, et si je suis patient, celle-ci se remplira et me laissera alors passer de l’autre côté… Tant de possibilités et d’énigmes, pour savoir comment surmonter ces épreuves ! Ce ne fut pas toujours facile et évident, mais j’ai pu en surmonter une grande partie. Cette grande demeure construite avec brio par mes amis est remplie à ras bord de mystères. Disséminés avec intelligence, ceux-ci sont des récompenses suffisantes pour celles et ceux qui oseraient explorer en profondeur ces cavernes. Mais ces mystères ne sont pas tout, et, bien vite, alors que le monde était à l’arrêt, suffoquant, mon esprit commençait à se sentir seul, abandonné, et à s’ennuyer… Il faut dire que je ne pouvais plus parler à Mme de la Fauvette à la Biocoop en bas de la rue, ni lancer quelques piques à M. Vouchot dont le chiffre d’affaire de son entreprise a été inférieur à celui de la mienne malgré ses efforts. Alors qu’il suffisait simplement de rester jusqu’à 23h et attendre l’ouverture de la Bourse de Tokyo tout en…
Confiné dans ses pensées
La solitude. Sujet central au sein de la demeure The Longing. Être enfermé 400 jours, seul, n’est pas une mince affaire. Ici, pas de bruit de bus qui passent dans la rue, pas de bruits de discussions, pas de bruits d’embouteillages matinaux. Que cela fait du bien ! Mais que cela devient pesant à la longue. Cette grande caverne n’a pour seule source de bruit que le plic-ploc des gouttes tombant des stalactites, que le « woooof » du vent s’engouffrant par des ouvertures invisibles et le bruit de nos pas solitaires, fruit de nos déambulations qui semblent sans fin. On en vient alors immanquablement à penser. Longuement. Mais sans autres stimuli, notre solitude, notre condition ne font que revenir en tête. Ce n’est pas très rassurant, et à maintes reprises je me suis senti déprimé. Pourquoi n’ai-je pas suivi l’exemple de mon voisin de palier, Charles-André, qui est allé se confiner dans sa petite résidence secondaire sur l’île de Ré ? Lui qui a accès à son modeste jardin de 2000m² peuplé d’érables, de pins, de pommiers, de chrysanthèmes, d’hortensias, de coquelicots, de roses, de géraniums ou encore de quelques plants de salades bien de chez nous. Ici je n’ai accès qu’à quelques champignons et de la mousse. Certes, ces choses ont leur utilité ici bas, mais j’aurais préféré l’air doux du printemps plutôt que des relents froids des profondeurs du monde. Certains sont plus chanceux que d’autres il faut croire. Quel drame. Mes pensées m’accompagnent alors où que j’aille, me faisant tantôt sourire, tantôt pleurer. 400 jours… que c’est long.
L’art de s’occuper
N’y a-t-il pas de moyens pour que le temps passe plus vite ? Je décide de partir en quête de quoi m’occuper. Vu l’état de ma chambre d’ami, je ne survivrai pas mentalement à ces 400 jours. En me baladant dans les couloirs et les salles, je trouve par terre ou sur des étagères des livres, quelques morceaux de charbon qui tombent du plafond, des tapis, de quoi faire un véritable lit, des ornementations pour les murs. Cela fera bien l’affaire. Je ramasse donc ces objets et les amène dans les appartements. Tout est déjà plus accueillant, et je jurerais, en étant assis sur mon gros fauteuil à regarder mes décorations, que le contenu du sablier devant moi se déverse plus vite. Je trouve également quelques feuilles blanches ainsi que des crayons de couleur. Intéressant, j’aime dessiner, je m’y attelle donc. J’accroche mes œuvres d’art (il faudra que je pense à les exposer dans une galerie du Marais tenue par un bon ami à moi à mon retour) un peu partout sur les murs. Çela fonctionne, le temps passe plus vite, je le sens. Mais 400 jours c’est long, et ce n’est pas parce qu’une seconde en temps réel correspond à 5 secondes dans la demeure que je suis sorti d’affaire. J’ai une bibliothèque désormais remplie de livres que j’ai pu ramasser, je me lance alors dans leur lecture. À chaque page lue, j’ai l’impression qu’une minute s’est écoulée, je dévore donc d’une traite les 800 pages de Moby Dick, puis des autres ouvrages. Je comprends maintenant la leçon que veulent me donner mes amis allemands. Il faut s’occuper dans la vie afin que le temps nous paraisse passer plus rapidement.
Avec tout cela en tête, je suis paré pour le reste des 400 jours à passer dans The Longing. Mais ne pas tout explorer me laisserait un goût amer. Je pars donc en quête de recoins cachés, de portes dérobées, j’expérimente pour savoir comment atteindre telle ou telle zone. Le temps passant, je me rends enfin compte que des échappatoires sont possibles. Je ne suis pas obligé d’attendre la fin des 400 jours que le roi se réveille. Je n’ai pas à subir cette solitude dans cet endroit humide et silencieux bien que superbe, alors que d’autres en surface peuvent jouir de leur confinement et passer les meilleurs moments de leur vie dans leur maison. Mais accéder à ces possibilités n’est pas chose aisée, et cela se mérite. À force d’abnégation, j’y suis parvenu, je n’ai pas attendu de réveiller le roi. J’aurais pu, il est vrai. Après tout, mes amis m’ont prêté cette demeure en me faisant confiance pour cette mission (qu’ils se sont imaginés eux-mêmes, je le rappelle). Mais j’ai décidé de faire fi de cela et de choisir mon propre destin. Je laisse cependant derrière moi des appartements plus spacieux qu’au départ, plus décorés, ornés de maints cristaux piochés ici et là dans cette grande caverne, avec une belle bibliothèque bien remplie et une cheminée tournant à plein régime. Franchement, que pouvais-je faire de plus ? Ils devraient m’en être reconnaissants. Ah oui, je vous vois déjà me demander comment j’ai pu choisir une autre route que celle qui m’était tracée. Je n’ai pas l’envie de vous dévoiler ce secret. Si des gens parmi vous décident dans le futur de vivre ce séjour ici – mes amis ont construit un business model solide et accessible et ont décidé d’ouvrir au public les portes de leur expérience – il vaut mieux pour vous découvrir tout cela par vous-mêmes.
The Longing a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Vous l’aurez compris grâce à ce petit carnet que mon expérience dans The Longing aura pu être éprouvante. Ici, tout est lent, tout prend du temps, et c’est normal : vu qu’il faut attendre 400 jours, autant ne pas se presser. Mais le mental en prend un coup. Moi, Jean-Edouard Ombre, j’ai failli céder. Mais finalement, en trouvant le bon ratio de temps à s’occuper, tout devient plus simple et moins pesant. En marchant d’un endroit à un autre, je pouvais regarder des vidéos ou faire une autre activité annexe, me laissant alors guider par mes pas qui se souviennent d’où ils veulent aller. Je pouvais en profiter parfois et contempler les superbes décors souterrains que propose The Longing. Vraiment, bien que l’expérience fut difficile pour le moral, mes amis allemands du Studio Seufz ont tout de même effectué un superbe travail qui détonne totalement avec les expériences que j’ai pu vivre par le passé. Une expérience que je ne peux que vous recommander (n’hésitez pas à apporter un 2e écran avec vous si vous y allez, ce sera beaucoup plus simple pour suivre et vous occuper à côté). Allez voir aussi ma critique sur Trip Advisor, je leur ai mis 4 étoiles sur 5.
Benjamin "Noodles"
Faire des jeux de mots c’est mon dada. J'aime bien tous les jeux aussi. Sauf les mauvais ou ceux qui nous prennent pour des glands.
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