Excepté une certaine série d’action RPG polonais et une poignée de point’n’click Sherlock, le jeu vidéo a tendance à être frileux concernant les adaptations de livres. Entre en scène Les Piliers de la Terre, adaptation épisodique d’un pavé de 1000 pages, par les allemands de Daedalic.
Resituons déjà le machin. Les Piliers de la Terre est un roman historique publié en 1989, écrit par Ken Follett, qui nous avait, à l’époque, plus habitué au roman d’espionnage. Le roman suit le destin de plusieurs personnages, dans le prieuré fictif de Kingsbridge en Angleterre, au XIIe siècle et suit la construction de la cathédrale du coin. Comme ça prend du temps à bâtir ce genre de choses, l’intrigue se déroule entre 1120 (après le naufrage de la Nef Blanche, qui laissa la couronne d’Angleterre sans héritier et entraîna une légère guerre civile) et 1170 avec l’assassinat de Thomas Beckett dans la cathédrale de Canterbery. Jetons donc un œil à ce premier épisode (note : nous ne testerons que ce premier épisode, et nous ferons un bilan à la fin de la saison, il n’est pas forcément utile de faire un test exhaustif de chacun des épisodes).
Il est venu le temps …
De commencer la critique (vous l’avez en tête maintenant). Les Piliers de la Terre est un bien beau matériel de base, qui, s’il n’a pas forcément l’attrait d’une grande saga de fantasy pour le grand public, a le mérite d’être une fresque grandiose dans une époque trop souvent caricaturée comme sombre et arriérée. Daedalic a choisi la sécurité en adaptant la chose : un point’n’click, calqué sur la recette Telltale, sans forcément trop d’innovations. Avant de se plonger dans le gameplay, on va jeter un œil à l’ambiance générale de ce premier épisode. Saluons le très beau travail des artistes de chez Daedalic qui nous ont pondu des paysages et des décors de toute beauté, peints, profonds, plein d’ambiance, qui donneraient presque froid dans ce premier épisode en plein hiver rude et violent. Les personnages ne sont pas en reste, tous très bien caractérisés, même si on peut regretter un certain balai dans les entrailles lorsqu’il s’agit de bouger et que la synchronisation labiale soit inexistante.
Le style est très littéraire, sans être incompréhensible, la version que j’ai pu tester étant non doublée mais sous-titrée en français (avec deux trois erreurs de traduction). Telltale-like oblige on nous offre des choix. Impossible de savoir s’ils seront significatifs, ces premières heures de jeu n’étant qu’une grosse introduction pour présenter les personnages, les enjeux, et tout le bazar qu’est l’Angleterre de cette époque. Après chaque chapitre, au nombre de sept, le jeu aura le bon goût de vous résumer vos choix, et ne vous enquiquinera pas avec « UNTEL SE SOUVIENDRA DE CA » à chaque fois que vous envoyez paître le moindre personnage, car, franchement, on s’en fout. Comme toujours, vous ferez face à des choix binaires : aider machin, trahir bidule, soutenir truc, tout ce bazar. A la fin de la série je doute que la situation soit si différente de ce qu’il se passe dans le livre, mais ce n’est pas franchement le but de la chose. Le jeu cherche principalement à vous montrer une Angleterre médiévale réaliste, et en essayant de se détacher des clichés habituels de l’époque. Soyons honnête ce n’est pas ultra réussi pour l’instant, nous avons notre lot de bouseux, de bigots demeurés, et de « regardez comme le Moyen Âge c’est violent ma bonne dame ». Après, l’époque n’était pas à l’utopie non plus, et des personnages cultivés comme Tom le Bâtisseur ou le Prieur Phillip suffisent à peindre une époque bien plus complexe que les clichés laissent entendre.
« Un APM de un…demi »
Si vous trouvez les Telltale ennuyeux à jouer, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous : les Piliers de la Terre c’est pire. On n’est pas loin du dessin animé à peine interactif. En gros vos actions se limiteront à : bouger, cliquer sur des trucs (5 grand max par tableau) avec d’autres machins pour faire avancer l’intrigue, parler, beaucoup, et faire occasionnellement un QTE basé sur les réflexes (pas besoin d’être Spider Man). Et. Puis. C’est. Marre. Il faut réellement aimer ce genre de chose, et nul doute que ça va encore relancer l’éternel débat « MUH C’EST PAS DU JEU VIDEO ». Ce à quoi je répondrais : si. Merci. On se revoit plus tard ?
Non, plus sérieusement. Qu’est-ce qu’un jeu vidéo ? A la base je comptais partir sur la définition du Larousse, histoire de mettre tout le monde d’accord. Mais faisons un truc plus personnel. Donc un jeu vidéo c’est : une œuvre, se jouant sur un support numérique (PC, console, mobile, borne d’arcade et j’en passe), faisant interagir le joueur avec un environnement virtuel, pour faire avancer l’intrigue, ou simplement progresser de niveau. On peut rajouter deux trois fioritures comme la notion d’échec, qui est souvent vue comme un pilier du média. Gardons la première partie et comparons avec ce que propose les Piliers de la Terre : c’est une œuvre, qui se joue sur un support numérique, qui fait interagir le joueur avec un environnement virtuel, pour faire avancer une intrigue. Donc : Les Piliers de la Terre c’est un jeu vidéo. C’est peut-être un jeu vidéo light, à la limite du dessin animé, mais ça reste un jeu vidéo. Après libre à vous de ne pas apprécier le genre.
Au final les Piliers de la Terre n’est pas désagréable du tout à jouer. Servi par une direction artistique de toute beauté, ce premier épisode nous balance dans une Angleterre médiévale sombre, froide, mais pas dénuée de poésie et d’espoir. Evidemment on peut reprocher quelques défauts comme des personnages un peu rigides, et surtout l’absence de synchronisation labiale, qui font un peu mal au milieu d’une si jolie direction artistique. Notons également quelques bugs, mais rien de terrible, et qui ne cassent en rien le jeu. Reste à voir les effets des choix sur le reste de la saison (qui fera trois épisodes, le premier m’ayant pris 6 bonnes heures, ça va), mais pour l’instant ça ressemble bien à une jolie adaptation d’un classique de la littérature historique.
Tritri
Paradox, trains, Paradox, city builder, Paradox, espace, Paradox. Je suis un homme simple, aux goûts simples. Paradox.
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