Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali explore des mystères victoriens en 8 bits avec The Corruption Within et Kalkulmatriciel livre des quatre fromages en hydravion dans Adriatic Pizza.
The Corruption Within
Financé par une (modeste) campagne Kickstarter et porté par deux développeurs et un musicien uniquement, The Corruption Within est un point and click rétro et minimaliste dans le plus pur style des jeux d’aventure des années 1980, avec ce que cela convoie de défauts et de bonnes surprises.
De Lovecraft à Scooby-Doo…
À une époque mal déterminée de l’ère victorienne (vraisemblablement le début du XXe siècle), un architecte fait du camping dans la campagne anglaise. Sa femme et son fils disparaissent dans une sombre nuit d’orage, qui mènera le malheureux à s’enfoncer un peu trop dans des bois ténébreux où, bien vite, il tombe sur le corps boursouflé d’un pendu. Bien vite réfugié à l’intérieur d’un manoir tout ce qu’il y a de plus inquiétant dans lequel une femme vraisemblablement fatale l’a invité, notre héros fait la découverte des étranges habitants d’une demeure aux lourds secrets : un majordome alcoolique, un valet simplet persuadé d’une imminente catastrophe, des servantes terrifiées, et une famille de riches aristocrates versés dans l’occulte…
Vous l’aurez compris, The Corruption Within n’y va pas dans la finesse quand il s’agit de brasser les clichés des histoires horrifiques façon gothique du XIXe siècle anglais. Les premières minutes donnent l’impression de jouer à un énième jeu à la Lovecraft auquel on aurait troqué les mystères de l’Amérique par une Angleterre semblant pourrir sur pied. Une sorte de version très premier degré de Maniac Mansion, où l’on s’attend vite à voir débouler quelque horreur ineffable et cyclopéenne dans les sous-sols de la demeure.
Mais la très bonne surprise de The Corruption Within, c’est que son intrigue bascule assez vite dans un autre registre de l’horreur, plus inattendu et que je ne révélerai pas ici, mais qui s’éloigne du surnaturel classique pour aller finalement sur un drame bien plus humain qui évoquera davantage les révélations à la Scooby-Doo (en version plus glauque) que de sombres grimoires magiques. Une série de révélations surprenantes qui rendent assez passionnante la reconstitution de l’histoire de la déchéance des habitants du manoir et de la descente aux enfers pas si surnaturelle que cela du personnel de maison. Dommage que le gameplay et les énigmes ne suivent pas tout à fait.
Prendre Clé, Utiliser sur Pot de Fleur, Récolter Grimoire.
Le rétro, c’est super (bon il faut adhérer au style très naïf du jeu, mais il contribue à son ambiance étrange). L’absence totale de concession à un minimum de confort, c’est déjà plus pénible. The Corruption Within souffre d’une interface si minimaliste qu’elle en devient contre-productive pour la résolution des énigmes qui le parsèment : des flèches de déplacement, un inventaire, et c’est tout.
On aurait ainsi vraiment aimé pouvoir maintenir l’inventaire ouvert et ne pas avoir à le recharger à chaque essai de combinaison d’objet, bénéficier d’un minimum de journal de quêtes pour éviter de tâtonner entre deux sessions de jeu un peu espacées. On aurait aussi pu imaginer une carte ou du déplacement rapide pour éviter de passer de longs moments à errer dans la forêt et les différents étages du manoir, et pourquoi pas même bénéficier d’un minimum de système d’indices pour passer quelques énigmes dont la logique peut échapper un peu au joueur. Bref, quelques petites options de pur confort qui auraient rendu The Corruption Within bien moins rigide et austère qu’il ne l’est actuellement.
The Corruption Within a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Trop âpre et minimaliste pour être tout à fait satisfaisant en 2021, The Corruption Within a le mérite de tenter une approche un peu différente du jeu d’aventure horrifique, quitte à proposer quelques énigmes pas toujours réussies et quelques facilités vers la fin du jeu. Pas parfait mais audacieux, en somme, et c’est à mon avis suffisant pour ravir a minima les 200 backers ayant soutenu et accompagné le projet.
Adriatic Pizza
Adriatic Pizza est le fruit du travail d’une seule personne, Samson Auroux, qui a su enlever le superflu pour ne garder que l’essentiel : la pizza et l’aventure. Cependant, entre la sauce tomate et les embruns, le titre n’est pas exempt de bugs assez gênants.
Mer patrie
Lorsque vous commandez une pizza, votre livreur se rend chez vous en scooter, ou en voiture peut-être ? Nous n’avons pas les mêmes valeurs. Les habitants de l’archipel d’Adriatic Pizza se font livrer en hydravion et ça rend la Margherita bien meilleure. Ce sera à nous, pizzaiolo sans corps tangible, de préparer les commandes et de les amener à bon port, à bord de notre engin dans cet univers autosuffisant se limitant aux quatre coins de la carte. De bonnes pizzas passent évidemment par de bons produits, il faudra donc cultiver nos propres tomates et notre basilic, moudre le blé pour avoir de la farine, et abattre du bois pour notre four. Toute cette production en circuit court est lente et sans urgence, de même qu’il n’y a pas de temps limité pour livrer les pizzas (et heureusement, vu mon sens de l’orientation en avion). Notre mission est d’honorer nos commandes, et c’est la mise en main propre de nos cartons de pizza qui sera l’occasion de « partager » quelques mots avec les habitants isolés des petites îles entourant notre pizzeria et d’en apprendre plus sur eux. D’ailleurs, Clint Eastwood habite au sud de l’archipel et c’est un vrai goujat, comme en vrai quoi.
La force du titre se trouve dans cette douce routine de notre pizzeria marine. Si vous êtes sensible au caractère assez contemplatif de Porco Rosso (qui est une inspiration avouée du développeur), Adriatic Pizza ne vous laissera pas de marbre. Le jeu se veut calme et reposant avec sa musique minimaliste (composée par Matthew Martin) et son pixel art dont l’aliasing ferait pâlir d’envie les AAA que je fais tourner sur mon vieux PC. Le titre est peu bavard mais il faut souligner le soin apporté aux graphismes et la palette de couleurs utilisée, qui, même s’ils ne conviendront pas à tout le monde, correspondent parfaitement à l’ambiance dans laquelle veut nous plonger le créateur et aux sentiments qu’il veut nous faire ressentir.
Hydro-boulot-dodo
Seastrom nous en parlait récemment, le jeu était censé entrer dans une petite période d’accès anticipé mais il a débarqué officiellement le 28 mai. En fin de compte, c’est le créateur qui a proposé des clés à quelques joueur.ses pour faire office de playtest improvisé. Adriatic Pizza a sûrement gagné à écouter les premiers retours de joueur.euses avant sa commercialisation, malheureusement ça n’a pas été suffisant. Le titre propose une expérience vraiment plaisante, mais pour le moment, elle a un coup dans l’aile. Des bugs bloquants ont tendance à plomber le rythme et à nous sortir de l’univers du jeu. Il faut souvent recharger sa sauvegarde et perdre un jour d’histoire pour débloquer la situation (la sauvegarde se faisant uniquement lorsqu’on va dormir et lorsque toutes les commandes sont honorées et les missions remplies).
Samson Auroux est déjà en train de prendre en compte les commentaires et ajoute de nouvelles fonctionnalités, notamment des tutos et davantage d’explications pour éviter de tourner en rond pour trouver du fromage, la preuve qu’un vrai peaufinage était nécessaire. Mais remettons le jeu dans son contexte : de par ses contraintes de développement, on ne peut pas s’attendre à un résultat parfait sur tous les plans.
Adriatic Pizza a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
J’ai vraiment apprécié Adriatic Pizza. Oui, malgré les bugs, car le titre a su imposer son rythme et proposer une expérience plaisante avec un vrai parti pris artistique. J’espère que des correctifs pourront rendre l’expérience plus fluide mais en l’état, le jeu vaut bien ses 4€. De quoi passer un agréable moment avec supplément mozzarella.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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