Cette fois-ci dans Partie Rapide, Murray vous parle d’Evan’s Remains, un puzzle plateformer sur fond de mystère, et Seastrom de Dogurai, un plateformer façon Game Boy même pas Color.
Evan’s Remains
Je vais être honnête avec vous, je suis très gêné. J’ai reçu Evan’s Remains, un jeu dont le trailer montrait un univers tout joli et des puzzles sympas, jeudi soir dernier. Je l’ai fait d’une traite le lendemain matin et, lorsque j’ai voulu commencer à écrire ma critique 3 jours plus tard, je n’en avais plus vraiment de souvenirs… heureusement que j’ai des notes !
Seule sur le sable, les yeux dans l’eau
Evan’s Remains est le jeu d’un seul homme, Matías Schmied, un jeune développeur indépendant vivant en Argentine qui a décidé de se lancer à plein temps dans sa passion (notamment grâce à un Kickstarter réussi l’année dernière). On y incarne Dysis, une jeune fille à la recherche d’Evan, un petit génie qui a disparu depuis un moment, mais qui semble se cacher sur une île mystérieuse. Elle va rapidement faire la connaissance de Clover, un autre garçon, qui cherche lui l’immortalité (oui rien que ça), la légende voulant qu’il puisse lui aussi trouver son bonheur sur cette île.
Pour pouvoir explorer les lieux, Dysis va devoir résoudre des petits puzzles, qui consistent tous à atteindre la zone en haut à droite de l’écran en sautant de plateforme en plateforme. Notez qu’il est dit clairement dans l’aventure qu’elle n’a aucune obligation de le faire, puisqu’elle pourrait contourner les ruines abritant les puzzles, mais elle ne souhaite pas mettre ses pieds dans l’eau (ce que je peux comprendre cela dit). La particularité étant que les plateformes disparaissent et réapparaissent en fonction de vos sauts. Il vous faudra donc un peu de réflexion (mais pas de rapidité) pour résoudre ces puzzles.
Et quand je dis un peu… je veux dire un peu. En effet, je ne pense pas avoir passé en moyenne plus de 2/3 minutes sur chaque puzzle de l’île. Bien sûr, ils se complexifient avec de nouvelles mécaniques, mais le jeu n’est clairement pas là pour punir le joueur. Le problème, c’est que quand on a qu’une trentaine de puzzles à proposer, ça laisse un peu/beaucoup sur sa faim. Pourtant il vous faudra bien entre 3 et 4 heures pour voir les crédits du jeu… et oui en réalité nous avons plus en face de nous un visual novel qu’un puzzle plateformer.
Twists à s’en tromper
Matías Schmied avait prévenu, il veut que le joueur se demande ce qu’il se passe pendant qu’il découvre l’histoire d’Evan’s Remains et ses nombreux mystères. Le problème c’est qu’une fois le jeu fini, je me suis demandé ce qu’il venait de se passer…
J’ai beau comprendre les inspirations du créateur, tournant autour des nombreux twists que l’on peut trouver dans un Ace Attorney, un Danganronpa ou encore un Ghost Trick, j’en suis encore, en écrivant ces lignes, à me demander pourquoi se prendre autant la tête avec un scénario trop alambiqué pour que le joueur soit pris dans les émotions (pourtant fortes) des personnages en présence. C’est d’autant plus dommage que l’on sent qu’en enlevant un ou deux twists et en développant plus certains personnages, on pourrait avoir une vraie belle histoire attachante.
Un puzzle plateformer trop court et simpliste, une histoire trop alambiquée : que reste-t’il alors à garder d’Evan’s Remains? Ses graphismes et ses décors qui sentent bon le sable chaud et le calme d’une nuit d’été pendant les vacances. Sa musique aussi qui rappelle parfois du Celeste (peut-être même un peu trop, mais difficile de lui en vouloir). Ah et j’oubliais presque : une traduction française, sans aucun doute réalisée par Google Trad (j’ai tenu 3 minutes avant de passer le jeu en anglais, c’était 2min50 de trop).
Evan’s Remains a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est aussi disponible sur Nintendo Switch, Xbox One et Playstation 4.
J’aimerais bien vous dire simplement qu’Evan’s Remains est un mauvais jeu à éviter mais ce n’est même pas le cas. Trop simple pour s’énerver dessus et trop court et avec de (trop) nombreux rebondissements pour être ennuyant, c’est un jeu fait par une seule personne et cela se ressent. Bon après, évitez de me poser la question dans un mois, je l’aurai sans doute à nouveau oublié…
Dogurai
É Mega Man ou nada
Les projets se suivent et se ressemblent parfois chez les studios indés ayant décidé de revisiter le patrimoine de l’industrie vidéoludique. Comme cela a pu s’observer avec le succès de Shovel Knight et sa réappropriation du Mario période Super NES ou la vague naissante de jeux reprenant les codes « 3D granuleuse » de l’ère Playstation, l’exercice de style qui consiste à faire « comme à l’époque » a le vent en poupe. Sorti l’an dernier sur PC, Dogurai, premier titre du studio brésilien Hungry Bear et qui s’est vu porter sur Switch et PS4 au mois de mars, embrasse cette mode en nous rappelant au bon souvenir du jeu de plateformes sur Game Boy. Il va même au-delà, se servant avec déférence chez l’icône en alu de Capcom, Mega Man, le style en plus parce que « chien-samouraï », pourquoi aller chercher la classe plus loin ? Non, il serait plutôt question de savoir si cet héritier autoproclamé arrive à se faire une place aux côtés de ses aînés. À ceci, on peut seulement répondre par un discret : « mouif ».
Bones, on n’apprendra son nom qu’à la toute fin du jeu, atterrit avec souplesse sur la dalle de béton qui soutient l’immeuble en piteux état dont il vient de quitter les étages supérieurs. Dogurai nous plonge dans le feu de l’action sans s’embarrasser de contextualisation, à l’image de ses aînés pour qui la progression tenait lieu de récit. Cette introduction contient en substance l’essentiel de ce qu’on rencontrera le temps des deux, trois heures qu’il faut pour faire le tour de la demi-douzaine de niveaux du titre. Des ennemis robotiques à découper façon carpaccio et des sauts en précision au-dessus de gouffres et autres flaques de liquide néfaste à la survie d’un brave cabot, eût-il un sabre à la taille, c’est tout ce qu’on demande. Bones, sans doute adepte d’une vie d’ascèse, peut effectuer trois actions : trancher, qu’il peut enchaîner trois fois avant de s’arrêter ; faire un double saut, à hauteur variable selon la durée d’appui ; glisser, sur une longueur définie, ce qui permet d’étourdir les ennemis les plus légers. Il faudra se contenter de cela et oublier les pouvoirs récupérés à l’issue des combats de boss de son senseï le robot bleu. Troquant le pisto-laser de Mega Man pour un katana, Bones a tout de même la possibilité de trancher les projectiles (petits) qu’on lui envoie. Une technique qui permet de se la jouer mais a, au final, assez peu de conséquences sur le gameplay. C’est sans doute là que se joue le manque d’impact général de Dogurai, l’absence d’une fonctionnalité clé.
Zatoïshiba
On ne peut que reconnaitre l’attention de Hungry Bear à se rapprocher des modèles du genre. Les niveaux ont, pour la plupart, du style et cultivent leur particularité, plus ou moins marquante, qu’il s’agisse d’une phase de plateforme demandant de la précision et de la réactivité ou une course la lave aux fesses. Ces séquences se révèlent souvent assez corsées, dû à une physique qui ne laisse pas place à l’erreur et se pratique au pixel près. On pourra y trouver matière à rouspéter essentiellement lorsqu’on saute depuis le bord d’une plateforme en courant, sans remarquer qu’on est déjà dans le vide, et qu’on vient en fait de déclencher le second saut, alors tout à fait insuffisant pour atteindre l’autre côté. Les boss sont eux aussi, dans l’ensemble assez réussis, mettant à l’épreuve notre sens de l’observation des patterns ; il est d’autant plus dommage que le boss final soit le plus mou de tous.
Il manque cependant quelque chose, que ce soit dans le level design ou les combats, l’élément qui fera pencher la balance en faveur de Dogurai. Et ce n’est pas la présence d’un QTE, une trouvaille de mise en scène plutôt maligne mais répétée trop souvent, qui marquera le coup. On apprécie les animations précises de Bones, cette séquence inattendue en moto ou la présence de salles secrètes permettant de débloquer un personnage supplémentaire ; les musiques plutôt entraînantes et les deux modes de difficulté qui rendent l’expérience plus accessible. Mais il manque, la fin arrivée, une raison de s’enthousiasmer plus que de raison.
Dogurai a été testé sur Switch via une version commerciale. Il est également disponible sur PC et Playstation 4.
On aurait bien filé sur les toits, sabre au fourreau, avec Bones. Tranché du robot à tout va, comme un pied-de-nez à la série dont il essaie de s’approprier la recette, au corps-à-corps plutôt qu’à mi-distance. Mais, alignant des atours appréciables, Dogurai manque de trouver ce qui lui permettrait de se hisser à hauteur de ses aînés. On est, cela dit, curieux de voir la prochaine production de Hungry Bear. Plus trivialement et pour le plaisir du bon mot (attention, ça va vite) le jeu vaut le coup, s’il n’est pas trop cher – et par chance, c’est le cas.
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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