Développé depuis près de dix ans par Edd Paris au sein du microstudio So Romantic, Jack Move est un RPG cyberpunk à la structure classique, mais au système de combat très travaillé.
Jack Move, autant le dire tout de suite, est un jeu qui fait face à des problématiques frustrantes. Loin d'être un jeu indé (il est édité par HypeTrain Digital), il se heurte à des problèmes de marketing et de production assez évidents, s'incarnant en partie par des promesses pas tout à fait tenues et une traduction en français qui frise le ridicule. Ceci mis à part, il s'agit également d'un jeu bourré de bonnes idées qui sait se montrer généreux sans s'éparpiller et sans tirer à la ligne. Quitte à ne pas non plus se démarquer assez de l'immense masse des jeux à thématique cyberpunk qui saturent le marché du jeu vidéo depuis quelques années. Bref, comme on dit et comme on vous encourage généralement à faire sur ce site, lisez la review (ça tombe bien, elle est juste en dessous).
Une aventure à la Noa
Jack Move est un jeu qui mise bien davantage sur son système de combat et sur sa direction artistique que sur son scénario assez bref et ramassé, même s'il faut tout de même louer les efforts de mise en scène du jeu pour nous inclure dans son univers : à la fin du XXè siècle, une tempête solaire a fait griller tous les appareils technologiques. Cent ans plus tard, alors que la société s'est globalement effondrée, le nombre de gens capable de faire fonctionner des appareils technologiques reste assez limité. D'un côté, une mégacorporation à néons violets qui opprime le peuple. De l'autre, des hackers antigouvernementaux qui utilisent une cybertechnologie inspirée des années 90 pour combattre le pouvoir, dans ce qui ressemble un peu à du VHS-punk. Rien qui ne se démarque beaucoup des esthétiques cyberpunk habituelles, mais bon, c'est fonctionnel.
Dans Jack Move, on suit les déboires d'une jeune pirate du nom de Noa, qui vit de petits cyberlarcins pour le compte de son meilleur ami le hacker Ryder, et pour celui de son oncle, un riche mécène vivotant en peignoir au premier étage de son bar. Un beau jour, Noa se réveille pour découvrir la police en train de saccager son appartement, et comprend que son père, avec qui elle est brouillée, a été kidnappé. Commence alors un périple qui emmènera notre jeune hackeuse aux quatre coins de la ville, des inévitables taudis pleins de punks à crête aux hautes tours surplombantes du monde des riches, forcément arrogants et cruels.
Vous avez déjà lu ou vu une œuvre cyberpunk ? Vous connaissez déjà Jack Move. Akira, Blade Runner, Ghost in the Shell, et bien entendu le Neuromancien de Gibson, ils sont tous là. On retraverse les mêmes étapes, les mêmes clichés et les mêmes rebondissements, mais cette apparente banalité est plutôt à mettre au crédit du jeu : certes, on se vautre dans le référentiel, mais c'est au service d'un univers plutôt vivant, d'une héroïne attachante et d'un scénario qui fait le pari de rester simple et efficace. On boucle l'aventure en moins de dix heures, elle reste cohérente, et le tout est servi par des séquences d'action plutôt efficaces. On aimerait que davantage de jeux de cet acabit fassent ce pari d'aller aussi directement et aussi simplement droit au but, sans s'éparpiller.
L'ont beugné la Matrice, l'était impecab'
Vous l'aurez compris à l'énoncé de ce pitch simple et classique : on est surtout là pour la bagarre. Formellement, Jack Move est un jeu qui vous demandera pour l'essentiel d'explorer des donjons (casses, taudis, laboratoires, mondes virtuels, etc.) et d'y casser la gueule à tout ce qui passe. Le système de combat a pour principale originalité de se dérouler au tour par tour à l'image des JRPG des années 90, mais de ne vous donner le contrôle que d'un unique personnage. Loin d'être lassant, le fait de ne contrôler que Noa est largement compensé par le système de combat, particulièrement malin.
Pour combattre dans ce qui s'apparente à des joutes de piratage informatique, Noa peut utiliser du hardware (des compétences passives), du software (des compétences actives), des objets et de la violence physique pure et simple. Chacun des sous-systèmes est lié aux autres et à un des trois éléments du jeu. Cela donne une latitude assez large à la « programmation » du système de combat de Noa, permettant, pour peu qu'on s'y penche un peu, de déclencher des combos dévastateurs. Par exemple, en installant à la fois un système d'accélération des actions et un système de duplicata des compétences vous permettant d'agir plus souvent et de cibler les ennemis en groupe. Vous pourrez aussi opter pour des compétences plus défensives et tout miser sur des contres.
Point fort incontestable de Jack Move, ce système de combat est particulièrement amusant et vous pousse à alterner entre les différentes compétences, ces dernières ayant leur propre barre d'XP. On est un peu paumé au début, mais très rapidement, on s'amuse à expérimenter et à trouver les combos les plus efficaces. Il est assez rare que les combats du jeu soient ennuyeux, d'autant plus qu'ils sont rythmés par la musique électro endiablée de Fracture. Seule exception, révélatrice des petits problèmes qui plombent l'ensemble : les combats de boss, interminables, et témoins du manque d'équilibrage et de polish qui parasite l'aventure.
Je deviene cyberfous
Deux choses m'empêchent de considérer Jack Move comme un jeu pleinement réussi, malgré le côté très sympathique et novateur de l'ensemble. Premièrement, cet invraisemblable manque d'équilibrage qui ternit largement le fun des combats, peu importe le niveau de difficulté choisi. Pour faire simple : la plupart des ennemis du jeu sont assez inoffensifs pour peu qu'on comprenne leur logique, boss compris. Mais ces derniers sont d'improbables sacs à PV qui vont vous conduire à les utiliser comme des sacs de frappe parfois pendant des dizaines de minutes sans qu'ils ne s'avouent jamais vaincus. Je me suis retrouvé ainsi face à un boss à qui j'infligeais à chaque tour pas loin du maximum de 9999 points de dégâts et où tout ce que j'avais à faire était de me soigner régulièrement, sans autre stratégie particulière. Dommage, vu la qualité admirable du système de combat. Un défaut qui témoigne d'un léger manque de finition qui se retrouve aussi dans les nombreuses quêtes secondaires du jeu, généralement confuses et pas très intéressantes.
Mais il y a plus grave : Jack Move est un jeu qui me semble être assez mal accompagné par son éditeur. Vendu comme un « JRPG » (ce n'en est pas un), le jeu se permet de balancer certains de ses twists scénaristiques dans le descriptif de la fiche du jeu, de présenter des features qui ne sont pas tout à fait présentes dans l'aventure finale ou qui ne le sont que de manière marginale (la présence d'espaces virtuels, par exemple). Plus gênant encore, le jeu propose une traduction en français (et c'est sans doute pareil dans d'autres langues) qui frise le ridicule : phrases incompréhensibles, calques depuis des expressions idiomatiques anglaises, dialogues abscons, propos qui se transforment petit à petit en charabia… Et même quelques jolis contresens dont on se serait bien passé. Certaines cutscenes semblent même avoir été vite fait passées dans Google Trad sans bénéficier ensuite d'aucune forme de relecture, ce qui donne des séquences extrêmement pénibles bourrées de galimatias incompréhensibles bourrés de fautes d'orthographe et de grammaire. Le témoignage assez consternant d'un jeu prometteur qui aurait mérité mieux pour trouver plus naturellement son public.
Jack Move a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch
Titre sans prétention à être le jeu de l'année, mais plutôt malin et généreux, Jack Move est une bonne surprise. Une bonne surprise qui, hélas, manque un peu de finition et d'accompagnement pour être livrée dans l'écrin qu'il mérite. Dégradé par des problèmes de finition, d'équilibrage et de traduction, le premier jeu commercial de So Romantic donne un sentiment d'inachevé et laisse finalement l'impression d'un produit sympathique, mais qui aurait dû être bien meilleur encore. C'est dommage.
Les + | Les - |
- Univers classique, mais efficace | - Traduction calamiteuse |
- Système de combat brillant | - Équilibrage un peu raté |
- Direction artistique charmante |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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