Quelques années après Rise & Shine, le studio espagnol Super Mega Team est de retour avec un nouveau metroidvania teinté de shoot them up. Le temps d'y ajouter trois autres des tendances incontournables de l'industrie vidéoludique actuelle : un scénario au propos engagé, des sorcières, et du deck building. The Knight Witch est donc un bien curieux brouet.
Il est des jeux qu'on aimerait aimer, et The Knight Witch est vraiment de ceux-là. Beau, truffé de bonnes intentions et de bonnes intuitions, il pose parfois les bases de ce qui pourrait être un grand jeu. Mais son dispositif, qui pourrait fonctionner à merveille à la manière des Chroniques de la guerre de Lodoss : Deedlit au Labyrinthe des merveilles, s'écroule sur lui-même au bout de quelques heures. Il faut se rendre à l'évidence : balancer tout un tas de gameplays différents dans une même marmite n'a de sens que si les bases de chacun d'entre eux sont parfaitement maîtrisées et équilibrées. Et si on a un minimum de notion de ce qui constitue le côté amusant de telle ou telle composante présente dans le jeu. Des choses qui font cruellement défaut à un titre qui aurait pu être formidable.
C'est l'histoire d'un Hex
Pour une aventure où l'on incarne une petite magicienne, il est heureux que le début du jeu, au moins, fasse illusion. Mieux, The Knight Witch parvient même dans ses premières heures à installer une ambiance et un propos des plus intéressants. L'histoire se déroule dans un monde post-apocalyptique dans lequel une catastrophe écologique a rendu la surface inhabitable. L'humanité, protégée par des sorcières dont la puissance est liée à leur popularité, est terrée dans un réseau de boyaux souterrains maintenus par des technologies obscures. Un beau jour, des monstres robotiques attaquent tout ce petit monde, les sorcières sont portées disparues, et vous enfilez les chaussures de Rayne, la petite dernière qui doit désormais faire ses preuves.
Très dense et touffu pour un jeu du genre, The Knight Witch a beaucoup de choses à raconter. Son scénario est assez riche en rebondissements et motive à aller de l'avant, et il parvient même par moments à gratter des thématiques vraiment très intéressantes. On y parle de culpabilité, de pouvoir, de complexe d'infériorité ou encore de la manière dont un récit médiatique soigneusement tronqué peut virer en propagande pure et dure.
Hélas, et c'est un peu le problème de tout le jeu, tous les enjeux s'écroulent progressivement alors que le propos se disperse un peu dans tous les sens sans qu'on comprenne bien où tout cela veut en venir... D'autant plus qu'on voit arriver le twist principal depuis l'espace. Ce n'est pas bien grave, on vient rarement dans un metroidvania pour être bouleversé par la profondeur de son récit. Mais c'est un symptôme : The Knight Witch est un jeu effroyablement dispersé.
Bases du Metroidvania : non acquises
Pour venir à bout de ce jeu, il vous faudra compter au minimum une grosse quinzaine d'heures, et sans doute cinq ou six de plus pour boucler tout le contenu annexe. C'est beaucoup pour un metroidvania. Et cette durée de vie inhabituellement longue est d'autant plus surprenante que les deux ou trois premières heures imposent un rythme frénétique à la progression rapide et agréable. Hélas : cette courbe ascendante s'arrête brutalement à la fin du premier biome traversé, pour laisser place à une des expériences les plus laborieuses de l'année.
Car il semble que des centaines et des centaines de jeux du genre parus depuis des années, que quarante ans de clones de Metroid n'aient pas suffi à Super Mega Team pour fournir le minimum des bases du confort moderne à leur titre. En effet, dans The Knight Witch, l'exploration est un véritable calvaire. Une carte quasiment vierge de marqueurs, une absence totale de système de téléportation, l'obligation de grinder pour obtenir des fonctionnalités basiques, des quêtes annexes impliquant des allers-retours constants... Tout est fait pour nous faire tourner en rond encore et encore dans un labyrinthe trop grand pour son propre bien, et tuer les mêmes ennemis en boucle, au mépris de tout fun. Des éléments basiques du gameplay, comme la possibilité de dasher ou de donner un coup rapproché, ne nous sont donnés qu'au bout de longues, longues heures à faire face à des situations où ces éléments auraient rendu le jeu beaucoup plus fluide et amusant.
Un exemple particulièrement ridicule : alors que la promesse initiale implique des déplacements et des attaques à 360° plutôt grisantes (une sorcière volante avec un flingue, quoi !), le jeu se referme brutalement après en vous mettant aux commandes... d'un sous-marin ne pouvant tirer que dans deux directions, et devant arpenter des couloirs étriqués pendant des heures interminables. Le tout en ralentissant artificiellement votre progression en la truffant d'arènes bourrées de monstres pas particulièrement dangereux, mais constituant de véritables sacs à PV. Tuer des dizaines de squelettes de poisson qui mettent entre cinq et huit secondes à mourir même en activant le tir continu : à quoi bon ? Si les shoot them up proposent généralement des tableaux brefs mais intenses, il y a une bonne raison.
Tirer les cartes n'a jamais été aussi laborieux
Car oui, j'en ai à peine parlé ici, mais davantage qu'un metroidvania, The Knight Witch est un jeu de tir où Rayne fait office de vaisseau à piloter. Petite subtilité : outre votre simple flingue de base, vous pouvez activer des pouvoirs plus ou moins utiles tirés d'un deck que vous constituez à chaque point de sauvegarde. Tir triple, bouclier, invocation de familier, etc., les pouvoirs à débloquer sont assez nombreux.
Bonne idée sur le papier qui fonctionne initialement plutôt pas mal, ce système devient rapidement tout aussi laborieux et approximatif que le reste du jeu : les boss de fin de niveau sont majoritairement increvables, le nombre de cartes concrètement utiles en combat est assez faible et on finit par traverser l'aventure en pilote automatique. Une fois qu'on a un set constitué des cartes réellement bourrines et qu'on a passé de longues (et pénibles) heures à crafter des cœurs supplémentaires, des armures et du "link" (une monnaie obtenue en libérant des habitants et servant de points d'expérience)... On finit simplement par avoir un personnage relativement résilient à tout et qui balance la purée dans tous les sens, passant à travers les nuées d'ennemis en les massacrant à l'usure.
The Knight Witch a néanmoins aussi des qualités : la possibilité de passer le tir en pilote automatique donne beaucoup de dynamisme aux combats, le jeu est beau, ses personnages sont attachants, et il propose même quelques combats de boss très engageants vers la fin. Mais il donne surtout l'impression d'un titre qui mélange maladroitement tout un tas de systèmes et de sous-systèmes sans jamais avoir compris comment ils pourraient s'articuler harmonieusement. RPG médiocre, shoot them up imprécis, deck builder assez pauvre, metroidvania au level design terne et étriqué... Désolé, mais ça commence à faire vraiment beaucoup pour justifier d'y consacrer du temps.
The Knight Witch a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5, Nintendo Switch et les consoles Xbox.
Je ressors de The Knight Witch avec l'impression mitigée qu'il s'agit d'un titre qui voulait à toute force faire quelque chose d'original en mélangeant des types de jeux assez éloignés, mais qui a sacrifié le fond au profit de la forme. Ce n'est pas le premier metroidvania de l'année qui semble faire fi de toute l'expérience accumulée par le genre depuis son retour en grâce il y a une dizaine d'années. Mais ça n'en reste pas moins étrange : avec autant de bonnes idées, The Knight Witch aurait pu éviter de multiplier ainsi les erreurs basiques de game design. Quelle immense déception !
Les + | Les - |
- C'est beau | - Équilibrage de la difficulté catastrophique |
- Le scénario est plutôt malin | - Absence de fast travel |
- Le mélange des genres est intéressant | - Plusieurs niveaux ont un level design assez raté |
- Le système de deck building manque de profondeur | |
- L'obligation de farmer pour avoir des fonctionnalités basiques |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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