Nouvelle production du studio JoyMasher, une petite équipe de brésiliens spécialisés dans le genre, Blazing Chrome est un run and gun tentant de reproduire les sensations des classiques du genre (Turrican, Contra...) : on avance, on tire dans tous les sens sur des monstres affreux, et on ramasse des bonus pour tout péter avec encore plus d’efficacité.
Cloner un concept qui a fait la gloire d’une décennie de jeux d’action, pourquoi pas. Mais en faire quelque chose qui dépasse la simple copie carbone vouée à tomber anonymement dans les entrailles de Steam avec toutes les autres, c’est mieux. Tout l’enjeu quand j’ai lancé ma copie du jeu sur Switch était là : est-ce que le gameplay serait assez carré et l’univers assez riche en personnalité pour me donner l’envie d’y revenir encore et encore comme cet enfant que j’étais et qui a dépensé bien trop d’argent de poche dans la salle d’arcade du coin pour tenter (en vain) de mater Metal Slug ? Eh bien… J’aimerais ne pas vous donner une réponse de normand, mais Blazing Chrome s’acharne à souffler le chaud et le froid avec une régularité presque hypnotique.
Dans le fond tout ce qu’on veut c’est péta des robots
Blazing Chrome ne fait ni dans la subtilité ni dans la dentelle pour se présenter au joueur : c’est le futur, l’Humanité a quasiment disparu, la Terre est envahie par les robots, tout va à vau-l’eau et vous allez devoir tout casser pour réparer ça. On est plus proche du nanar italien des années 80 que des envolées lyriques d’Horizon Zero Dawn et c’est tant mieux. L’intro du jeu nous met tout de suite dans le bain à l’image de ce que faisaient ses grands modèles, qui misaient bien plus sur l’ambiance que sur un storytelling complexe.
Le jeu se présente en cinq missions (dont les quatre premières sont réalisables dans l’ordre souhaité par le joueur), toutes articulées plus ou moins selon le même concept : vous devez aller de la gauche vers la droite, en explosant tous les robots à l’aide de votre gros flingue modifiable par diverses options disséminées çà et là dans les tableaux. La formule est efficace.
Les missions durent entre quelques minutes si vous connaissez le niveau par cœur et une bonne demi-heure si vous êtes un gros mauvais comme moi, et force est de constater que ces minutes sont fort bien remplies. En travaillant la densité de ses différents tableaux, les développeurs de Blazing Chrome livrent une expérience intense. Les phases de plate-forme s’enchaînent, les boss sous forme de robots organiques répugnants occupent tout l’écran, on fait de la moto, du jet-pack, ça explose de partout, au moins, rien à reprocher de ce point de vue. Mais sous ses aspects rutilants et pétaradants, force est de constater que le jeu de JoyMashers présente quelques aspérités qui ont un peu plombé mon expérience.
Blazing Chrome a cessé de fonctionner
Saturer l’écran d’ennemis, c’est bien. Faire en sorte que ma pauvre Switch ne tombe pas sous les 5 images par seconde quand ça arrive, c’est mieux. Certaines missions présentent, du moins sur cette plate-forme, des défauts de performance assez irritants. De plus, la maniabilité de Blazing Chrome manque clairement de polish : difficile de viser en diagonale, difficile de passer de l’attaque à distance à l’attaque courte, pourtant obligatoire contre nombre d’ennemis rampants. La gestion des bonus et des upgrades est assez confuse, et toutes les armes ne fonctionnent pas comme elles le devraient.
Néanmoins, ces petits défauts ne sont rien face au principal écueil de Blazing Chrome : en voulant coller au plus près de la mémoire de ses grands modèles, le studio s’empâte dans un level design et une direction artistique assez génériques, qui manquent cruellement du charme qui permettrait de s’en souvenir ne serait-ce que dans six mois. Quelques jours après avoir terminé le jeu, si je me souviens encore très bien de quelques moments forts sur lesquels je reviendrai, je suis quasiment incapable de savoir à quelle mission appartenait telle capture d’écran. On traverse une bouillie de rouille et de ruines grisâtres vaguement thématisées (le train, la neige, la grotte mecha-organico-dégueue, la ville en ruine…), mais tout ressemble à un Romhack de Super Probotector.
Je suis d’ailleurs toujours empreint d’une certaine ambivalence à ce sujet. Je me vois mal reprocher à un studio qui essaye de reproduire l’expérience des jeux d’action d’antan d’être aussi proche du rendu d’époque, mais Blazing Chrome présente parfois des situations SI génériques qu’une certaine forme de lassitude ou de passivité oculaire s’installe. J’aurais, sans doute, aimé un peu plus d’audace, de folie, de couleurs, d’arrière-plans variés ou de monstres un peu plus marquants. Pour que l’aventure proposée présente, disons, davantage de souffle, et reste plus longtemps imprimée dans ma mémoire.
Un cœur qui bat sous toute cette rouille
Je ne doute cependant aucunement de la générosité des créateurs de Blazing Chrome. Chaque mission a ses moments marquants, et d’agréables petites variations de gameplay : ainsi, une mission vous fait piloter une moto (avec des phases de plate-formes assez peu précises, hélas). Une autre place la vue de derrière et vous colle dans un jet-pack, façon Space Harrier. Une autre fois, on vous fera piloter un robot à la physique et aux armes différentes du soldat à pied.
Ces moments sont rares, courts, et ne présentent pas toujours une maniabilité très heureuse, mais il est évident que les équipes de JoyMasher ont travaillé avec cœur et sincérité sur Blazing Chrome. L’amour du produit, la générosité des propositions, le soin apporté à la musique et à certains détails, la scène d’introduction très soignée, tout dans ce jeu renvoie à la vision sincère de ses créateurs.
On appréciera particulièrement, d’ailleurs, que la modulation de la difficulté (nombre d’ennemis, continues infinies ou non, présence de checkpoints) permette à tout un chacun de progresser dans le jeu, y compris ceux qui, simples touristes comme moi, ne visent ni les 100% d’achievements, ni le score parfait sur tel ou tel tableau. Un joueur hardcore y trouvera son compte et pourra pousser le challenge à l’extrême, et un gogo tel que votre serviteur pourra sans peine voir le générique de fin si ça lui chante.
Blazing Chrome aurait sans doute valu, à la grande époque de l’arcade, que vous y mettiez une bonne poignée de pièces de dix francs, et est vendu une petite quinzaine d’euros. Il me semble que tout fana de jeu d’action un peu rétro se doit de ne pas faire l’impasse sur ce petit bijou certes abîmé, mais confectionné avec amour.
Blazing Chrome a été testé sur Switch, via une clé fournie par l’éditeur. Les ralentissements observés sur Switch ne semblent pas avoir cours sur les autres plates-formes.
Les retours des joueurs sur Blazing Chrome sont globalement excellents, la plupart des fans de jeux d’action des années 90, explicitement visés par le titre, semblant y avoir trouvé leur compte. Étant moi-même peu client de ce genre de jeux, je ne peux que lui reconnaître ses belles qualités et son sens du détail, mais je regrette tout de même les divers bugs et la maniabilité souvent peu précise qui m’ont poussé à m’irriter plus souvent que de raison là où j’aurais dû profiter de l’action non stop. Pour peu que vous soyez dans la cible du jeu, il n’y a pas de raison que la poignée d’euros demandée par le titre ne vous fasse pas passer quelques heures intenses. Ce n’est pas mon cas, et c’est à peu de choses près que le titre des brésiliens de JoyMasher m’a laissé sur le carreau. Dommage !
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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