Qui, ici, a déjà ramassé un bâton dans les bois et couru en trébuchant tous les trois mètres pour terrasser des monstres ou simplement se la péter avec des techniques de samouraï qui font un peu classe ? Tout le monde ? Eh bien, Away : Journey to the Unexpected c’est un peu plus et un peu moins que ça, mais toujours rayonnant.
Les rapports qu’on entretient avec les jeux vidéo ne sont pas réductibles. Il y a un moment précis pour commencer Bloodborne, seul(e) dans une pièce et vers minuit de préférence, un autre pour voir défiler le générique d’un RPG long de 70h – plutôt la nuit aussi, mais peut-être est-ce le taciturne qui parle, la nuit est propice à beaucoup de belles choses, après tout. Un jeu de course bourrin épongera comme il faut un moment d’angoisse ou bien ne fera que le repousser à la fin de partie, mais ce sera toujours ça de pris. Il y a le jeu qu’on lance pour souffler, dans lequel se lover, ou celui dont on attend que l’âpreté et l’intransigeance nous malmènent. Et on ne compte plus le nombre de jeux dont on repousse indéfiniment le lancement, par peur de ce qu’ils pourraient changer chez nous. Il n’y a pas autant de sentiments à gérer avec Away. On s’y lance à peu près quand on veut, et il repart comme il est venu : simple.
Club Dorothaway
Simple mais pas modeste, car le jeu d’Aurélien Regard et Jean-Matthieu Genisson fait preuve de deux processus d’absorption. Le premier, celui d’un certain genre de japanimation datant des années 80/90, via sa narration très shonen, sur laquelle on reviendra un peu plus loin, et d’autre part avec un habillage dynamisé par un générique style anime qui défile en fond de menu principal. Accompagné de son thème chanté (le générique de fin le sera aussi), il donne l’impression d’être un jeu dérivé d’une série cross média, mais sans le dessin animé ou le jeu de cartes à collectionner qui iraient avec. Très soigné, on se demande si cet « autour » du jeu ne lui nuit finalement pas, imprimant une fausse idée de l’ampleur de ce à quoi on va assister. La deuxième dynamique de digestion s’observe sur le gameplay proposé par Away, troublant les frontières entre genres.
L’objectif du titre était en quelque sorte de proposer un jeu homogène basé sur des mécaniques variées. Ne pas mettre facilement son jeu dans une case, ça le rend sûrement plus difficile à vendre, mais c’est signe d’une recherche motivée à ne pas se reposer sur ses lauriers. De ce point de vue, Away remplit sa part du marché. Il mêle avec fluidité le RPG à la première personne et les mécaniques de rogue-lite, qui permettent de varier le schéma des donjons visités de partie en partie, s’enchaînant à chaque fois qu’on perd. Le petit héros ne pèse en effet pas lourd face aux hordes de blobs et leur casque de chantier vissé sur le crâne. Y aller trop franchement, c’est prendre le risque de perdre ses cœurs très vite. D’autant que la hitbox du personnage a l’air d’être un peu trop placée « vers l’avant », et on se retrouve régulièrement à prendre des dégâts au moment où l’on cherche à asséner un coup. Comme souvent, l’habitude finit par venir, et si l’on prend garde à ne pas alerter plus d’un ou deux ennemis à la fois, il n’y a pas besoin de bouger beaucoup pour en venir à bout.
Mais quelle est l’histoire de ce garçon à la coupe de cheveux improbable (ou est-ce un bonnet) ? Habitant avec ses grands-parents le temps que son père et sa mère reviennent de leur mission secrète, il est un jour réveillé par un gros tremblement qui semble trouver son origine à la cave. Il y descend et constate qu’une entreprise de BTP a pris la liberté de percer un trou dans le mur du sous-sol, dévoilant une galerie souterraine. Armé d’un bâton que lui confie Max, le chien de la famille, il s’aventure au-delà d’un embranchement et se retrouve au milieu d’une plaine boisée. Un peu partout, des flaques d’un liquide dangereux sont apparues, à peu près en même temps que les chantiers de l’entreprise. Le garçon cherche à percer ce mystère, mais pour ce faire, il aura besoin de l’aide des habitants des environs.
Away a pour lui un rythme très franc du collier, auquel répond le level design. La maison sert de hub menant aux deux premières zones. On y trouve trois petits donjons à l’agencement aléatoire, dont il faut activer les leviers et ainsi débloquer l’accès au donjon du boss. Au début, on ne sait pas trop ce qu’on fait, laissant s’étendre le plaisir éphémère de l’exploration. On croise les premiers individus, peu bavards, mais dont la parole se libère dès qu’on a en sa possession un « cube de l’amitié » – un par zone, plus celui qu’on peut acheter en boutique. À nous de trouver les bons mots pour établir le lien et se faire d’un magicien aux lunettes cassées, d’une chauve-souris au ventre troué ou d’un tronc sous psychotropes (le plus rigolo) un allié. Si l’on est maladroit, il faudra attendre le prochain run. Mais une fois recruté, on est devenu de bons copains, de « vieilles connaissances » comme le jeu les appelle. Chacune de ces nouvelles amitiés ouvre une porte de la maison ou l’accès à une zone inaccessible jusque-là, boss final compris. Les combats en sont également diversifiés. On peut passer de notre personnage à l’un de nos alliés à la volée pour profiter de son habilité unique, offensive, défensive ou stratégique, en veillant à ce que sa jauge d’endurance ne se vide pas, ce qui le mettrait hors combat, sans possibilité de le remplacer.
Bro-bot Fist
Les limites de cet ambitieux système apparaissent assez vite. L’exploration est réduite à son minimum et on traversera les zones sans s’attarder une fois le rythme pris. La structure du rogue-lite apporte peu, mais c’est un défaut inhérent au genre : les compositions ont beau changer, l’expérience reste intrinsèquement la même. Les combats restent basiques et les relations avec les alliés sont plus restreintes que ce à quoi on pouvait s’attendre, vu leur mise en valeur. Toutefois, rapporter ces défauts à l’expérience globale du titre, et leur impact s’adoucit. Car les développeurs ont conscience de ce qu’ils proposent : un titre sans gras, tout en franchise. Et ils font en sorte que la progression soit fluide, quitte à passer un peu vite sur les mécaniques de gameplay : l’ambiance des zones l’emporte sur l’exploration, le recrutement devient de la composition d’équipe… Mais pas question de tromper le joueur/la joueuse en le/la détournant de son objectif principal : résoudre le mystère qui a enclenché l’aventure.
Peu de brume mais de la réjouissance, en fin de compte, pour un titre qui dévoile son horizon sans complexe, à savoir remplir un après-midi, un week-end avec apaisement. La jolie patte graphique avec ses sprites 2D finement dessinés et ses couleurs chaleureuses aidant. Pas de bourrage de crâne ou d’esprit vidé pour autant, car la sincérité d’Away amène avec elle des détails à s’approprier : un parfum de RPG à la Ultima, quelque chose du Dragon Ball sans Z, ni Super, avec son radar, ses rencontres impromptues et son amour pour les robots qui blip-blop à souhait. Une chaude journée d’été, motif récurrent de la fiction japonaise, qui se devine est le point de départ de l’aventure intérieur d’un petit garçon. Confronté à une problématique écologique évoquée en sous-texte, à la recherche de ses parents, il y en aurait, des possibles drames. Les enjeux sérieux, abordés avec un humour certain et une volonté de multiplier le point de vue sur le monde à travers le regard de ceux qu’on croise, sont transformés en alliés solides. Rien ne viendra désormais empêcher la bonne tenue d’une partie de foot ou d’un match de ping-pong.
Le jeu a été testé sur PS4 Pro via un code fourni par l’éditeur.
Derrière Away se tient la volonté d’un jeu simple. Il se boucle relativement vite (c’est parfois une bonne chose) et la rejouabilité qu’on pourrait associer au rogue-lite est minime. On n’aurait pas craché non plus, et surtout, sur des relations aux alliés plus creusées. Tout pourrait paraître trop peu, mais ramené à l’ensemble de l’expérience proposée, ça tombe sous le sens. Ce n’est ni plus ni moins ce qu’il fallait pour ne pas déséquilibrer cette spontanéité détonante.
Seastrom
C'est la Loire qui coule dans les veines de Seastrom, mélangée aux subtilités de la vaporwave. Possibilité de l'amadouer en lui parlant indés et D&D (Dreyer et Digimon).
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