Il aurait été dommage de ne pas vous parler de la grosse sortie du studio Game Freak sur Switch en cette fin d’année. Pardon ? Pokéquoi ? Non, non, moi je veux vous parler de Little Town Hero, ce petit projet de l’ombre entre puzzle game et simulateur de règles aléatoires, faussement étiqueté RPG qui m’a valu mes plus belles migraines automnales de 2019.
Je ne sais pas bien quelle mouche a piqué Game Freak de vendre sa nouvelle exclu Switch comme s’il s’agissait d’une sorte de petit RPG de poche. A vrai dire, en regardant les trailers du jeu, je n’avais absolument pas compris de quoi il était question et après une quinzaine d’heures sur le titre, je ne sais pas si je suis beaucoup plus avancé. Quelque part entre le Mille Bornes, le poker et le mentalisme, Little Town Hero est sans doute le jeu le plus original auquel j’ai été confronté cette année, et ce n’est pas forcément une qualité. J’aurais sans doute dû le lâcher avant, tant la bizarrerie extrême du titre est une cerise sur le gâteau des nombreux problèmes techniques qui l’accompagnent. Mais il y a un petit fond de génie là-dedans qui m’a fait persévérer encore et encore.
What Time Izzit ? Dazzit [+1/-4 atk~re:launch{if=58#ausecours] Time !
Vous êtes un petit garçon plein d’esprit d’aventure qui grandit dans une ville séparée du reste du Royaume par un gros mur, ce qui a l’air de convenir à tout le monde sauf à vous. Je vous la fais courte, parce que le jeu n’a quasiment pas de scénario cohérent à proposer et multiplie simplement les clichés : des monstres débarquent et vous allez devoir les taper. Si l’habillage peut être assez sympa par moment, le recyclage permanent d’assets et la pauvreté générale de la direction artistique finissent par un peu agacer. Par bonheur, une OST composée par Toby Fox (Undertale) himself et par Hitomi Sato (Pokémon), sauve l’ensemble en y ajoutant de l’épique gentiment niais.
Assez rapidement, le jeu vous lance son étrange système de combat au visage, qui va constituer 90% d’une aventure quasiment intégralement constituée de quêtes fedex insupportables pour les gens du patelin. Et c’est là où, croyez-moi, j’ai failli faire mon premier AVC. Parce que le moins qu’on puisse dire, c’est que pour comprendre ce qu’il faut faire dans Little Town Hero, il faut avoir le cerveau bien accroché. Attention, on inspire un grand coup.
En gros, vous êtes sur un jeu de l’Oie dont chaque case peut vous donner des bonus et des malus environnementaux et, à chaque tour, vous pouvez jouer des cartes pour tenter de contrer celles de l’adversaire. Jusqu’ici, tout est sous contrôle. Vos cartes sont des « izzit » (des idées) que vous devez transformer en « dazzit » (des actions) en utilisant des BP, de plus en plus nombreux à mesure que le combat se prolonge mais que votre stock d’izzit s’amenuise. Ça va toujours ? Bon, alors sachez que les izzit sont de trois types codés par couleur : les attaques, les défenses, et les idées spéciales. Chaque izzit a des capacités passives quand vous le jouez. Chaque carte possède une valeur d’attaque et une de défense, à mettre en regard de l’attaque ou la défense de la carte adverse pour savoir quelle carte disparait du deck. SAUF QUE les cartes d’attaque disparaissent quoi qu’il arrive, les défensives voient leur total de défense se soustraire petit à petit et les spéciales se jouent indépendamment de celles de l’adversaire. Vous commencez doucement à paniquer ? Alors : votre objectif est de créer un « all break » où vous cassez toutes les cartes adverses, afin de pouvoir jouer un « tour de chance » qui, si et seulement si vous avez encore une carte rouge en main, vous permettra d’attaquer le « guts » (disons le bouclier) de l’adversaire. Une fois le bouclier cassé, vous pouvez éventuellement lui ôter un point de vie, SAUF si vous n’avez plus d’idées en stock, auquel cas vous devez utiliser des BP (vous vous souvenez ?) pour vous libérer de l’espace mental, et… Et là normalement vous saignez déjà un peu du nez.
Je me moque mais c’est pas mal
L’extrême complexité déployée dans le système de combat peut se maîtriser avec un peu de concentration mais Little Town Hero imbrique des mécaniques vraiment très farfelues les unes dans les autres, ce qui le rend assez inaccessible à quiconque manquerait un tant soit peu de chill. Il m’a fallu cinq bonnes heures pour arrêter de n’y rien comprendre et réellement me laisser convaincre qu’il y a là-dedans énormément de bonnes idées. A terme, à mesure que le jeu gagne en complexité dans ses combats, on se prend à élaborer des stratégies complexes qui fonctionnent excellemment bien si on arrive à comprendre tout ce que le jeu veut nous faire faire : utiliser les différents éléments du décor, stocker les bonnes cartes pour les bons moments, optimiser les effets secondaires des compétences, etc.
Cependant, cela ne peut se faire qu’en adhérant à la philosophie générale des combats de Little Town Hero que je résumerai en deux points : défensif et interminable. Tous les combats commencent avec seulement trois points d’action, ce qui vous empêche de jouer la moindre carte un peu puissante dans les premiers tours. Pendant dix, quinze, parfois trente minutes, vous devez juste élaborer des stratégies pour ne pas vous faire atomiser, en sacrifiant le nombre de points de guts et de vie et les cartes nécessaires à contrer les attaques adverses le temps que votre jauge de points d’action monte. Et vu qu’à chaque fois que vous avez ôté un point de vie à votre adversaire, son bouclier se recharge, croyez-moi, vous allez avoir de très, très longs tête à tête avec les différents adversaires du jeu. Même pour ceux qui auraient envie de se plonger dans ce système de combat pas si mal foutu, cela peut décourager : la moindre confrontation pourra vous occuper jusqu’à 40 minutes, voire une heure.
Dommage, d’ailleurs, que Little Town Hero ne soit pas un tout petit peu plus radical dans son approche et que Game Freak n’ait pas consacré l’entièreté de son énergie sur ces combats étranges, car le jeu pèche un peu par tout le reste. Assez buggé (quelques freezes, pourtant rares sur Switch, la manette qui devient folle, des chutes de framerate…), parasité par des phases de « roleplay » irritantes, et extrêmement mal écrit, Little Town Hero aurait vraiment bénéficié à ne pas essayer de se faire passer pour un jeu de rôle. Les déplacements dans la ville où se déroule le jeu sont l’illustration parfaite de ces problèmes récurrents : la caméra fait n’importe quoi et vous devez passer votre temps à récolter des « pensées » pour sortir les bonnes phrases aux bonnes personnes, ce qui se résume souvent à lancer en boucle les mêmes dialogues pénibles avec les mêmes PNJ insupportables. A quoi bon ?
Je ne peux cependant pas dire que j’ai détesté Little Town Hero. Je ne l’ai jamais aimé non plus, disons que je me suis habitué à lui. A ses musiques entraînantes, à ses combats mous mais assez satisfaisants en cas de victoire, à sa bonne volonté manifeste. En toute logique, un jeu si complexe avec un emballage si raté aurait dû me tomber bien plus vite des mains. Mais la sensation persistante qu’un peu de vrai talent se cachait sous tout cela, sans doute, a expliqué que j’ai persévéré si longtemps. J’en ressors avec l’impression qu’il y a dans Little Town Hero un plein potentiel pour un second épisode ou un jeu sur le même concept, pour peu que l’ensemble soit beaucoup, beaucoup plus abouti en terme de rythme et d’écriture.
Little Town Hero a été testé sur Switch via une clé fournie par l’éditeur
Little Town Hero est vendu à prix assez modique sur le store de la Switch. Expérience largement déviante de ce que les jeux de cartes ont l’habitude de proposer, je pourrais presque vous le recommander si vous êtes vraiment friand du genre, et que vous n’êtes pas du style à vous laisser décourager par des problèmes de commande et de caméra. Mais le jeu accumule trop de petits défauts de rythme et d’exécution pour transformer l’essai. Dommage, j’ai moi-même fini par abandonner pour aller me racheter un tube d’aspirine.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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