Revisite repensée et amplifiée de Bright Memory, un FPS chinois sous forme de démo technique conçue par un unique développeur, Bright Memory : Infinite est une des expériences les plus pénibles de l’année. Ce n’est pas tout de sortir des jeux à la pelle, encore faudrait-il les terminer avant de les vendre, développeur solo ou non.
Il a été tout sauf simple d’obtenir une build jouable de Bright Memory : Infinite. C’est le genre de cuisine interne que je n’aborde que rarement, mais disons qu’au moment où je m’apprêtais à écrire cet article en déplorant notamment que la copie du jeu qui nous a été envoyée ne fonctionnait tout simplement quasiment pas passé un certain chapitre, les développeurs nous ont fait parvenir un correctif… Qui n’a pas amélioré grand-chose. Mais au moins ai-je pu aller jusqu’au bout d’une aventure qui se plie en moins de trois heures, bugs et ralentissements compris. S’il est toujours désireux de se faire passer pour l’un des plus beaux jeux de l’année et a quelques jolis screenshots à offrir, ce n’est pas la même mayonnaise une fois le pad entre les mains. Chaotique, illisible, buggé jusqu’à la moelle, bienvenue dans Bright Memory : Infinite.
Shelia que tout dérape
Bright Memory : Infinite nous place dans un futur proche dans les pas de Shelia, agent secret/ninja travaillant pour un organisme chargé de faire toute la lumière sur des phénomènes paranormaux. De manière jamais bien claire, Shelia se met en quête à la fois d’un général renégat nommé Lin et de l’origine d’un mystérieux trou noir qui absorbe la matière autour de lui mais fait apparaître des soldats chinois médiévaux, et on y comprend pas grand-chose parce que tout le scénario de Bright Memory : Infinite semble avoir été écrit au petit bonheur la chance.
Cependant, on est dans un fast FPS, je ne m’attendais pas vraiment à du Hemingway. Disons simplement qu’en termes d’immersion, c’est souvent quand même mieux quand on comprend vaguement ce qu’on est supposé faire. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’on est une sorte de cyberninja avec un katana et quatre gros flingues, et qu’on va devoir, pour l’essentiel, avancer tout droit en tirant sur tout ce qui arrive en face : soldats, bateaux, avions, statues vivantes, démons, etc. Bright Memory : Infinite est pour l’essentiel un couloir décérébré où on avance sans réfléchir, la gâchette de tir enfoncée en alternance avec celle permettant de donner de grands coups d’épée dans le tas.
Brutal et rapide, vous me direz que c’est un peu ce qu’on attend d’un jeu du genre ? Oui, peut-être, mais Bright Memory : Infinite cumule l’exploit de se finir en trois heures douche comprise ET d’avoir d’étranges phases de temps morts, FYQD-Studio ayant cru devoir alterner phases de shoot et divers autres gameplay pas franchement fonctionnels. Au fil des chapitres du jeu, Shelia va donc s’essayer au parkour (bon courage), faire des acrobaties avec un grappin (quand le QTE se déclenche), conduire une voiture (de 800 tonnes) ou encore s’infiltrer (mollement) avec un couteau de boucher dans une garnison adverse. Aucune de ces phases ne fonctionne très bien : en dehors des quatre petites armes du jeu qui délivrent des sensations et des retours acceptables, tout est très brouillon, imprécis et lourdement plombé par des bugs en pagaille.
T’es beau (quand tu marches)
Bright Memory : Infinite, qui a misé tout son marketing sur ses qualités esthétiques et sa gestion du ray tracing, est effectivement plutôt beau, et son premier chapitre tourne admirablement, même sur une petite configuration (pour peu qu’on fasse quelques compromis graphiques en triturant les options). Le problème, c’est que la belle vitrine constituée par la première demi-heure de jeu vole en éclats assez rapidement.
Framerate ultra-instable, personnage qui traverse les murs, textures qui se transforment en bouillie illisible… Plus on avance et plus on se retrouve face à une expérience injouable, parfois de manière très littérale. En effet, il m’est arrivé (même après le fameux correctif envoyé par l’éditeur) de ne pas pouvoir lancer un chapitre ou recharger une sauvegarde sans un vilain retour Windows avec une notification de crash d’Unreal Engine. Plus fréquemment, des QTE dysfonctionnels et autres bugs de collision ont rendu certains combats parfaitement injouables, et il est arrivé que Shelia se fasse plomber à mort alors que j’essayais désespérément de la désincarcérer d’un mur en béton dans lequel elle s’était encastrée.
Bright Memory : Infinite étant de plus en plus cassé à mesure qu’on approche du générique de fin, j’en ressors avec l’impression très désagréable de jouer à un produit dont le développement n’est tout simplement pas achevé. Certains détails ne trompent pas et trahissent un jeu sorti à la va-vite : les bonus qui se rechargent à l’infini après des checkpoints et permettent de remplir tout l’arbre de compétences de Shelia juste en se suicidant en boucle, à l’inverse de votre stock de munitions qui lui continue de diminuer si vous perdez en continu contre un boss, par exemple. Dans les deux cas, c’est absurde, et c’est un détail élémentaire de gameplay qui ne devrait pas passer une version alpha, encore moins se retrouver sur une version 1.0 vendue au prix fort.
La responsabilité éditoriale
Pas la peine de disserter beaucoup plus longtemps sur Bright Memory : Infinite qui est un jeu trop incomplet pour en dire grand-chose à part « ne l’achetez pas ». Il ne manque pas d’idées, mais moi après quatre pintes non plus et croyez-moi, vous ne voulez pas payer pour voir ça. Ce qui attire davantage mon attention dans ce marasme, c’est le fait que contrairement à ce que le descriptif du jeu laisse entendre, FYQD-Studio n’est pas seul dans cette aventure : le jeu est localisé, édité, supposément suivi et débuggé par Playism, éditeur japonais spécialisé dans l’accompagnement de la scène indé en Asie. Playism s’occupe d’ailleurs autant de trouver des débouchés aux productions occidentales au Japon que l’inverse. En l’occurrence, leur job était de rendre Bright Memory : Infinite jouable à l’international. Voire jouable tout court.
Deux remarques : contrairement à ce qui est annoncé sur la page Steam du jeu, Bright Memory : Infinite ne dispose pas de VF mais uniquement d’une version anglaise… Qu’il faut dénicher en allant farfouiller au hasard dans les options (sauf si vous lisez les idéogrammes chinois). Passe encore. Mais pour qu’un éditeur installé depuis une décennie accepte de sortir un jeu qui crash, plante, rame et ne tient globalement aucune promesse passé son premier quart, on peut se demander à quel point son travail d’accompagnement, de curation et de support a été effectif. C’est simple : en l’état, Bright Memory : Infinite ne devrait figurer au catalogue de personne et devrait retourner en développement pour revenir une fois terminé, histoire qu’on ait quelque chose à en dire. En l’état, c’est à fuir.
Bright Memory : Infinite a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Des jeux comme Bright Memory : Infinite, on en voit passer un peu trop depuis quelques années. Beaucoup de bonnes intentions au départ, beaucoup de perplexité à l’arrivée. Si la promesse d’un jeu vraiment beau est parfois remplie, tout le reste est horriblement frustrant, voire injouable. Pire, Bright Memory : Infinite frise l’arnaque quand on compare son début très honorable et presque plaisant avec sa seconde moitié, indigente et expédiée en quelques dizaines de minutes. Une telle catastrophe ne devrait pas arriver pour un jeu édité et distribué par un aussi gros portefeuille que Playism, et l’affaire mériterait un post mortem pour qu’on puisse comprendre comment cela a pu arriver.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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