Nouveau jeu du petit studio Cotton Games, Reviver est un superbe jeu narratif qui se déroule quelque part en Amérique du Sud au début du XXe siècle. La très jolie DA et la belle histoire de ces deux vies qui traversent ce début de siècle sont toutefois un peu alourdies par quelques puzzles pas très intuitifs et manquant quelque peu d'originalité.
Tester un puzzle game c’est toujours un peu la roulette russe. Déjà parce que puzzle game ça recouvre une gamme assez large de jeux, je veux dire Baba is You est un puzzle game, Portal aussi et le Démineur aussi et donc il y a de tout, mais aussi parce que dès que ça fait appel à la logique, on n’est pas tous logés à la même enseigne. Remarquez, c’est vrai aussi pour les jeux qui font appel à la dextérité, mais à une différence près, une soluce ne vous aidera pas à coordonner vos mouvements, mais pourra en revanche vous aider à passer un puzzle trop compliqué. À l’inverse, il est possible de s’entraîner à améliorer sa dextérité sur un même jeu pour passer un obstacle, tandis qu’il est plus difficile de s’améliorer si on ne comprend pas un puzzle et qu’on ne peut plus avancer. Bref, je laisse d’ailleurs souvent à plus malin que moi les jeux de puzzles purs tels que Pâquerette Down the Bunburrows ou Patrick's Parabox et leur préfère, au moins à tester pour écrire dessus, des jeux narratifs avec des puzzles dedans. Mais, même comme ça, il y a toujours la crainte de ne pas réussir à en voir le bout. Peiner dans un puzzle game, ce n’est pas grave en soi, mais il devient difficile d’en parler et de déterminer si le jeu est juste très difficile ou mal fait/trop peu intuitif. C’est encore plus compliqué lorsqu’il s’agit d’un puzzle game narratif. C’était donc avec plaisir, mais aussi un peu de crainte, que je me suis lancée dans Reviver qui avait une bonne bouille de puzzle narratif sympathique et pas trop difficile.
La beauté des papillons
Tout d’abord, et je ne pourrais jamais suffisamment insister là-dessus, je voudrais vivre dans les tableaux de Reviver. C’est très beau, doux, les détails sont hyper soignés et une grande attention est portée à la narration environnementale. Les objets, les cadeaux, les affiches, tout permet de suivre le développement des personnages sans qu’on ne voie jamais plus que la vue de la fenêtre du bureau à différentes périodes de leur vie. Carlos et Felicia habitent quelque part en Amérique du Sud au début du XXe siècle. Ils se sont rencontrés enfants et leur relation a évolué. C’est cette relation et la vie des personnages que l’on va suivre pendant le prologue et les trois chapitres qui couvrent l’enfance, l’adolescence, la trentaine et la vieillesse. Entre la passion de Carlos pour les papillons et l’entomologie en général et les talents créatifs de Felicia, ils s’embarquent dans une vie extraordinaire faite d’émancipation et d’aventures, mais aussi de doutes et de solitude.

Reviver s’appuie sur une mécanique maline, qui permet non seulement d’alterner entre la chambre/bureau de l’un et l’autre grâce à un médaillon, mais en plus, chaque puzzle résolu change l’avenir des deux personnages. Il faut naviguer entre les différentes pièces à des dates différentes pour trouver des indices, des objets, des puzzles pour remettre la vie des deux jeunes gens sur les bons rails.
Jusqu’ici donc, tout allait bien et j’étais absolument enchantée, je voulais découvrir des papillons, suivre le parcours d’émancipation de Felicia et l’avancée de la société et je ne peux pas dire que mes attentes ont été déçues sur ce point. Seulement, voilà, j’ai été coincée par plusieurs puzzles, incapable de trouver par moi-même… j’allais dire la solution, mais pas vraiment. Dans certains cas, oui, je n’avais pas la solution, mais une vision claire de ce qu’on attendait de moi, et dans d’autres, pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire. Si c’est une chose de devoir se creuser les méninges pour parvenir à la solution d’un problème, ça en est une autre de ne pas parvenir à en déterminer la consigne ou la logique sous-jacente.

Du plomb dans les ailes
Bref, j’étais là avec ma frustration et mon mécontentement, surtout dus au fait qu’il n’aurait pas fallu grand-chose pour que je recommandasse chaudement Reviver (au lieu de le recommander, mais…) et je me suis demandée ce qui pouvait expliquer ce manque d’intuitivité et pourquoi, alors qu’être coincée devant un puzzle de Baba is You me paraît parfaitement normal, j’ai envie de jeter mon PC par la fenêtre lorsque ça m’arrive dans un jeu comme Reviver. Il est à mon sens relativement facile de répondre à la seconde partie de la question. Dans Reviver, je suis là au moins en grande partie pour l’histoire. Les puzzles sont une plaisante addition, mais je veux savoir ce qui se passe ensuite et ressentir les émotions du récit. Dans Baba is You, je suis curieuse de savoir quel genre de mécaniques perfides vont nous être proposées, mais je tire principalement satisfaction d’avoir résolu ou au moins compris le niveau en cours. Dans un cas, le puzzle est une fin en soi et dans l’autre, un moyen d’arriver quelque part.

Le fait que, dans le cas du jeu qui nous occupe, les puzzles soient en général très simples engendre un sentiment d’injustice lorsqu’on est coincé non pas par la difficulté inhérente du puzzle, mais par un problème de communication, ce qui me ramène au premier point, à savoir : qu’est-ce qui explique ce manque d’intuitivé ? Dans le cas présent, je soupçonne qu'il y a eu peu de tests pré-lancement, possiblement dû à la toute petite équipe impliquée, ce qui aurait pu conduire à éliminer une partie des problèmes. J’imagine aussi que certaines nuances ou logiques se sont perdues à la traduction (j'ai relevé une poignée d'erreurs). Mon hypothèse, c'est également qu’il y a un manque général de réflexion sur l’utilité et la place des puzzles dans ce type de narration (et ce, pas uniquement dans Reviver). Je l’ai dit et redit, vu mon léger trouble de l’attention, je trouve toute addition d’interactivité plutôt bienvenue et lorsqu’il en manque, je souffre d’une légère dissonance cognitive entre le fait d’être certaine qu’il s’agit d’un jeu vidéo et le fait de ne pas trouver qu’il s’agit d’un jeu, j’en parlais ici. Cependant, à la longue, je suis fatiguée des mêmes puzzles : couleurs à mettre dans le bon ordre, grilles à reconstituer, taquins, etc. J’apprécie la chasse aux indices, mais plus tellement le fait d’effectuer ces puzzles.
Avec son système de journaux intimes, on aurait pu avoir une mécanique d'enquête dans le texte pour trouver ce qu’il fallait changer pour éviter la catastrophe ou juste se contenter de nous faire explorer des pièces ou peut-être se concentrer encore davantage sur la narration (directe et environnementale) pour raconter encore plus et encore mieux son histoire. Autrement dit, peut-être ne pas prendre aussi littéralement le terme puzzle.

Pour être parfaitement juste avec Reviver, il faut toutefois que je précise que j’ai joué à une version pré-lancement et qu’il y a eu des modifications et des équilibrages au lancement, donc certaines de mes critiques seront sans doute moins valides vis-à-vis de la version finale et les réponses apportées sur Steam permettent de venir à bout sans trop de difficulté des puzzles récalcitrants. C’est suffisant pour moi, pour vous le conseiller pour la jolie histoire qu’il raconte et son visuel charmant tout en vous prévenant que les puzzles ne seront pas forcément très épanouissants.
Reviver a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Android.
Extrêmement beau et doux, avec un vrai talent pour la narration au long cours et environnementale, Reviver souffre toutefois un peu de ses puzzles pas très originaux et parfois pas très intuitifs. C’est dommage, car des choix un peu plus audacieux auraient certainement permis de le démarquer davantage. Il n’en reste pas moins une jolie histoire que je recommande à toutes celles et ceux qui ne lui tiendront pas rigueur de ses puzzles.
Les + | Les - |
- Très beau | - Des puzzles pas toujours intuitifs |
- Une histoire douce et touchante | - Une traduction qui induit parfois en erreur |
- Un vrai talent pour la narration indirecte | - Un manque d'originalité dans certaines mécaniques |
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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