Spécialisé dans les jeux aux frontières entre l'humour et le shitpost pur et dur, le studio Perfectly Paranormal (Manual Samuel, Helheim Hassle) nous livre avec The Holy Gosh Darn une farce absurde doublée d'un joli jeu d'aventure.
C'est marrant, mais la grosse vague des jeux basés sur des boucles temporelles semble être repartie aussi vite qu'elle est venue. Entre mi-2021 et début 2024, on a été assaillis de 12 Minutes, Ultros, Deathloop, Slay the Princess et autres In Stars and Time. Et puis pouf, ça s'est ralenti, et quasiment arrêté depuis quelques mois. Peut-être qu'on avait fait le tour de la question ? Ou juste que l'effet de mode est passé ? Je ne sais pas trop, mais voir arriver ce The Holy Gosh Darn un peu à contretemps est une bénédiction, tant il fait figure d'ovni dans le zeitgeist de cette rentrée 2024. Beau, drôle, bien écrit et puisant ses mécaniques de jeu dans des références aussi respectables que The Legend of Zelda: Majora's Mask, il m'a enchanté de bout en bout.
Je suis pas venu ici pour mourir, ok ?
Le quotidien de Cassiel (l'Ange de la Célérité) est extrêmement monotone depuis quelques milliers d'années. Il faut dire qu'il ne se passe à peu près rien au Paradis, lieu essentiellement peuplé d'anges mollassons et de gentils chiens (les seuls dignes d'arriver jusque-là). Un beau jour, cependant, l'au-delà explose soudainement, détruisant le continuum espace-temps dans son ensemble. Quelques péripéties plus tard, Cassiel se retrouve en possession d'une montre magique pouvant lui faire remonter le temps jusqu'à une demi-journée avant le drame. Sa mission : retrouver le Saint Jarnidieu, un artefact pouvant empêcher la catastrophe.
Fastoche : le bidule en question est rangé dans une réserve, à quelques mètres de là. Vous n'avez pas la clé de cette réserve. Et même quand vous l'avez, vous constatez que la porte prend des heures à s'ouvrir. Que le conservateur des archives s'endort à partir de 13 h. Qu'il a besoin de café pour tenir le coup. Que votre cafetière a besoin de deux heures entières pour préparer ledit kawa. Que l'artefact en question a été déplacé en enfer. Que pour aller en enfer, il faut attendre un bus pendant huit heures. Et ainsi de suite dans ce qui s'apparente à une course à l'échalote d'une dizaine d'heures pour empêcher l'apocalypse.
En bref, vous avez exactement six heures pour sauver la réalité elle-même dans un univers (dans quatre univers, pour être exact) où tout le monde a décidé de vous faire perdre un temps royal. Et même quand vous tentez d'accélérer la cadence, par exemple en abrégeant une conversation laborieuse, vous pouvez vous retrouver à perdre un temps fou ensuite parce que votre interlocuteur est vexé d'avoir été ignoré. En moins de deux, vous vous retrouvez à 18h00, obligé de rembobiner la journée. The Holy Gosh Darn est donc avant tout un jeu de gestion du temps, puisqu'à la manière d'un Deathloop, il faudra y accomplir la "journée parfaite" vous permettant de parvenir à vos fins sans que personne ne se soit même aperçu que quelque chose clochait.
Vous me Cassiel les pieds
Plutôt que de vous laisser expérimenter dans tous les sens, The Holy Gosh Darn fait plutôt le choix de diviser son challenge en deux parties distinctes. La quête principale vous propose une enquête hilarante, mais extrêmement simple et linéaire. Une fois qu'on a compris le principe et récupéré les premières améliorations de la chrono-montre, le jeu est en effet assez direct. Non seulement on sait toujours à peu près à qui parler et à quelle heure, mais en plus la moindre erreur peut être rembobinée quasiment à la minute près. De plus, on obtient rapidement des raccourcis et des astuces permettant de débloquer les allers et retours d'un tableau à l'autre très rapidement, de sorte que je me suis très rarement retrouvé bloqué ou à court de temps. Au début du jeu, passer du Paradis à l'Enfer ou à la Terre est assez fastidieux, mais rapidement, cela devient une formalité.
En revanche, The Holy Gosh Darn propose en parallèle un très généreux système de challenges et de quêtes secondaires qui va vous demander de sacrément vous gratter la peinture pour arriver à vos fins. Insulter dix vieux dans une même timeline (ce jeu déteste les vieux). Arriver à téléporter des ouvrages dans diverses boîtes à livres alors que votre inventaire est limité. Parvenir à préparer du café dans des endroits clairement pas pensés pour. Ou tout simplement assister à des bizarreries et des incohérences créées par vos propres turpitudes temporelles. L'aventure adapte d'ailleurs remarquablement bien les dialogues aux éléments déjà connus par Cassiel, permettant de créer des interactions assez réjouissantes quand vous assistez à une scène déjà parcourue un certain nombre de fois. Ça se termine souvent par l'héroïne en train d'insulter tout le monde comme une poissonnière pour gagner du temps, certes. Mais c'est réjouissant.
C'est d'ailleurs la carte maîtresse jouée par le jeu de Perfectly Paranormal : il est bigrement rigolo tout le temps. Alors, oui, pas toujours de la manière la plus élégante qui soit (je pense à cette séquence de dialogue entièrement constituée de prouts), mais rigolo quand même. Ici, tout le monde est globalement très bête, indigne, paumé dans la vie, et complètement incompétent. Dieu reclus chez lui et apparemment indifférent à l'apocalypse, Lucifer obsédé par les jeux de société absurdes, Cavalier de l'Apocalypse rappeur du dimanche, anges oisifs incapables de trouver comment occuper leurs journées ou Saint-Esprit ridicule terrifié par les chiens : ici, personne n'est ni très sérieux, ni très digne. Néanmoins, de ce casting de cassos abrutis (et de son héroïne aussi accro à la caféine qu'aux jurons orduriers), The Holy Gosh Darn arrive à tirer une farce diablement bienveillante et rigolote, au ton résolument blasphématoire et immature. Tout le monde est débile, mais personne n'est méchant. C'est bibliquement incorrect, et c'est tout ce qu'on lui demande.
The Holy Gosh Darn a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5, sur Nintendo Switch et sur les consoles Xbox.
En dehors des point and click à l'ancienne, la plupart des jeux à vocation humoristique se heurtent à un problème : la difficulté d'articuler des blagues avec du gameplay sans que les deux se parasitent salement. À ce titre, The Holy Gosh Darn est une divine surprise. Il arrive tout à la fois à déployer un gameplay rythmé et amusant et à pleinement intégrer des vannes parfois très bien senties dans ses séquences de dialogue comme dans ses énigmes. Il s'en tire même admirablement bien dans sa gestion de sa boucle temporelle, qui le transforme en une sorte de Deathloop qui aurait remplacé sa morgue et son scénario sanglant par un humour très Adult Swim. Plus qu'à croiser les doigts pour que le jeu soit un succès permettant au studio de livrer une quatrième galéjade dans leur au-delà farfelu.
Les + | Les - |
- Toute la D.A du jeu est au top | - Quelques boucles un peu fastidieuses vers le début du jeu |
- La mécanique de retour dans le temps est parfaite | - Il reste quelques (rares) bugs et quelques incohérences |
- Aucune baisse de rythme tout au long de l'aventure | |
- La richesse surprenante des objectifs annexes | |
- C'est vraiment très drôle | |
- La qualité de la VF est bluffante |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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