Imaginé par d'anciens développeurs de jeux AAA sous forme d'une expérience plus courte, indépendante et ramassée, Absolute Tactics: Daughters of Mercy entend proposer un jeu de rôle tactique modernisé, simplifié et efficace. Un pari risqué et un véritable travail d'équilibriste.
La tendance à la recherche du minimalisme est une tendance intéressante de ces dernières années au sein des petits studios de développement de jeux. Dans le monde du tactical RPG, cela a déjà pu donner des choses comme le très intéressant Reverie Knights Tactics, qui faisait le pari de réduire la taille des cartes et le nombre de personnages, faisant flirter le titre avec le genre du puzzle game. De la même manière, Curious Fate et l'éditeur Akupara Games entendent dépouiller Absolute Tactics: Daughters of Mercy d'une grosse partie de ce qui est généralement attendu d'un jeu du genre : beaucoup de personnages, des menus en tous sens, des fiches de personnages touffues et des cartes de batailles immenses et couvertes de périls. En taillant dans le gras et en ne laissant que quelques systèmes au service d'une histoire distillée au fil de l'eau dans laquelle on ne dirige qu'une poignée de combattants, le résultat final risquait de ne proposer qu'une sorte de note d'intention un peu superficielle. Il n'en est rien, même si l'ensemble n'est pas sans défauts.
Fast and Furious
Absolute Tactics: Daughters of Mercy fait deux paris assez osés. Le premier consiste en un mode de narration réduit à presque rien, le second étant son casting très réduit et assez peu personnalisable. Et même si les premières minutes de jeux peuvent faire un peu peur, ces deux paris sont globalement gagnés.
Niveau scénario, c'est simple : ici on ne s'embarrasse pas de lore, de compendium, de cutscenes ou de longs dialogues à la Triangle Strategy. Tout ce que vous avez à savoir est balancé en quelques mots au début de chaque mission et c'est tout. Il est question d'un jeune aventurier qui touche une statue, se retrouve possédé par un esprit et doit combattre une secte maléfique composée d'un prêtre fou et de ses filles maléfiques. Avec ce pari de faire simple, mais rapide, Absolute Tactics: Daughters of Mercy prend le risque de ne pas raconter grand-chose de bien neuf, mais il faut tout de même admettre que c'est reposant. Il n'y a pas de gras : les personnages et les enjeux sont livrés à la vitesse de l'éclair et le scénario se tient de bout en bout sans jamais s'égarer en considérations secondaires. Certes, ce n'est pas de la grande littérature, mais ça fonctionne et on s'attache vite à notre petite troupe d'aventuriers.
Mieux : l'ensemble du jeu baigne dans un certain sentiment d'urgence qui donne un côté très soutenu au propos et qui se retrouve aussi dans le choix d'avoir un casting de héros et d'antagonistes très réduit. On ne commande qu'une demi-douzaine de personnages, avec une marge de manœuvre très réduite concernant leur évolution, limitée à trois pièces d'équipement et à deux choix de classe. Mais là encore, c'est pour le mieux, vu que l'on est pris dans une aventure assez ramassée dans le temps, prenant en partie le décorum d'une course contre la montre. On passe donc un temps très limité dans les menus et un temps maximum sur ce qui a été la principale préoccupation des développeur·euse·s : la construction d'une vingtaine de batailles palpitantes pavant la voie jusqu'au générique de fin.
La baston pour se faire battre
Absolute Tactics: Daughters of Mercy fait là encore le pari d'une sobriété assumée : vous n'aurez pas des dizaines de batailles à vous mettre sous la dent à la manière d'un Disgaea et pas non plus des tonnes de contenu annexe à retourner dans tous les sens. La campagne se compose d'une dizaine de confrontations qui vous occuperont environ une heure à chaque fois, et d'un (petit) ensemble de combats facultatifs présentés sous forme de revisite de maps déjà terminées, mais comportant quelques secrets supplémentaires et un challenge plus relevé.
À défaut d'être nombreuses, les batailles sont, en revanche, vraiment bien pensées, et présentent toutes un problème précis à résoudre. Ici, des cristaux à dégommer dans le bon ordre pour déverrouiller des portes, là des ennemis se déplaçant au-dessus de gouffres et donc uniquement vulnérables à distance ou encore ici un boss invulnérable de face qu'il faut attirer dans un piège pour le prendre à revers. C'est toujours malin, c'est toujours renouvelé et c'est à chaque fois un pari sur votre intelligence et votre capacité à bien utiliser les compétences des personnages de votre équipe.
Pour peu que vous poussiez un peu la difficulté du jeu (très modulable dans les options), Absolute Tactics: Daughters of Mercy peut même s'avérer assez retors et vous forcer à reconsidérer votre approche stratégique à plusieurs reprises avant de trouver la faille. Les ennemis tapent globalement plutôt fort, condamnant toute approche purement bourrine et frontale à l'échec et vous forçant plutôt à vous pencher sur l'astucieux système de forces et de faiblesses de chaque unité. En effet, le jeu vous pousse à analyser les résistances et les vulnérabilités de chaque adversaire et à réagir en fonction, de manière plus fine que dans nombre de titres de la concurrence. Passées quelques minutes un peu rudes à apprendre le système (qui n'est pas expliqué avec la plus grande limpidité), il s'avère très instinctif et pousse à jongler entre les classes de personnages de manière créative au fil des challenges proposés.
Quelques écueils énervants
Absolute Tactics: Daughters of Mercy est donc un jeu comme on les aime : simple et efficace, et qui ne s'éparpille jamais dans tous les sens. On pourra d'ailleurs trouver cette approche assez sèche un poil clivante, pour peu qu'on aime les jeux au décorum plus fourni. Mais difficile de ne pas lui reconnaitre une efficacité rafraîchissante. On aurait aimé que le tableau soit constant et pas terni par des problèmes (essentiellement ergonomiques) assez étonnants.
Nous nous trouvons ainsi face à un des rares jeux du genre où il s'avère par exemple impossible d'accélérer les tours de jeu de l'ennemi, parfois assez longs, ce qui force à fixer son écran pendant plusieurs dizaines de secondes en regardant des adversaires lointains s'avancer lentement. Dans le même ordre d'idée, on regrettera aussi le manque surprenant d'ergonomie de la « caravane » (les menus entre les missions) : pas d'inventaire facilement accessible, pas de moyen d'équiper immédiatement un équipement acheté, pas d'infos sur les stats gagnées à chaque niveau par les personnages, pas d'arborescence lisible dans les compétences de classe, etc. Comme si on avait voulu nous chasser le plus vite possible des menus pour nous renvoyer au turbin. Un manque de confort qui donne quelques mauvaises surprises et qui m'a par exemple conduit à ne comprendre comment appliquer les bonus de statistiques permanents récoltés dans les missions qu'au bout de plus de six heures de jeu.
On appréciera encore moins les foirages réguliers dans la traduction du jeu, qui a tendance à changer trop souvent de registre de langue sans raison apparente… Voire à repasser en anglais sans prévenir. Ou encore les problèmes dans le système de sauvegarde, pas avare en bugs bloquants et manquant d'un système de sauvegarde temporaire qui aurait été bien utile dans les missions les plus longues. Système pourtant présent dans quasiment tous les TRPG parus ces dernières années. En bref, Absolute Tactics: Daughters of Mercy est un excellent élève dont on ne peut pas s'empêcher de penser qu'il a tout de même un peu bâclé sa copie.
Absolute Tactics: Daughters of Mercy a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Tout ce que vous avez toujours trouvé too much et trop dense dans les jeux de rôle stratégiques touffus à la japonaise a été soigneusement retiré d'Absolute Tactics: Daughters of Mercy et certains pourront trouver ça un peu sec. Moi j'ai trouvé ça particulièrement élégant, efficace et au service d'un gameplay super malin. Au point d'en arriver à pardonner quelques bugs et problèmes d'ergonomie franchement pas dignes de l'ensemble et dont on espère vraiment qu'ils seront corrigés par la vaillante équipe de Curious Fate via des patchs dans les prochaines semaines.
Les + | Les - |
- Histoire ultra simple et efficace | - Quelques bugs assez vilains |
- Peu de batailles, mais elles sont toutes chouettes | - On pourra trouver le ton un poil expéditif |
- Le casting ramassé, mais attachant | - Ergonomie douteuse des menus |
- Le système de classe assez subtil | |
- You can pet the dog |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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