Quelques années après le diptyque Remothered, le studio italien Stormind Games retourne au jeu d'horreur, avec A Quiet Place : The Road Ahead, basé sur une célèbre licence de films à succès. Leur proposition prend la forme d'un jeu d'infiltration et de cache-cache manquant un peu de relief.
Tout au long des six heures et quelques de la campagne du jeu, je me suis posé la question suivante : mais à qui ce jeu, sympathique par moment, mais en tout point dépassé par d'autres productions similaires, se destine-t-il ? Je vous spoile ma réponse, parce que cette critique n'est pas un roman à suspense : aux fans de la saga A Quiet Place, certainement, tant cette dernière, avec ses aliens sensibles au son, est vidéoludique presque par essence. Ce sont des films qui proposent en quelque sorte un gameplay à leurs protagonistes, puisqu'ils doivent pour l'essentiel se déplacer et s'infiltrer sans faire de bruit, en gérant leur stock de ressources. Mais plus largement, je pense que nous tenons là le prototype même du jeu d'épouvante destiné aux joueurs occasionnels, dans le sens le plus noble du terme : celles et ceux qui apprécient de se caler deux ou trois fois par an dans leur canapé et de jouer ensemble à un petit truc sympatoche qui fait peur (mais pas trop peur). Probablement le même public qui se rue sur chaque jeu Supermassive avec l'idée de passer une bonne soirée pizza-champomy en criant sur son écran de télé. Gardez à l'esprit que si vous faites partie d'une de ces deux catégories, je crois que vous passerez un excellent moment devant cette production. Si vous êtes un peu plus sélectif dans vos critères après avoir poncé des dizaines et des dizaines de survival horror et que vous avez prévu de vous faire tatouer la date de sortie du prochain Alien : Isolation sur la fesse gauche, ça risque d'être un peu plus compliqué.
Allô le monstre
Ceci dit, un bon point : nul besoin d'avoir rematé trois fois l'intégralité de la trilogie pour entrer dans le grand bain. A Quiet Place: The Road Ahead fait tous les efforts nécessaires pour vous resituer la pléthore d'informations dont vous avez besoin pour ne pas être perdu dans le lore complexe et touffu de l'univers Sans Un Bruit. À savoir : y'a des monstres qui vous repèrent à l'oreille, alors faut pas faire de bazar.
Le jeu se déroule quelques mois après que les bestioles aient massacré l'essentiel de la bruyante population terrienne. Les survivants sont terrés dans le silence, et vous incarnez une jeune fille qui a la malchance de faire des crises d'asthme à répétition. Or, dans ce riant univers : tousser c'est mourir. Deux ou trois bricoles pas terribles à base de démembrement de votre famille surviennent, et vous vous retrouvez sur la route, essayant de rejoindre à pied un camp de la garde nationale. Bien entendu, ceci en étant traquée par un monstre qui se fera un plaisir de vous dévorer si vous avez le malheur de marcher de manière un peu vive sur une brindille.
Je parlais de "films à gameplay" notamment parce que ce que l'on nous propose ici, c'est bien de rejouer exactement ce que les personnages font dans les longs métrages : se déplacer en silence. L'aventure est découpée en une dizaine de niveaux qu'il faudra traverser à pas les plus feutrés possibles. Des hautes herbes ? Ça fait froutch froutch, on contourne. Une flaque ? Ça fait ploc ploc, on évite. Une porte ? Ça fait gniiiih alors on l'ouvre tout doucement. Une canette en métal ? Ça fait blonk blonk alors on arrête de shooter dedans avec l'énergie d'un avant-centre sous crystal meth. Un processus compliqué par une mécanique de stress et de gestion de la poussière qui fait qu'à peu près toutes les deux minutes, la malheureuse héroïne est prise de quinte de toux qu'il faut éviter avec des pilules, des inhalateurs et des QTE. La moindre erreur est d'ailleurs quasiment systématiquement fatale et synonyme de retour au dernier checkpoint. C'est rigolo, mais la limite de l'exercice, c'est que le monstre qui vous colle aux basques est franchement con comme un manche de pioche.
Vague à l'asthme
C'est assez évident pour qui y aura joué à l'époque, mais nous tenons donc ici un clone d'Alien : Isolation avec un terrain de jeu beaucoup plus réduit. C'est exactement la même idée, avec un monstre contre lequel on ne peut pas se défendre, des zones pour se cacher, et l'idée qu'il faut atteindre le prochain rare point sécurisé pour faire avancer le scénario.
Sauf que dans A Quiet Place: The Road Ahead, foin de xénomorphe imprévisible capable de venir vous chercher dans un placard ou de surgir par une conduite. Les scripts présidant au comportement de la bestiole sont ici extrêmement simples, et donnent pendant une bonne partie du jeu l'impression que l'animal ne vous cherche pas vraiment, pour peu que vous vous déplaciez lentement. La plupart du temps, la créature reste bien en vue dans le niveau, assez peu menaçante étant donné la permissivité du level design. Au début, on se fait un peu surprendre en marchant dans l'eau ou en percutant un bidon quelconque. Puis, au bout d'une heure, on fait attention, et on a juste l'impression d'avancer au ralenti dans des environnements extrêmement mal rangés.
Pire : passé le premier tiers du jeu, l'héroïne se découvre le superpouvoir de lancer des trucs et des machins, tel un bébé souhaitant attirer l'attention avec ses petits moyens. Dès lors, il devient extrêmement simple d'éloigner l'animal en projetant un parpaing sur le mur d'en face ou en pétant une vitre à coup de bouteille de bière. Il est même possible, avec un peu d'astuce, de présenter à l'abomination son pire cauchemar, en la personne des bugs de collision qui la coincent dans le décor. Une fois ces acquis en poche, il devient bien trop simple de se promener de niveau en niveau sans jamais être très inquiété ni avoir à particulièrement se soucier d'explorer, puisque l'objectif est presque toujours le même : rejoindre la sortie. C'est joli, c'est un peu amusant, mais tout de même, on s'ennuie ferme devant le peu de surprises que tout cela nous réserve.
A Quiet Place : The Road Ahead a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 5 et Xbox Series.
Une des forces de jeux comme Resident Evil 3 ou Prey vient du fait que l'on ignore globalement où et quand va frapper la prochaine menace. Avec son antagoniste un peu effrayant, mais totalement désamorcé par un level design trop simple et des scripts transparents, A Quiet Place : The Road Ahead peine à faire peur ou même à simplement provoquer un sursaut ou un hoquet de surprise. En revanche, je retiendrai tout de même ses jolis décors, son écriture économe, mais efficace, et sa volonté très sincère de rendre très tangible l'univers des trois films. Ce qui, pour un produit à licence, est déjà un joli accomplissement !
Les + | Les - |
- Les fans des films vont se régaler | - Le comportement du monstre est d'une simplicité déroutante |
- C'est plutôt joli | - Level design assez faiblard |
- Scénario simple mais efficace | - Les niveaux renouvellent très peu les mécaniques du jeu |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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