Lulu’s Temple est un très court jeu de plateforme 2D reposant sur une seule idée développée sous tous les angles possibles : il fait noir, et vous avez une torche. À partir de là, à vous de comprendre comment avancer. Attention, vu la brièveté de l’expérience, nous n’avons pas pu éviter quelques spoilers.
Vendu pour moins de cinq euros et pouvant se boucler en à peine une heure, Lulu’s Temple fait partie de ces jeux qui ont toutes les chances de passer un peu sous le radar et qu’il nous fait toujours plaisir de recevoir, à la recherche de la petite pépite ultra-indé de l’année. Développé en solo par un certain Agelvik, Norvégien livrant chaque année un petit jeu du genre, Lulu’s Temple essaye donc de capter notre attention en inversant le prisme habituel du platformer hardcore : ici, tous les sauts et tous les combats sont plutôt faciles. Vous n’avez juste aucune idée d’où il faut sauter, et c’est seulement en comprenant et devinant le level design du jeu que vous pourrez éclairer votre route et passer au tableau suivant. Un peu rebutant dans ses premières minutes et un chouilla moins intéressant sur sa fin, Lulu’s Temple s’avère pourtant assez futé et réussi.
Qui a éteint la lumière ?
On l’a dit, Lulu’s Temple c’est deux heures maximum si vous voulez platiner le jeu. Dans ce contexte, pas vraiment le temps de s’embarrasser d’un scénario : un aventurier/archéologue/pilleur de tombe entre dans une pyramide, s’y retrouve piégé, débite quelques grossièretés puis se résout à explorer les lieux. Pas de bol (ni de fenêtres) : il fait noir, et il a pour seul atout son flingue, une torche et une sorte de scarabée magique capable d’aller récupérer cette dernière quand elle est hors d’atteinte. Et c’est tout.
Le principe est expliqué en quelques secondes au début du jeu : si votre torche touche une petite lampe, cette dernière révèle un bout du niveau et reste allumée même si vous mourrez. Les grosses lampes, elles, servent de checkpoint. Votre unique objectif est de trouver toutes les lampes pour comprendre où vous rendre ensuite et déduire la structure du niveau du peu que vous voyez. Votre expérience est parasitée par deux difficultés convenues mais efficaces : il y a des trous, des pièges et des impasses… Et bien sûr, des monstres pas franchement ravis de vous voir rôder chez eux.
On comprend assez vite que dans Lulu’s Temple, les pièges et les monstres n’ont pas exactement la même fonction. Les premiers sont uniquement là pour vous faire apprendre par l’échec (« oups, cette planche était en réalité un trou »), les seconds pour parasiter votre attention et vous empêcher d’atteindre la prochaine lampe en vous déconcentrant. En effet, les combats du jeu sont assez anecdotiques vu que votre gros flingue à munitions infinies peut dessouder à peu près tout ce qui passe en quelques secondes. Mais le placement des ennemis est pensé de telle sorte qu’il y ait toujours un crâne volant, un fantôme ou un scorpion pour vous empêcher de réfléchir ou de sauter en paix.
Un level design bien torché
Lulu’s Temple ne propose donc pas grand chose, sa boucle de gameplay se contenant de vous faire avancer, allumer des choses et tirer sur des monstres, le tout bercé par la musique intense et immersive du jeu, parfaite pour se mettre dans l’ambiance lugubre d’une tombe ténébreuse. Mais c’est par la qualité étonnante de son level design qu’il se distingue : si l’unique temple du jeu ne propose aucune idée proprement géniale ou inventive, toutes celles qu’il introduit progressivement fonctionnent à la perfection.
Les premiers tableaux proposent « seulement » de lancer votre torche un peu au hasard pour trouver la prochaine lampe à allumer. Puis, très vite, Lulu’s Temple introduit des mécaniques plus fines : pièges à activer pour dégager le passage, plateformes ne pouvant être franchies qu’à l’aide d’un monstre, blocs activés uniquement quand votre torche éclaire un interrupteur ou encore monstre chapardeur permettant de faire voler votre torche plus haut que vous ne pourriez la lancer en temps normal. Et, miracle, le jeu s’achève pile quand on se dit que toutes ses idées sont épuisées et qu’il n’a plus rien à raconter, son dernier segment avant la conclusion vous proposant une séquence de quelques minutes demandant d’utiliser toutes les mécaniques vues pendant l’aventure. Tout cela pour mener vers le seul très gros point noir de l’ensemble : son boss final relativement hors de propos.
La malédiction du Pharaon
Une des forces de Lulu’s Temple, c’est de se concentrer pendant 90% de son aventure sur son unique mécanique et sur toutes les manières de la faire fonctionner. Jusqu’à vous mettre face à un unique boss du jeu sous la forme assez classique d’un gros machin avec trois phases, une zone de vulnérabilité, une barre de vie… Bref, un boss de jeu vidéo dans sa forme la plus redondante. Pour vous donner une idée du pic de difficulté représenté par ce boss : sur les 1H20 dont j’ai eu besoin pour terminer le jeu, 35 minutes ont été consacrées à liquider cette horreur.
Le souci que je vois dans cette confrontation n’est pas la difficulté du combat en lui-même : il ne propose pas grand-chose de bien compliqué à faire (tirer dans un bouclier puis dans ce qui est derrière le bouclier une fois ce dernier abîmé, en gros). Mon problème, c’est la réalisation à ce moment précis que si Lulu’s Temple est un platformer très astucieux et plein d’idées, c’est aussi un assez mauvais jeu de tir, absolument pas prévu pour que le protagoniste se batte pendant dix minutes contre un machin qui occupe la moitié de l’écran en balançant des monstres et des projectiles dans tous les sens.
La navigation entre les plateformes, les esquives, la hitbox de l’adversaire, les approximations dans les contacts entre le chapeau de notre personnage et les projectiles adverses, la mécanique de torche plutôt inadaptée au puzzle annexe du combat permettant d’empêcher les ennemis d’approcher… Tout dans cette unique confrontation majeure renvoie au fait que le jeu n’est tout simplement pas fait pour ça, et pas du tout pensé pour le gunfight. On vient de passer une heure palpitante à explorer des couloirs tortueux et on finit par vider des chargeurs en boucle sur un gros sac à PV dans un niveau étriqué. Si ce duel ne ruine pas tout à fait l’ensemble, il m’a semblé complètement hors sujet et peine à apporter une conclusion satisfaisante, la sauce étant encore allongée ensuite par une séquence d’évasion finale très en dessous des tableaux de la fin du jeu
Lulu’s Temple a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Lulu’s Temple prouve qu’il est tout à fait possible de faire un jeu court et intense, avec peu de moyens, sans s’éparpiller et en explorant une seule idée sous toutes les coutures. À ce titre, Agelvik nous livre un jeu malin, accessible, fluide et réussissant à apporter des idées vraiment chouettes à sa mécanique toute bête de lumières à révéler. Son final hélas plutôt raté voire contradictoire avec l’ensemble ne doit pas vous empêcher de découvrir cette petite curiosité : l’important ce n’est pas la destination mais bien toutes les ampoules qu’on a rencontrées tout au long du chemin.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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