Chose à ne pas se dire en commençant Deliver Us Mars : “Encore une autre œuvre de science-fiction basée sur l’installation de l’humanité sur Mars”. Parce que c’est passer à côté des réussites du jeu, notamment dans son propos. Parce que c’est oublier qu’il est une suite. Et parce que c’est manquer les évidentes faiblesses qui affectent un certain nombre d’éléments.
Chose à dire plutôt : “Deliver Us Mars offre une expérience sympathique, mais qui varie selon les attentes, allant globalement de très cool à médiocre”. On va voir pourquoi, car ce statut un peu indéfini du jeu se retrouve tout de même dans pas mal de ses éléments. C’est aussi une conséquence de son statut, le titre étant comme je le disais une suite, celle de Deliver Us the Moon. Or, on sait que dans les milieux artistiques et forcément, dans le jeu vidéo, c'est un choix tentant, mais parfois risqué. Un choix qu’a fait KeokeN Interactive avec un peu plus d'ambitions suite aux bons retours de Deliver Us the Moon. N’ayant joué qu’à Deliver Us Mars, j’ai quand même été regarder, après, ce que proposait le jeu précédent pour me faire un avis et bien comprendre l'ensemble de l'histoire.
Mars Contact
Kathy voit son père s’envoler dans un des fleurons de la technologie humaine à travers l’espace alors que sa sœur Claire la rattrape. Cela signe la fin d’un tuto étrange qui se veut un peu un prologue de la vie des Johanson, dont l'histoire familiale reviendra à plusieurs moments de l’aventure sous la forme de flashbacks jouables. Des instants importants qui vont impacter le déroulement du jeu et sur lesquelles on repassera en fin de critique. Quelques années après ce prologue, la petite Kathy a bien grandi et se retrouve membre, comme son père avant elle et surtout comme sa sœur, de la World Space Agency (WSA) toujours présente sur Terre.
Après quelques séquences de prise en main du gameplay, elle se retrouve au cœur de la mission qui cherche à comprendre pourquoi un message a été émis depuis Mars. S'ensuivent quelques péripéties et la voici embarquée dans la fusée Zephyr qui doit l’amener, aux côtés de Claire Johanson, Ryan Delyanin et Sarah Baker, sur la planète rouge. Je ne vous dévoile pas la suite, mais ça ne se passe pas comme prévu et notre chère Kathy se retrouve seule sur Mars avec quelques soucis pour recontacter les autres. C’est à partir de ce moment que Deliver Us Mars montre ce qu'il fait de mieux : nous offrir une ambiance SF prenante. Cela passe par une sensation de solitude bien retranscrite, que ça soit dans les extérieurs vides, face aux immenses structures installées sur la surface de Mars, ou à l’intérieur de celles-ci.
Le jeu ne brille pas par des graphismes ultra-réalistes, on est loin du remake de Dead Space bien sûr, mais il y a de vrais efforts effectués sur les environnements, et sur de plus petits détails comme la combinaison de la protagoniste ou les tableaux de bord et autres machineries de manière générale. Ce qui n'empêche pas des soucis techniques évidents : une dizaine de PNJ présents au début du jeu qui se déclinent en seulement 2 modèles, des textures qui ne s'affichent pas toujours correctement, et le rendu des visages, très en dessous du reste. Des difficultés liées à la relative inexpérience dans ce domaine et les moyens un peu limités du studio. Mais en somme, pour peu qu’on aime l’espace et l’exploration spatiale, il y a beaucoup d’instants contemplatifs permis aussi par une BO de grande qualité qui nous accompagne à merveille dans les moments intimistes comme dans ceux plus “tape-à-l'œil”. Ces moments s'inscrivent dans les nombreuses phases de narration, et sont aussi là pour couper les phases de gameplay plus actives, à base de recherche d’hologrammes, de résolutions d’énigmes, et d’escalade.
Trimballe et un Mars
Deliver Us Mars reste avant tout un jeu orienté narration où on bouge beaucoup. La narration que l'on perçoit donc en premier lieu est environnementale, via l’état des structures et bâtiments, mais aussi le chaos ou l’abandon qui règne dans certaines pièces. En second lieu, elle est plus directe, entre les personnages principaux évidemment, mais aussi avec la découverte de petites conversations secondaires entre les gens qui vivaient sur place et surtout des hologrammes enregistrés, qui dévoilent des morceaux de discussions nécessaires à la compréhension de ce qui s’est déroulé. Toutefois, l'aspect dénaturé de cette forme de communication nous sort un peu de l'histoire et cela peut être parfois compliqué pour vraiment prendre en considération les enjeux qu'on nous présente. C'est au moins atténué côté audio par un doublage de grande qualité et y compris pour l'excellente version française.
À côté de cela, notre progression est régulièrement interrompue par des mécanismes à réalimenter. Des puzzles bien pensés, efficaces et plutôt faciles d’accès, même si certains ne sont pas évidents et nécessitent d’avoir acquis les règles de résolution des précédents. Notamment s'agissant des transmissions d'énergie pour alimenter les mécanismes. Cela nous fera aussi de temps en temps contrôler AYLA, notre robot compagnon, afin d'atteindre des endroits sans cela inaccessibles. C'est bien intégré et on regrette même un peu que ces moments à voler librement en le contrôlant ne soient pas plus nombreux.
S’ajoutent enfin des phases de plateforme et d’escalade avec l’utilisation de deux piolets. L’expérience ici est plus mitigée. Pour les passages de grimpe, cela vire même souvent à la frustration, car les contrôles ne répondent pas de manière assez réactive et la limite entre une zone où planter les piolets et où c'est impossible n’est pas toujours claire (oups, vous avez déjà commencé votre mouvement et vous voilà dans le vide et donc mort(e)). Peu importe d’ailleurs que vous soyez au combo souris/clavier ou à la manette. Tous les moments de plateforme ne sont pas à jeter, et on peut saluer le principe de ne pas s’être contenté de QTE, mais ce n’est pas là où l’expérience sera la plus fun.
Presque seule sur Mars
Il reste désormais à revenir sur le propos du jeu et pour cela, on va se pencher sur deux aspects liés à la notion de foyer. Le premier, c'est dans l'aspect global. Le contexte du jeu pose que dans un futur pas si lointain, la Terre s'assèche et semble irrémédiablement condamnée. À l'instar de beaucoup d'autres œuvres de SF, Deliver Us Mars nous montre l'espace, son exploration et sa conquête pour mieux nous rappeler à quel point la Terre est fragile et précieuse. On le retrouve en toile de fond des discussions consultées via les hologrammes. Des questionnements éthiques autour de l'humanité, de sa capacité à s'entendre et à survivre sur ce qui reste notre seul foyer, avec des rappels récurrents aux problématiques extra-ludiques bien réelles de changement climatique.
Le second point, c'est l'aspect intimiste. C'est le cas des petits messages trouvés dans les bâtiments qui témoignent de morceaux de vie, mais surtout des passages de retour vers l'enfance de Kathy. L'une des forces de Deliver Us Mars est cette habileté à inscrire un drame familial et les relations complexes nées de celui-ci dans une grande aventure spatiale. On y retrouve quelque chose d'un peu "interstellar-esque" dans le traitement narratif de la distance, de l'abandon, et de la figure du père et des relations inégales qu'il entretient avec ses deux enfants. La mission de Kathy à la WSA est de voler vers Mars et pourquoi pas l'espoir d'y trouver de quoi sauver la Terre, mais elle a en tête quelque chose de bien plus personnel. Les alternances entre présent et passé par les flashbacks nous prouvent à quel point elle reste hantée par le souvenir de son ancien foyer, son cocon familial et qu'elle continue de lier le destin de sa famille à celui de la planète entière.
Ces deux notions trouvent même une résonance particulière et encore plus forte lorsque le mystère autour du signal martien est dévoilé et que toutes nos interrogations ou presque trouvent une réponse. Des conséquences inattendues pour la Terre, mais aussi pour Kathy qui, après une aventure à avoir consulté les figures quasi fantomatiques que constituent les hologrammes, voit ressurgir d'une façon bien plus concrète le spectre de son propre passé et, avec, la nécessité d'y faire face.
Deliver Us Mars a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur PS5, PS4, Xbox One et Xbox Series.
Deliver Us Mars est un jeu très intéressant dans sa construction narrative. Se voulant plus ambitieux que son prédécesseur, il offre une aventure de qualité, bien rythmée par de petits puzzles équilibrés et avec des environnements, spatiaux comme martiens, variés. Des lacunes transparaissent toutefois au niveau de certaines phases de gameplay et d'animations (surtout les visages). On espère que le studio aura les moyens de ses ambitions si un troisième épisode venait à voir le jour.
Les + | Les - |
- Narration travaillée et intelligente | - Beaucoup de références au premier opus ce qui peut être déroutant |
- Des environnements variés et une ambiance prenante | - Visages et certaines textures pas au niveau |
- Doublages de qualité | - Gameplay d'escalade perfectible |
- Petites énigmes bien pensées |
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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